Vous connaissez les peplums, les westerns, spaghettis ou pas ! Au Japon existe le chambara (チャンバラ), ce nom venant des onomatopées rappelant le bruit d'une lame tranchant la chair, il est parfois nommé ken geki (film de sabre) et se définit par quelques règles simples : le héros est un solitaire qui doit suivre le code d'honneur des combattants (le bushidô) sous peine de faire seppuku, mieux connu sous l'appellation de hara-kiri ! Histoire de faire connaissance avec ce genre penchons-nous sur un cinéaste qui fut un maître dans ce domaine et nous livra des chefs-d'oeuvres que je vous invite à découvrir.
Sinon vous savez ce qui vous attend !
Tuer ! (Kiru, 1962)
Adapté d'un roman de Shibata Genzaburo, le film suit le destin d'un samouraï dont la bâtardise est un poids impossible à abandonner.
Shingo est heureux avec sa sœur, de laquelle il est très proche, et son père, Takakura. La vie lui sourit, il maîtrise une technique de sabre unique et quasi imparable.
Lors d'un important tournoi, finaliste, il va choisir d'utiliser un sabre véritable, impressionnant son adversaire au point qu'aucune attaque ne sera nécessaire pour qu'il triomphe, attirant sur lui et sa famille l'intérêt du seigneur local, et la jalousie des perdants.
Ceux-ci vont faire courir la rumeur que Shingo est illégitime. Faute de pouvoir le prouver, accusé de diffamation, déshonorés ils décident de se venger en assassinant Takakura et la sœur de Shingo.
Avant de mourir Takakura avoue la vérité à Shingo, il est le fils d'une criminelle condamnée à la décapitation et exécutée par son vrai père comme une ultime déclaration d'amour. Shingo retrouvera un homme vivant avec le souvenir de celle qu'il aima, et tua, et qu'il attend de rejoindre. Shingo finira par trouver un maître à servir, ce qu'il fera avec dévouement, et efficacité, jusqu'à ce que le piège se referme.
La Lame diabolique (Ken Ki, 1963)
À nouveau Misumi adapte un roman de Shibata Ginzaburo, encore une fois un bâtard, cette fois fils d'une femme et d'un chien, appelé Hanpei, le tacheté, mais surnommé 'Inuko' (fils de chien). Sa mère, suivante d'une importante dame, ayant hérité du chien de cette dernière avec mission de s'en occuper comme d'elle-même.
Hanpei voit dans le jardinage le but de sa vie et son père adoptif l'incite à suivre ce chemin. Il a la 'main verte' et ne demande rien à l'existence qu'un cours floral et pacifique.
Mais Hanpei, au hasard d'une promenade en forêt, va rencontrer Daigo Yaichiro, un samouraï solitaire qu'il va observer pendant un an, assimilant sa technique sans toucher un sabre. Talent prodigieux révélé par un hasard malicieux, deus ex machina d'un drame déplaçant ses pions.
Accidentellement Hanpei va tuer Daigo mais le savoir est transmis, un devoir pour le maître, une charge pour son successeur. Désespéré l'élève va briser son sabre mais finira par en trouver un autre, arme légendaire qui aurait appartenu à un célèbre bandit ayant commis de nombreux crimes.
Hanpei est à la limite de l'humain mais s'il aspire à vivre dans l'honneur ce ne sera pas possible, pour autant que cela fut jamais possible qui sait si à la fin il n'aura pas renoncé à une humanité dont il aurait compris qu'il s'agit d'un mythe.
Le Sabre (Ken, 1964)
1964, université de Tôwa, Kokubu est le maître du club de Kendô et prépare un important tournoi. Rien n'est plus important pour lui que cette discipline. Son dojô abrite d'une part Mibu qui voit en Kokubu un exemple qu'il tente de copier et Kagawa qui voit dans le Kendô un sport et dans le comportement de son maître une obsession irrationnelle, vingt ans après la fin de la guerre et presque un siècle après la disparition des samouraïs.
Les élèves incarnent la schizophrénie du Japon hésitant entre son héritage et l'avenir proposant à chacun une effrayante autonomie.
Kagawa, pour tenter la 'foi' de son sensei ira jusqu'à lui présenter Eri, incarnation de la femme japonaise en rupture avec l'image classique de l'épouse soumise attendant patiemment le retour de son époux.
En noir et blanc, contemporain, cet ultime film semble déparer la série mais il n'en est rien, cette adaptation d'un roman de Mishima Yukio est le chant du cygne, le chant du sabre, prenant pied dans le vingtième siècle. S'y affrontent le conformisme et la modernité avec un final constatant l'inéluctable passage du temps et la mort des valeurs du passé et la vacuité de celles du présent. Avec le recul du temps rapprocher cette conclusion de celle de la vie de Mishima lui-même me paraît possible comme si la fiction annonçait la réalité.
Un triptyque tranchant à l'image de la maîtrise du sabre, pas de gesticulation : l'attente, la frappe, la mort ! Si vous ne connaissez que Tigre et Dragon ou Le secret des poignards volants, vous serez décontenancés, au début, mais laissez-vous saisir par le charme un peu désuet et la maîtrise de Misumi, vous ne le regretterez pas.
Un mot de Raizō Ichikawa 市川雷蔵, vedette de ces trois films et qui mourut en pleine gloire le 17 juillet 1969 à l'âge de 37 ans.