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11 décembre 2009 5 11 /12 /décembre /2009 06:55

MB (5/6) 
 

                                                 06

Quel est mon héritage ? Le titre d’un récit récent, un souvenir, cette route à sens unique, cet édifice improbable, l’idéal pour un écrivain recevant un legs inattendu. Sa dernière nuit est occupée par ce rêve, un moyen de repousser la victoire du je. Ensuite j'écrivis trois fois la même histoire, pas moyen d'être satisfait ! Ce texte s’achevait, le record, sur l’entrée de l'héritier dans la maison paternelle, là il se met au travail. Par lui je pus écrire la suite, des histoires formant une suite logique, une chaîne, une laisse.

Si la réalité lisait par dessus mon épaule elle me botterait le train.

                                        * * *

J’entends un chœur de voix douces tissant une certitude. Le chemin est ouvert, l’heure des choix va sonner au beffroi de la nécessité.

L’évidence me crève les yeux, elle est là et je pense à autre chose.

Le temps est à sens unique, pour l’instant, dans l’avenir pas de certitude puisque des particules pourraient circuler plus vite que la lumière... Écrire pour ne rien dire ne m’amuse plus. L’image de cette forteresse sculptée me plait, j'y suis chez moi, elle est mon héritage. Mon personnage, celui des camps, y eut la révélation que je dois décrypter. Un cadre virturéel ! La force gisant dans ses profondeurs naquit avec l’univers. Un sujet à potasser si je veux m'exprimer clairement, le sens de la réalité me manque pour donner de la substance à mes récits, la quantité ne remplace pas la qualité.

J’ai un problème de résurrection, ce n’est pas si fréquent, si je vivais cela, symboliquement s’entend, ainsi que je l’ai évoqué, il me serait plus facile de réussir ce tour de force de mélanger trois êtres en un. Mon esprit fonctionne curieusement, alors que j’évoque cette trinité Thlita me fait signe, je vois sa nature : Un archétype ! Ce pourquoi elle fut plus puissante que moi. Définir ce que j’entends par là ? Lisez Jung, sans partager toutes ses idées je l'approuve sur ce point, surtout quand il précise qu'en croiser un est bouleversant. S’il n’est pas le plus célèbre des pères de la psychanalyse il est allé plus loin que les autres quitte à s'égarer, pas assez loin pour moi peut-être.

Par une simple graine l’arbre ressuscite, les cadavres font engrais, surtout ceux de fumiers ! Je mélange et sort le lapin du chapeau.

En quelques jours j’ai grandi, sur ma joue la marque de la gifle morale que je reçus persiste. Et ensuite ? Retour, cet homme qui croise une enfant, un écrivain qui a réussit, son œuvre va trouver la réalité, le plus important manque sans qu’il puisse le définir, alors il imagine mourir. Ce qui m’attend, tout risquer, réussir et disparaître ?

La vie n’est pas dans la papier, dans des doigts courant sur le clavier, de ma scolarité je conserve d’avoir appris la dactylographie. Le sang est l’encre, j’appuie sur mes plaies et m’en inflige d’autres pour écrire encore. Me reviennent mes premiers contes… En février, un homme dans une ville déserte, finalement il comprendra qu’il est mort. C’est gai et indicatif de ce qui m'habitait. Mon troisième texte s’appelait Le chemin, déjà cette image me hantait. Le héros erre sur un sentier sombre, parvient à une maison perdue, va jusqu’à la fenêtre et se découvre sur son lit de mort.

Quelle suave imagination ! Mon esprit est un charnier, cela conforte ma certitude d’avoir entrevu la mort, même si j'en donne une explication erronée, je peux en trouver une autre.

En fait c’est elle qui me trouva !

Lequel regarde l’autre ? Le mort alité observant son visage à la fenêtre ou l’inverse ? Le mieux serait que je le laisse tout tomber à commencer par moi, dans l’eau froide, c’est de saison.

Mort et Amour tissent l’écran sur lequel je me projette. Cette forme floue c’est moi. Deux incontournables, comment trouver en soi la force d’amour en sachant que demain est certitude ? L’attente se justifie par elle-même. Gifler la mort, lui dire non, je lève la main, suspends mon geste, c’est moi que je frappe. Je mélange rêve et réalité, imaginaire et concret, je ne sais faire autrement tant je pris l’un pour l’autre, écrire semble répétitif mais le voyage offre à chaque fois une destination inédite. Les idées abondent, la science m’attire, pour l’utiliser, en saisir les concepts, les idées, les impossibilités pour progresser. Extérieur et intérieur se ressemblent, une partie logique, l’autre moins visible, moins cohérente, les deux indissociables. L’être et le penser. J’en reste là. Prenant cette voie je me perdrais en route, j’y reviendrais. De l’ombre et de la lumière il importe de connaître la première pour apprécier la seconde. La mécanique quantique met en valeur l’expérimentateur, ainsi l’œuvre ne naît pas de rien, connaître son auteur permet de la mieux apprécier. Je reviens à ce que je voulais dire après cette parenthèse fulgurante. L’expérimentateur, n’est-ce pas lui le problème, vers lui que devraient se tourner regards et curiosités ? L’imbécile regarde le doigt mais le crétin regarde la lune, moi j’observe le « sage ».

Descendre pour monter, passer par dehors pour entrer, logique ! La difficulté ne vient pas d’un manque de savoir mais d’une impossibilité psychologique d’imaginer un monde différent, dans le fond, pas dans une forme qui se veut technique mais qui n’est que lâche.

L’inconnu m’attend. La folie était un passage obligé, un test avant de poursuivre. L’incapacité cérébrale montre ses effets dans la réalité plus que dans la science, je doute que ce soit pour rien. La peur est supportable si elle s'incarne loin de la réalité.

La lumière s’est déjà imposée, le souffle de l’explosion approche. La chaleur vitrifiant le monde pansera les blessures, La Terre devenue désert connaîtra la paix.

La moindre question est une épine de plus, je connais la sensation du sang couvrant le visage, j’en porte la marque. Il sécha, s'effaça, mais pas en moi. Focalisé sur elle j'évite de voir qui je suis et où je vais.

Où vais-je ? Vers qui ?

Suis-je capable de désirer autrement que mentalement, imposer mon désir à ma lâcheté ; je ne suis pas passé à l’acte quand il s’agissait de tuer, le puis-je pour aimer ?

                                        * * *

Les symboles sont des cailloux blancs (!) marquant la route, les plus repoussants ont la signification la plus importante. La violence est fille de la peur, je les connais bien, le temps vient de me séparer de leurs bras glacés pour en désirer d’autres. Ainsi que le disait Max Planck « On ne convainc pas les opposants à une vérité nouvelle, on attend qu’ils disparaissent. » J'ignorai que cela valait pour moi aussi !

J’attends, y compris, et surtout, une disparition intérieure. Les chocs du dehors sont doux en comparaison de ceux dont les échos me stimulaient, je repousse les uns et les autres désormais. La réalité est un piège, tendre et dangereux, entrant dans sa proie pour découvrir l’aspect dont elle ne se méfiera pas ; alors elle frappe, mord, arrache l’esprit qui résiste. Je fais une crise de lucidité ! Les cartes s’étalent sous mes yeux, tarot mental, lumière, explosion, souffle...

Trinité ! L’espoir... Il y a du travail, c’est l'aspect pénible, affronter ma production et désirer en combler les fissures, préciser mes pensées.

Malédiction bénéfique pour qui survit. Savoir est l’effet de ce pacte signé avec Satan, pourquoi serait-il pire que moi ? Ah ! L’appeler papa, pour voir, pour exciter mon agressivité et lui rentrer dedans. Inutile, il est au fond d’un puits, pourri ou momifié, je m’en fous.

Savoir n’est pas trahir, oser n’est pas pécher, au contraire, le fruit de la connaissance est fait pour être mangé, l’Enfer sait le Paradis.

Jeu de l’Oie, de loi ? J’avance au gré de dés que je ne lance pas, j’ai hâte que la partie s’achève pour lire la règle de ce je(u).

Le symbole est l’image à décrypter, celle d’une charogne n’est pas une raison pour le rejeter au contraire. Ma vie en est l’incarnation, ni fuite, ni abdication : Compréhension. Ainsi cet être arpentant les années sombres d’une guerre pas si lointaine est-il à prendre en considération ? Il me cherche autant que je veux le rencontrer, il est ce qui en moi entendit un appel que je redoute encore, jusqu’à ces mots. Plaindre les victimes, maudire les bourreaux, facile, normal ! En chacun se trouve une part de ma vérité, et pas seulement la mienne, je pense. Se poser la question est courir un risque. À chacun d'affronter sa peur dans ce qu’il rejette, c’est là qu’elle l'attend. Se nourrir justifie le nazisme et l’Holocauste. La « Bête immonde » bouge encore et sourit, chaque refus transcende sa victoire. Une âme incomprise erre éternellement, il ne s’agit pas de la sauver mais d’affronter la part de soi qu’elle incarne pour se préserver soi.

Quelle part de bourreau refusez-vous ?

La lumière indique la route, j'attends depuis l’Origine.

                                        * * *

Le souffle m'entoure, la chaleur me caresse, la violence est sage dans mon esprit, elle attend. L’affectif est la plus sûre des laisses. J’ai voulu lui prêter allégeance, m’agenouiller devant son manteau de sang, lire dans ses yeux vides une gloire destructrice. Cet échec me plaît, je suis content de n’avoir pas réussi. Seigneur ou Serf, la route médiane est tortueuse et stimulante, une corniche entre falaise et abîme, l’idéal pour qui a le vertige et découvre la joie de le dominer. Je ne veux pas d’un trône froid, de hardes pouilleuses. La souffrance est un acide incitant à chercher un soulagement dans un moule d’absence ; pouvoir la supporter c’est découvrir que l’inutile seul est rongé, que resterait-il en VOUS sans lui ?

Le monstre indique la route, effraie ceux qui n’ont pas à la prendre, ce rôle me convient. Gardien jusqu’à ce qu’un autre vienne et prenne la place, alors continuer le chemin est possible, ce temps est venu.

La forteresse s’effrite, le désert s’estompe, le gouffre disparaît.  

Joli tableau devant mes yeux, un champ de bataille, l’ultime conflit, des milliards de corps allongés, la plupart sont morts, les autres agonisent, un survivant marche, il voit les cadavres fondre, l’image de la réalité accélérée, il les voit retrouver la terre, entend un chant né de millions de derniers soupirs. Premier appel, premier murmure, première promesse, la seule. Sans mort pas de vie. De ces cadavres naît un Jardin immense dont chaque fleur est une vie enfin réalisée.

Il m’attend ! Le mot miracle a-t-il un sens, et sens en a-t-il un ?

J’aurais voulu lui dire, oser les termes, l’enfant me gênait, il est mort, enterré, les vers firent bombance, son linceul est le rideau que je tire.

Repasser les plats me gonfle sans être un cadavre dont la corruption œuvre, ils sont vides, j’ai essuyé la dernière miette, je ne vais pas les ronger. Mort et folie, joyeuses convives, bizarre, cette fois on dirait que ce sont elles que la fin quitte.

Vouloir sans Elle ? Vaine expérience. J’ai pris le premier chemin, Don Quichoque solitaire, les mots pour monture, en quête d’impossible. L’explorateur trouve ce qu'il s’autorise à découvrir.

Quel est ce point final devant moi ? Une fois posé quelle sera ma route ? La résurrection est proche, la disparition également, à quoi bon revenir si c’est pour être comme avant, les illusions vont tomber, je comprendrai après. Ai-je la force de construire une œuvre et une vie ? l’une va-t-elle sans l’autre ?

Je sais que le seul moyen de L’arracher de mon esprit passe par le canon d’un pistolet, une balle en argent ferait chic. Je n’essaierai pas. Elle m’a fait plus d’effet qu’une bombe, et de la même façon, la lumière d’abord, révélatrice, le souffle deux jours plus tard. Ce sont mes premiers pas, je découvre le monde, regarde la vie, mon corps sans plaies ni cicatrices, c’est curieux, inquiétant, beau. L’embryon d’esprit flottait dans son jus comme un steak dans une poêle attendant la flamme libératrice.

Curieuse image non ? Elle me fait rire, c’est déjà ça.

Souffrir, supporter, j’ai déjà donné, attendre, d’accord, pas en vain. Les années à trembler dans la nuit je connais, à pleurer seul aussi. J’ai pris des habitudes, dissimule, fait miroir afin que l’autre me voit comme il/elle le désire. Un jeu inutile, le miroir à briser est double, renvoyant aux autres une image fausse. Ma peau n’est pas visqueuse ni couverte d’écailles, je suis normal.

La nature du pire s’est modifiée pour être compréhensible, gérable ?

Le poids de la vie sur mes épaules, mon bras sur les Siennes…

échouer autorise le rêve, l’imaginaire ne me suffit plus, la réalité n’est pas insoutenable. Qu’elle soit attirante est l’autre visage du pire.

Le temps n’est pas innocent. Je suis une victime revendiquant sa culpabilité, sa responsabilité j’en suis moins sûr. Le voile de silence se déchire, le sol tremble, au-dessus du Golgotha le ciel se couvre, le tonnerre hurle, l’avenir n’est pas loin.

Un prénom, un sourire, une lumière si douce qu’elle me fait mal, si belle qu’elle me manque, qu’elle révèle le vide en moi, il est là, il se remplit, vite, les cicatrices s’apaisent, les plaies se referment, le paysage d’enfer s’éteint, vaincu, aimé.

Un vers me revient : Les morts ressuscités renieraient l'Éternel.

Je le peux, pour…  

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7 décembre 2009 1 07 /12 /décembre /2009 06:51

MB (4/6) 

                                                                                  05

La nuit se brise sous mes doigts et me laisse inassouvi et satisfait.

Je sais qui est derrière le masque, le symbole, la force.

Les monstres sont amicaux. Ils accompagnaient mon sommeil. Ne nous fions pas aux apparences, la créature de Frankenstein fut rejetée, faute de pouvoir s'intégrer, comme on dit, elle prit un chemin semé de violences à la mesure de sa déception, créature de papier perdue dans les froids éternels du pôle. Plus grand une enfant prit ma main mais quelle était son réel aspect... Trop belle n'eut-elle pas été moins pire que le réel ?

                                        * * *

Ces lignes esquissent mon portrait mais de qui suis-je la créature, ou de quoi ? Par textes interposés j’ai tué mon père, le condamnant à mourir de faim, un supplice qu'il approuvât.

Je me vois allongé refusant de m’alimenter, me mutiler ainsi que je l’ai écrit est improbable, cette fin est accessible. Seul, immobile, ma décision est irrévocable et cependant j’espère… personne ne viendra. Je me suis amusé jadis à ne plus sortir, si dans un geste d’humeur je n’avais pas détruit ma machine à écrire serais-je aujourd’hui libre ?

La mort vient lentement, l’organisme conserve en priorité les organes vitaux. Je ne sais si dans les faits l’esprit peut survivre dans un recoin de cerveau mais la vie peut se dispenser d’une grande partie du corps. Aux douleurs succède un temps de paix, dégâts définitifs. La vie semblait belle...

Mourir et naître ! Les aléas fœtaux ont des conséquences sur son développement. Qu'ai-je entrevu alors ? Les émotions sont des réalité cérébrales, un traumatisme peut laisser son empreinte dans un cerveau à demi formé, est-ce sur elle que je me penche pour le voir ?

Face au danger l’instinct agit au mieux, l’empreinte en sera plus profonde. Sujet complexe, je n’ai pas le recul suffisant pour le traiter, ni la formation scientifique pour lui donner une assise dans la réalité, mais de quoi suis-je capable, même moi je préfère l'ignorer, j’ai peur d’être déçu. J’ai imaginé un jumeau, vite il apparaît que les deux ne peuvent vivre. Comment choisir, le plus fort l’emporte en conservant le souvenir de ce qu’il dû faire pour s’imposer.

Nous ignorons tant des secrets de la nature, les faits corroborent l’imagination même quand celle-ci confine au délire. Et pourtant elle tourne ! Refuser la réalité ne la change pas. Un affect a sa signature cérébrale, une empreinte en moi attire mes pensées comme un trou noir capture la lumière. Je présume qu'une caresse macabre est cette marque intérieure que des confrontations à de multiples décès dans mon enfance me permirent d'entendre les échos qui sans ces circonstances eussent pu faire dominant. J’explique ainsi cette quête impérieuse symbolisé par ce flic et l'être festoyant dans les camps d'exterminations tel le plus archaïque des instincts, celui qui m'aida à souvivre ! Foin d’explications psychose, psycause toujours ! Un peu de simplicité, pour une fois.

Simplicité ? Je contiens un sourire moqueur.

Mort ! décidément - dé si dément ! Une marque en creux (pourquoi pas en relief) qui gêne. Des milliers de pages, d’émotions, de réalités cérébrales, pour trouver ce qui me trouble. Les semaines à venir promettent, entre risque et incertitude, possible et invraisemblable.

Je verse les mots, compare ce que je vois et ce que je cherche, mais sais-je ce que je cherche ?

Passer par la raison est le dernier oasis avant l’ultime étape de mon voyage. Je sais, je mélange les représentations en étant à la fois dans un désert et sur un abîme, tant pis. Une chose n’est jamais que l’idée que l’on se fait de son contraire aimais-je à me répéter. Définir la vie pour tracer les contours de son contraire.

La physique explique que l’attraction d’un trou noir est irrésistible, la mécanique quantique affirme que ça peut être faux, le symbole est maudifiable. Face au risque d’un attrait puissant le désir d’en sortir n’est pas illusoire. Cet appel me broie sans me détruire mais ai-je envie d'échapper à son attraction.

Un sourire, un regard, plus une obsession, un désir pour sa réalité.

J’en arrive là alors que je partais pour mourir de faim, c’est l’effet magique de… je n’ai pas osé tendre la main, demander… sans Elle…

Et avec ?

Sans Elle je ne peux plus voler, alors… Je n’ai plus envie de ramper, de me traîner. Mon costume est déchiré, je me vois au travers.

La mort est jolie si on la connaît, un moment unique dans la vie. Unique ? Mourir de faim serait un défi. La distance entre deux sourires n’est pas si grande, la chair, la chaleur d’un corps, la fragilité du présent fait sa valeur, la sensation de la réalité est ce qui compte.

Le gouffre est un miroir, le désespoir reviendra, normal ! Le temps rabote sans effacer. Il modifie les perspectives, ce qui est derrière soi est doux d'être vaincu. Ne plus bouger, penser, chercher encore. Il m’est arrivé de cesser de manger, j’avais envie de perdre du poids, ça marche mais l’organisme déteste. Un entraînement pour l’avenir ? Je voulais me maltraiter, trouver un semblant d’existence, la souffrance était ma seule amie, ne venant pas de l’extérieur je la puisai en moi. Mourir de faim est un empoisonnement, le sang chargé en toxines, le corps pourrit lentement, les pensées sont altérées alors que s'éteint le cerveau. Un jeu de patience, les jours se noient, le temps s'oublie. Je n’avais pas envie de mourir, le désir de vivre manquait. Ni mot, ni geste, le sommeil, le coma, puits peuplé de formes étranges et douces. Je ne peux croire totalement en l’avenir je n’ose pas.

Qu’est-ce donc qui en moi mourut ? Quelle place était-elle vacante et quelle porte ouverte ? Sans vouloir j’avance. Les murs de la caverne refluent et leur ombre qui fut mon refuge. La lumière est derrière, comme la lucidité au-delà de la folie, le jour après la nuit.

Je suis un chemin, dans les deux sens du mot ! Le plus long texte que j’ai écrit, 5550 pages ! Un chemin est tout ce qui reste de l’univers, je ne peux reculer, de chaque côté m’attendent des formes improbables, les "Hordes du Néant". Finalement je découvre une forteresse taillée dans un éperon rocheux, un donjon immense que je dois gravir. Je passe sur les détails, j’y parviens. Dernière étape, quelques pas, de cette position, découvrant l’ultime soleil de l’univers, la vie renaîtra.

Tout est cohérent, les pièces s’emboîtent. C'était prévu, l’arbre le plus grand patiente dans une graine infime. Elle puise dans le sol sa nourriture, explore son environnement, survit, s’impose, absorbe ses semblables, les transcende puis croît vers la lumière. Arbre et rhizome le second plonge autant que le premier s'approche du ciel, cohérence. Des cendres (pourquoi pas !) pour monter, ça me plait. Ainsi est la vie, germe au résultat hasardeux (pas de nom), l’esprit dévore ses semblables pour progresser. On dirait un personnage traversant la mort pour errer dans la lumière. Le végétal est inapte à la compréhension, l’esprit, lui, court ce risque. Un justifie ceux dont il se nourrit, absorber sans détruire, attirer sans annihiler ?

N’y a-t-il pas un sentiment déterminant cela ?

Je ne veux pas donner à ces mots un côté prophétique, seulement découvrir leur sens en espérant le supporter. L'important est de marcher, mais vers quoi ?

Je n’ai pas dis DANS quoi... J’aurais pu !

Les religions reposent sur la nécessité, prospèrent puis s’éteignent, j’imagine la tête d’un croyant d’aujourd’hui si je lui disais que la sienne va disparaître, avec lui. Les symboles sont jolis, un moment, vient le temps de décrypter leur sens ? Une coquille à briser, tant pis pour les morceaux. La vie connaît-elle l’individu, en a-t-elle besoin ?

Le premier hominidé portait en lui ses héritiers, combien encore ?

Heureusement j'ignore la réponse.

Tant cherchent, se fourvoient, oublient leur quête par la catatonie. Une enfant me guidât, « Être pareil à une enfant » c’est le voir.

Mais non ? Mais si ! En Jésus je vois un homme devant transmettre ce qu’il ressentit avec les mots et références de son époque. Deux mille ans… À peine une respiration. L’homme a peu changé, il a modifié son environnement et amplifie ce phénomène, le progrès est un vertige agréable, temporairement, le passé ne sait pas oublier.

Cette empreinte neuronale aurait-elle pu laisser entrouverte... Je ne sais pas, mon vocabulaire et ma compétence sont trop limités, reste l'impérieux besoin d'en savoir plus parce que mon chemin est celui-là et qu'en changer m'est impossible. Le flou m’arrange. Si je pouvais demeurer ce petit garçon égoïste et affligeant, perdu dans le délire d’une quête d’être se justifiant par le refus qu’elle incarnait.

Si quelqu’un comprend cette phrase j'attends son explication, merci.

Avec les grèves je ne suis pas près de la recevoir.

Comme si je l'ignorais ! Avancer est-ce une raison pour continuer ?

                                        * * *

L’enfant dort sur le lit, si profondément que sa respiration est imperceptible, sa poitrine ne se soulève pas.

La sente est étroite entre la vie et la mort, l'emprunter n’est pas un choix. Ce monde étrange où attendent les âmes des enfants morts sans baptême, je m’y voulus à l’aise, y fis mon nid, trouvant ici et là les matériaux nécessaires, ils ne manquent pas d’hallucinations pour m’aider, pour danser autour de moi, de mains qui se tendent mais fondent sitôt que je veux les atteindre. L’espoir est lointain, le mur est doux, chaud, souple, en lui l’esprit s’enfonce, il semble pouvoir le déchirer, il croit… Le retour est brutal, y survivre est une malédiction. Un enfant mort, un. Un contact et il tombera en poussière que le vent emportera vers la paix. La vie n’est pas contractuelle, chaque seconde se justifie si elle est mieux que l’attente de sa suivante. Sa bouche est ouverte, son dernier soupir fut un murmure, un prénom confié en secret. J’attendais qu’il se lève, que ses chairs s’affaissent, que ses yeux coulent sur des joues rongées en accéléré par le temps. Son doigt pointé sur moi, un cri de dépit, de rage, mais non. Tout est simple, la nuit qui nous rassemble annonce l’aube. Le dialogue n’est plus possible, qui y croirait ? L’âme est fragile, malléable, elle gémit, appelle. Je l’ai fait souvent, murmurant dans l’ombre des messages qui se perdirent, un espoir qui m’apparut. L’image déchirée est tombée à mes pieds, je la vois, je la sais mais l’oublies face à la conviction, face à la beauté que l’idéal rabaissait. L’illusion ne me mérite pas, sur le lit il n’y a plus de mort, que ce cœur qui bat, qui attend, qui pleura une encre que mille œuvres n’épuiseraient pas. Difficile de rester debout dans le calme, le vent est doux et chante à mes oreilles, l’ombre est complice désormais, vaincue elle ronronne, c’est étrange, mes yeux se mouillent par l’effet de ces mots, par la magie de ces pensées, par la puissance d’un sentiment qui chaque jour s’impose davantage. Si j'avais su dire...

Alerte bleue !

Je marche sans aide, le désespoir piaille par terre, je ferai attention en partant pour ne pas l’écraser, il est distrayant au fond. Le baptême du feu est indolore, les flammes se jouent de mes efforts pour les attraper. Mes veines ne charrient plus de pus, ma peau n’est plus de terre, ma vie n’est plus ce crâne emporté éternellement par la rivière en quête de l’abysse qui le recueillerait.

Mes doigts courent sur le clavier, parfois si vite qu’ils m’épuisent et m’étonnent. Je vois ces mots du passé, situation délirante me décrivant saisi par la démence, cherchant à tuer, espérant la balle qui me fracasserait la tête. Des victimes, du sang, des cris… Le choc d’un regard d’enfant, encore ! Je peux m’approcher, oublier la peur voulant l’idolâtrie, je le reconnais. Nous ne pouvons pas pleurer ensemble, je l’ai tant fait, des réserves accumulées durant des années sont longues à vider. La panique ne me blesse plus. Qu’elle me tape sur l’épaule et d’une chiquenaude je l’enverrai dans le caniveau, une fois suffit, presque deux. Menteur ! C’était l’émotion d’un moment unique que je voudrais reproduire, jamais content. En étant différent, moi, ce ne serait pas le bon truc. Hein ?

Les regrets se jettent sur une tombe, pas sur un lit. Les autres ? Qu’est-ce ? Aucun ne voulut me voir, encore moins me reconnaître.

À la maternelle une petite fille occupait mes pensées, elle n’en sut rien, ensuite j’ai séparé le cœur et le reste. Ce n’est pas dans le regard d’une enfant que je me suis vu mais dans celui d’une femme. C’est la première fois que j’emploie ce mot. Peur de lui ou de me sentir homme ? L’un et l’autre bien sûr. Le monde des vivants n’est pas hostile, il appartient à ceux qui singent la vie sans la ressentir.

Les cendres du passé m’entourent, quelque effort que je fasse il restera une trace, un souvenir. L’enfant non aimé croit qu’il n’est pas aimable et fait tout pour que cette situation pour lui naturelle ne change pas. J’ai apprécié la haine, le sang, et pire… Goûts que le temps efface sous mes yeux, souvenirs auxquels je me crus attaché. Mes pensées sont incohérentes, une confession l’est rarement, l’esprit se vide. Ainsi une bombe atomique, la lumière ronge les yeux, puis le souffle, la chaleur. Après l’éclair reste le temps de comprendre que le destin est scellé, la fuite interdite. J’ai vu son éclat, le reste de vie qui m’habitait se manifesta pour me prévenir. Thlita fut sa messagère. S’exprimant clairement je serais resté inerte, le souffle m’eut détruit, elle usa des subterfuges nécessaires et m’indiqua ce qui n’était alors qu’une image comme tant d’autres avant elle. Si elle m’avait dit que l’Amour m’aiderait j’aurais ris et lui aurais tourné le dos. J’ai regardé, ouvert mon cœur, l’émotion en débordait, à cet instant le souffle m’a atteint. J’ai cru mourir mille fois, maudissant le sort parce que cela n’arrivait pas. Je n’ai pas cédé, la tempête s’est calmée.

Les effets dévastateurs durèrent deux ans, cinq pour m’en remettre, pour me rééduquer et dépasser celui que je fus et dont je ne regrette pas la disparition. Sortir était difficile, marcher, un effort immense, je restai sur ma chaise, pantin dont les fils étaient coupés, sauf un.

J’anticipe, m’interroge, quel est le vrai visage de cet être, quels seront ses mots, qu’adviendra-t-il ensuite ?

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4 décembre 2009 5 04 /12 /décembre /2009 06:44

MB (3/6) 
 

                                                 04

Tant de pages ! Les pierres du mur derrière lequel je me cachai, je dus en rajouter à mesure que je grandissais pour m'abriter.

Un cœur qui bat surmonte tout. Ma geôle avait trois côtés, ’enfant m’interdisant de reculer. J’espérai le ciel sans voir le gouffre sous moi, mon attention se portait où je savais nulle sortie possible. J’ai couru pour revenir à mon point de départ.

J’ai vécu par personnages interposés, surtout un policier, expert en enquêtes mystérieuses, malsaines, des qualificatifs qu’il appréciait. Il avait choisi le bon camp, libérant ainsi ses pulsions sans culpabilité, il triomphait de ses ennemis en étant pire. Il vécut nombre d'aventures avant que je ne l'abandonne afin d'user du JE. Il revint dans les premiers volets du triptyque évoqués plus haut. Affrontant son passé alors que je n'osai le faire, il le condamna avant de connaître un sort funeste mais temporaire. La réunion reste à organiser, lui, l’être des camps de la mort et moi : La Trinité ! L'écrivant je le réalise, il était temps. Leur fusion serait transcendante.

L’esprit sait vaincre le temps, l’incarner en des êtres improbables lui évitant de comprendre, puis s'efface l’illusion, la réalité appelle les vivants. Gabriel embouchera sa trompette au moment du Jugement Dernier sans prévenir, c’est sympa, mais, aujourd’hui, qui accepte la vie au point de pouvoir l’entendre ? J’ai l’impression qu’il sonne déjà.

Symbole dont je crains de comprendre le sens. Mégalomanie, délire persistant ? Peut-être, je préfère la folie à la connerie et quand je regarde le monde autour de moi je n’y vois pas trace de raison, alors… Qu’importe si mon ambition dépasse mes moyens, elle me fait vivre, me procurant sensations et émotions que peu comprendront, ma vie m’appartient et jamais je ne céderai à l’appel des sirènes. Leur piège c’est la normalité, en deux mots c’est pire !

Les mots trahissent la pensée, je sens la pierre sous mes doigts, ce n’est pas un hasard si les murs de ma chambre sont dépourvus de papier peint, j’avais besoin de la nudité juste peinte, à l’image de nos ancêtres des cavernes, de mes ancêtres du présent. La lumière les effraie, ils reculent, régressent, se perdent. Quelle part de hasard dans mon existence, de tests sélectifs ? Je vois ainsi les chocs que je vécus. D’autres les regardèrent, les adorèrent jusqu’à devenir leur propre victime, une plaie suppure vite lâcheté et peur. Ai-je dépassé les autres, la Passion pour, dans le silence du tombeau, découvrir la résurrection à venir ?

Je sais, c’est littéraire, tant mieux si ça semble faux, faux… Je l’entends… Que m’importe si nul(le) jamais ne découvre ces phrases. Non, je mens, je crains leur acceptation, j’aime l’utilité anonyme. Chez certains indiens c’était une qualité. Je me vis dans un regard au point d’en être humilié, de ressentir pour la première fois la honte de n’être que « ça » ! J’ai envie de le retrouver, différent. J’aime cette vision d’un chemin foulé par beaucoup d’esprits, avançant je vois de moins en moins de traces. J’ai peur qu'un jour il n'y en ait qu'une et de sentir en moi la force de fouler un sol vierge, de découvrir, à travers mes yeux ce que tant d’autres attendant de regarder.

Mé-ga-lo-ma-nie (sur l’air de Méditerranée par T Rossi).

L’horizon recule, le bord du monde existe, de mon monde.

Comment prouver que ces mots ont un sens, même s’il n’est pas celui que j'attends ? Je me suis nourri de mes émotions négatives. Elles sont des réalités électrochimiques comme un orage dans un ciel trop clair, une énergie devant s’évacuer. Le cerveau est un univers en soi, nous n’en savons pas plus sur lui que sur l’autre, que sur les autres, équidistant de l’infiniment grand et de l’infiniment petit il peut les comprendre et les admettre. Une pièce d’un puzzle manque, noire sur fond de nuit, en apparence inutile, et pourtant son absence fixe l’attention et rend impossible la compréhension. Je suis face à cette image, redoutant de découvrir la dernière pièce dans ma main, de me voir la mettre en place et de me reculer pour la voir. Le bord d’un monde... Les mots sont des lambeaux de bandelettes que j’arrache, j’ai mal de réussir, envie de nudité, plus tard un autre dépassera mon empreinte, le flambeau se transmettra.

Tuer aurait été banal ! J’aurais voulu faire plus, mieux, pire, la barre est haute. Le ciel s’est ouvert, le sang sèche sur moi, une croûte dont je me débarrasse. L’imagination autorise tout, en mieux, la réalité eut été d’une infinie tristesse, moments de rage, de plaisir infini, de désespoir sans nom. Rien de romantique dans l’âme de celui qui doit tuer encore, en tremble de dégoût et d’excitation, il sait qu’il a tort mais qu’il est trop tard. La porte a claquée dans son dos.

Qu’aurais-je ressenti ? Je m’en fous !

Un souvenir, un homme devant moi, nous sommes sur un quai, l’eau est en contrebas, la rue est déserte, je me rapproche, la nuit tombant tôt en février, déjà… Coïncidence ? Je comprends par les mots, dans le feu de l’action. Bref ! la rue, le type, quelques pas, un flot de haine me submerge, je lève mon arme, une masse à manche court pour tenir dans la poche d’un manteau. Le choc, le bruit, le cri étouffé, le corps qui s’effondre, un rideau qui s’arrache. Je passe d’une chaleur infinie au zéro absolu. Mon désir de mort faillit s’imposer, faillit seulement. Est-ce le moment de naître ?

Je suis scié ! Un effort bonhomme, on est pas rendu.

Passage à l’acte imaginaire, soulageant une tension sans autre voie d’évacuation, écrire, à l’époque, m’était difficile. Difficile de reprendre pied, mes pensées m’échappent, s’imposent et ricanent sur le papier.

Un cadavre devant moi, instant souvent repris, par plaisir, maintenant je sens le poids d’une lucidité galopante, on dirait une maladie. Je n’ai plus envie de poursuivre cette séquence, je comprends son message.

Je dis la vérité sans la comprendre sur le moment. Comme cette première lettre : « une image devient toute la réalité… », c’était vrai.

Entre autre, je digère le choc, merci.

Dresser la liste des idées violentes que j'eus est superflu, à découvrir, ou recouvrir, massacrer, violer, disperser… Un jeu trop simple est sans attrait. Décrire mille crimes ? Je sais le faire, technique maximale et imagination minimale, des milliers de pages portent les fruits blets de ces graines malsaines. Jamais je n’aurais puisé dans la mort d’un innocent la force de mériter la réalité. Celui qui est à tuer est en moi.

Une étape s’achève, une dernière empreinte, bientôt l’inconnu(e).

Les murs blancs et doux ne me protégeraient pas de moi-même, qu’importe la folie, je sais danser avec elle c’est moi qui dirige.




Devant moi le ciel est d’un bleu profond, je suis bien sur ce banc, seul dans ce parc. Vide, froid, le réel s’estompe. À quoi bon animer encore ce corps inutile, ce cœur battant par habitude, sans désir ? Mon esprit est las d’un combat incompréhensible, il désire fermer les portes, ne plus voir, ne plus entendre, ne plus bouger, ne plus… Hors de portée, à ce jour, des explorations scientifiques, existe un petit groupe de neurones à l’intérieur duquel il aurait trouvé refuge définitivement. L’Amour me retint, Elle m’attendait. Je sais que c'est faux, j’avais besoin d’un but hors de moi, envie de la revoir, déjà.

Quel mot définit cet état ? Catatonie je crois, l’esprit ne contrôle plus rien, reste une plante anthropomorphe qui s’étiole lentement. Un état de la schizophrénie, grave sinon irréversible. J’aime cette idée de l’impossible vaincu, par Elle, impossible contre impossible. Se sentir DEUX sans l’autre, ça c’est intéressant. Jolie litote !

Pourqu(o)i mon âme n’a-t-elle pas explosée, elle eut trouvé la paix.

Envie de souffrir ? Impression, en creux, de le pouvoir. De le devoir ?

Dans quel but ? Personnel ? Non ! Pour quelle raison ? J’aime ce mot janusien. Manipulation des termes en attendant le mien. Celui-là en a trois, de sens, y’en manque ! Le loyer à payer, la fin de la fin, la fin de la grossesse, la mise bas n’est pas loin, est-ce à dire qu’au-delà du symbole mourir c’est naître ?

Catatonie, joli mot. Jeu excitant, le meilleur est de gagner contre l’ennemi puis de jouer contre soi, à l’image du joueur de casino qui gagne la première fois mais perdra toujours ensuite.

Ne pas rejouer c’est gagner. Et pourtant les jeux de c… Ne manquent pas, j’en sais quelque chose.

Folie ? Complice au masque flétri, symbolisé dans l’enfermement.

L’Enfer me ment ?

Asile, couloir, spectres en quête d’un esprit perdu à jamais dans les méandres de délires insurmontables, je suis parmi eux, j’y étais en février 89, dans l’ombre des murs. Un lieu d’aide, de perte, on me tient en vie et j'ignore pourquoi. Les mots de sang courent sur les murs, je les vois, je les comprends, je les aime maintenant.

Je croyais souffrir, la vie est pire, cet état d’absence appelle la mort dans ce qui remue encore. Il est trop tard, réclusion à perpétuité. Mille chemins s’ouvraient, un seul de mauvais, celui que je pris.

L’imagination permet de deviner à quoi on échappe, pas ce qui vient. Y aurait-il un démon attaché à mes basques, une poupée vaudou au fond d’un tiroir ? La pire paralysie est mentale, pas corporelle. Elle se nomme intégrisme, fanatisme, nationalisme...

Refuser est un grand pouvoir, ce démon est amical, cette poupée est une complice, en se liguant contre moi ils m’imposent un effort plus grand, me permettront une découverte plus intéressante.

Les murs de ma chambre suintent le passé, il m’est arrivé de m’en éloigner parfois, ceux dans lesquels je me retrouvais renvoyaient ma lâcheté et le sourire d’une geôlière ne peut le changer.

L’immeuble est séculaire, combien de vies y quittèrent-elles ce monde ou y apparurent, fugacement ?

Une vie est une bougie, un souffle l’efface, la mienne résiste dans la tempête, c’est le calme qui la menace. Elle se nourrit de l’air et si elle vacille elle refuse de céder. Je me suis ancré dans la Passion, dans la souffrance au point de croire que la normalité sera ma fin.

Un ver et une étoile ? Non, une bougie et un soleil bleu, ainsi est la flamme la plus chaude. Une lumière amoureuse d’un astre non pour s’y perdre mais pour s’y découvrir. J’ai voulu effacer mes désirs, mes rêves, ma personnalité, mon ambition. Que mon point de vue ne soit pas partagé ne veut pas dire qu’il ne le sera jamais.

                                        * * *

Des bouches avides, des formes rampantes surgissant du chaos, des fantasmes souriants, gueules ouvertes sur des crocs brûlants, une langue bifide, curieuse et exploratrice. L’horreur est une matière pouvant produire une étrange beauté. Ma promise vêtue de noir, sa traîne poisseuse de sang laisse une trace visqueuse et malodorante, un voile opaque dissimule son visage. Dans les ruines d’une église maudite j’avance vers elle porté par l’écœurement et l’excitation. Sur les bancs de pierre des formes se tournent vers moi, des yeux morts ou crevés, bouches déformées, visages hagards, sourires se devinant dans le plissement d’un masque de cuir. L’assemblée me regarde, m’attend, m’espère. Une place m’est réservée, quelque part, un autre viendra, je le verrai passer, c’est écrit. C’est tes cris ! Ces monstres sont sortis de mes contes, mélanges d’assassins et de victimes, corrompus par une quête effrénée d’un plaisir suicidaire, je connais. Mes jambes sont lourdes, mes muscles répondent mal, ainsi débute la rigidité cadavérique. La mariée m’attend, sereine près de l’autel parsemé de traces brunes que le temps ne veut pas effacer. Plus haut le vitrail principal a disparu, je distingue un ciel lointain, quelque chose attend que la voie s’ouvre, ce n’est pas la nuit extérieure que je découvre mais l’obscurité du cœur de l’univers. En ce lieu des centaines de vies se perdirent, l’assemblée, déjà guettait le retour de son dieu, d’autres refusèrent en sachant qu’ils ne survivraient pas à ce combat, qu’une fois la porte de bois refermée derrière eux nul n’en sortirait vivant. Ils donnèrent leurs vies sans comprendre pourquoi, animés par la certitude que ce qui attendait ne devait pas revenir.

M’approchant d’elle je perçois une fragrance curieuse, elle s’est ointe d’une huile spéciale pour dissimuler son odeur je pense. Le recul n’est plus permis. Quelques pas, l’officiant surgit de la nuit, long visage maigre, regard sans vie mais sur les lèvres un sourire indiquant qu’il sait, lui aussi, son vêtement tâché de terre m’indique d’où il vient.

Il m’interroge, ma bouche dit oui mais ce n’est pas ma voix, une main se tend, grouillante de vers affamés, mais non, la peau est douce, tendre. L’alliance noire lui va si bien. C’est son tour. Elle répond, je n’entends rien mais la vois passer l’ombre à mon doigt. Je souris, ce n’est pas moi, impossible. J’attends une douleur, que le cercle minéral consume ma peau, mais non. Nous sommes unis, l’audience sourit, l’ombre se fait plus dense, elle coule sur nous, je veux agir et ne le puis. Je ne sais plus, j’espère une peur que je ne peux ressentir.

Elle s’approche, se colle à moi, je cherche le souffle de sa respiration, le mouvement de sa poitrine, rien. Qui est dans mes bras, quel corps abject vais-je découvrir ? Mais quand la robe glisse c’est sur des épaules tièdes, une poitrine haute, un ventre plat, des hanches larges, des jambes longues. Je veux maîtriser mes mains, retenir ma bouche, je ne peux pas, je ne veux plus. Elle me caresse, me pousse sur l’ancien autel, m’y allonge. Elle me déshabille, ses doigts savent, sa bouche est sans fond, avide, sa langue tourne autour de moi, m’approche d’un plaisir que j’appelle et qui se retire au dernier moment. J’ai oublié le lieu, les regards. Est-ce moi qui gémit ainsi ? Sensations oubliées, la nuit nous entoure et nous protège. Je vais disparaître en elle, tout oublier, ne plus être, un cri peut-être, un hurlement.

Celui d’un nouveau-né ?

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27 novembre 2009 5 27 /11 /novembre /2009 06:45

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                                                 03

Faute d’énergie, constatant ma résistance, le vent se calma. Il avait découvert un univers que le sable avait protégé.

L’Enfer est amical quand on connait Cerbère. Combattre est l’erreur que je ne fis pas, j’ai attendu, supporté la croix qui me tirait les bras, ni espoir, ni futur, encaisser les chocs. La bête domine qui le veut.

Je l’ai acceptée, elle se coucha à mes pieds réclamant une caresse. Ses crocs luisaient, son haleine me réchauffa, je pus continuer mon voyage. Eurydice m’attendait, hors de l’Enfer, pour changer.

Les mythologies portent des symboles que j'utilise en leur donnant un sens qui, pour n’être pas forcément le premier, est le bon. Rien ne traverse le temps qui ne soit nourri de désirs.

Une comparaison me plait, un personnage de cartoon court vers le vide, continue au-dessus, il s’arrête, regarde le spectateur, puis sous lui, à nouveau le spectateur, et tombe ensuite. L’appel du gouffre fut tentant mais je n’ai pu céder. Devant moi brillait une partie de ciel, il devint ma raison d’être, ma raison, tout simplement.

Le gravier du chemin changea, les cailloux blancs devinrent des vers, le décor hurla, le présent se consuma. j’ai vu rire le passé qui me tendait les bras, entendu l’agonie de la réalité.

Ce roman achevé j'enchaînai sur un autre, une enfant solitaire s’attachant à une ombre, mon négatif en quelque sorte, jusqu’à refuser la réalité, emporté par un cheval noir aux sabots d’argent.

Une nuit de samedi à dimanche je terminai ce texte prévoyant d'en entamer un suivant le lendemain. À mon réveil je vis le gouffre sur lequel j'étais. Vouloir traduire mon émotion est impossible, trop personnel. D’un côté l’abîme, de l’autre l’Amour puisque j’ai appris à utiliser ce mot ; pire : à en éprouver le sens ! Je sais maintenant qu’en chacune de mes cellules brille une lumière que seule ma mort, réelle, effacera de mon esprit, qui sait si quelque part elle ne pourrait pas survivre, défier la mort de cette façon me plairait.

Sept ans déjà, je n’en reviens pas d’en être revenu, si j’ose dire, l’âge de raison, encore autant et c’est l’âge bête, ça promet ! Faire le chemin dans l’autre sens serait mieux. Vais-je naître ? Non, c’est fait, je le découvre et me surprends à sourire.

Les souvenirs perdurent de ces nuits d’errances que je n’ose qualifier de solitaires tant mon esprit était envahi de spectres. Un manque : le cri du nouveau-né découvrant un monde dont il devine la puanteur. Qui va me taper sur les fesses, la tête en bas ?

Maintenant l’horreur me distraie, je sais accroître sa force, pour d’éventuels lecteurs. Les malheureux ! je suis à l’aise dans ce temps, le sourire de l’Apocalypse n’est pas loin, nous nous comprendrons.

Une amie.

Plus parce qu’affinités ?

Horreur ai-je dit ? Symbole, son efficacité vient de ce qu’elle reflète de l’esprit, plus celui-ci est lâche plus il a besoin d’horreur, je ne dis pas qu’il a envie d’elle. Besoin ! Ainsi peut-il donner à sa panique une raison fausse mais supportable. S’il se voyait son image serait si loin de ce qu’il croit que jamais il ne le supporterait. Je sais ce que cela fait que de superposer deux images. Je sais !

La folie a tant de visages, chacun lui donne celui qui lui plait, elle sert d’opposition, la placer hors de soi évite de se définir soi. Je l’ai connu, me suis réfugié près d’elle, en elle, elle m’a aidé, aimé peut-être.

Aimé peut être, mais suis-je ?

L’esprit est pervers, le mien plus que les autres, il joue, me fait croire en une réalité hallucinée. Ne suis-je pas au fond d’une cellule aux murs rembourrés, allongé, attaché, l’esprit rétracté, confiné, ayant renié le corps pour se protéger ? J'ai regardé mon ombre sur le mur nu et me suis interrogé, lequel de nous est vrai ? La folie est une partenaire docile, au début, ensuite elle prend le contrôle, dirige, impose, détruit. J’ai voulu ceci, l’ai espéré sans le formuler, sans agir comme il convenait, sans regrets, pour l’instant

Un suaire opaque colle à mon corps, mes yeux voient au travers, ils ont appris, compris, il est des lumières que rien ne peut arrêter.

Le manque d’ego me fit résister. Je n’ai pas combattu, j’ai admis les souffrances, les lacérations. J’ai hurlé dans ma tête, cherchant des réponses dans des nuits gorgées d’angoisses, je les attends encore.

Deux ans d’enfer et la possibilité de prendre le chemin normal, près des autres, pas avec eux, près d’eux. Rencontrer, partager alors que se reconstituaient mes forces. Reculer m’est interdit, je me renierais, je trahirais la réalité dont j’ai pu m’approcher.

J’ai cru pouvoir fausser le jeu, changer la donne et tout bousculer, approcher le crime fut une tentation curieuse. Suis-je honnête en disant que je suis déçu de ce qui n’est pas arrivé ? Non, je savais qu’il ne pouvait en être autrement, la fiction s’est refermée devant moi, la porte est close, elle disparaît. L’heure du bilan sonne, cette cloche qui ne résonne qu’en moi me dit que le rêve doit s'achever, fini l’agitation sporadique, les espoirs construits sur l'impossible. Inoubliable instant, une simple rencontre, ma joue porte en creux la marque de la gifle morale que je reçus. Face à une lumière sans masque je me vis. Dans un regard de ciel je perçus l’image de ce gosse solitaire, pétri de souffrance au point d’avoir dû l’aimer pour survivre. Je l’aime encore, sinon j’aurais tiré le rideau depuis longtemps. J’ai apprécié ces heures passées à décrire des atrocités, à dépeindre d’insignes tortures, à suivre le cheminement du bourreau, de ses victimes, à me satisfaire de les unir pour me perdre. Des milliers de pages n’ayant d’utilité que pour moi. Mal écrites ? Pas sûr, personne ne les a lues, même pas moi, j’ai besoin de médire de mon passé. L’important était ce que je ressenti, baptisé par la souffrance comment m’en éloigner ?

J’ai repris le travail, une parenthèse à refermer pensais-je sans savoir à quel point c’était vrai, un triptyque en résonance avec celui écrit il y a des années. Les deux premiers volets sont écrits, ensuite s’est produit dans ma vie l’événement auquel je fais allusion et qui changea dans mon esprit tant de choses. Me remit face à une porte entrouverte par laquelle j'avais vu... Reste le troisième volet, le plus violent de tous, le pire possible.

Dans les années trente et quarante erre en Europe un être étrange, force à l’apparence humaine dont les désirs vont s’imposer. C’est lui qui, guidant Hitler, engendra le nazisme, la guerre, l’extermination, lui qui désirait la souffrance, la peur, la mort, lui qui attendait de faire du monde un désert de cendres. Je le vois circulant entre de tristes baraquements de bois, je le sais jouissant des derniers soupirs, des supplications, certains le reconnurent sans l’avoir jamais vu, se portèrent vers lui, il s’amusait des prières, des malédictions, il regarda mourir des millions d’hommes, de femmes, d’enfants sans réaliser quels fils le manipulaient. Il dévorait les âmes en quête de la sienne reniée depuis longtemps. Ce roman avait pour but de me faire plonger au cœur de l’épouvante, d’oser aller plus profond en moi et par là dans ce flot de haine auquel personne n’échappe. Un dernier espoir de fuir dans la folie ? Il était trop tard même avant mon voyage physique, elle est derrière moi agitant la main pour me souhaiter bon voyage. Supputer est vain, si je n’ai pas rédigé ce texte, je vais le faire, j’ai attendu le bon moment alors que je pensais à lui depuis quelques temps, l’idée se précisait lentement. J’ai peur d’une rencontre dans une telle ambiance, peur de trouver MON visage, de voir qui je suis. L’heure est à l’affrontement. La panique sauve une fois, pas deux !

Est-ce ma faute que j’expie ? Je voudrais savoir ce qui m’attend au coin de la vie avant que d’y aller voir, je voudrais dessiner la forme qui me guette en souriant. Trop tôt !

Cette chose errant dans les camps d'extermination, héraut d’une déité improbable dans sa forme mais impitoyable dans la réalité de ses actes. Dans son nid, au cœur de l’âme comme en une caverne, elle attend et rêve à un nouveau règne, adoré par l’humanité prisonnière de murs de pierre par crainte de la lumière qui vient.

Les images grimacent. Paysage de neige, un village étrange et malodorant, des fantômes oubliant le temps qui les dissous, des hautes cheminées, bouches soufflant un air vicié, suintant les vies par milliers, soufflant sur la campagne son haleine putride. Des milliers de grabats, de formes allongées, chaque nuit la mort prélève son tribut de chanceux qui n’iront pas plus loin, enfin libre. Des yeux immenses perdus dans le vague, cherchant le souvenir d’une autre époque, quelques mois plus tôt seulement, avec… Que vaut un nom quand tant de vies ne sont que poussières ; les souvenirs quand le futur est une délivrance par le supplice.

Ma chambre n’est pas de bois, mon lit n’est pas une paillasse, je ne suis pas squelettique et pourtant un lien étrange traverse le temps, celui existant entre des êtres ayant sentis sur eux le regard de la camarde derrière un voile de torture.

À quoi bon survivre si l’oubli ne vient pas ?

L’air est gonflé de haine et de peur, les deux se mêlent et viennent de partout, le bourreau a parfois un moment d’innocence, un éclair de lucidité. Reprendre alors sa place c’est choisir la damnation éternelle. Des bruits de bottes, des murmures, des coups, des gémissements. La réalité devient férocité, elle se couvre de sang pour se deviner. Il est là, heureux de s’ébattre dans cette ambiance, s’y sentant comme chez lui, les monceaux de chairs mortes sont de sublimes œuvres d’art, les bouches de métal aux flammes impatientes lui disent quelque chose, il ne sait pas quoi, pas encore. Je fus ainsi, jouissant des morts nées sous mes doigts, prenant plus de plaisir qu’en des agitations instinctives, la réalité était fade en comparaison.

J’avais imaginé écrire sur les lieux, rechercher toutes les voix du passé, les cris, les murmures, les prières et les plaintes, le bruit des flammes, les corps tombant sur un carrelage, charriés ensuite. Que me réserve l’avenir, quel écho en moi s’éveillerait à entendre ces murmures ? Victime ou bourreau, je suis les deux. Je n’aime pas le mot victime, galvaudé, supplicié me va mieux, il paraît fait pour moi.

Ce vampire est la part en moi qui apprit à aimer le martyr, incarnant mon désir d’aller au bout de cette logique, d’être cette souffrance et ses conséquences, plonger dans le pire, pour le dompter.

Le rendez-vous est pris, pour bientôt. Sa forme, ses mots, ses actes… Les ténèbres sont lumineuses parfois, nécessaires souvent pour qui cherche la clarté. Sur moi glisse une pale clarté, une nouvelle aube, une première horraure que je verrai sans peur.

Quel symbole est-il plus "parlant" qu’un camp d’extermination ? Violence extrême, lâcheté, reniements. Il est proche aujourd’hui dans le refus d’oser s’y regarder pour s’y rencontrer. Tueur et tué, je suis laideux, une confession vaut ce titre quand elle est libération de soi, émancipation de ses peurs, désirs et honte. Plaisir et souffrance, je ne renie l’un ni l’autre.

Ce personnage, dans l’idée que j’en avais, finissait par comprendre sa nature, ses actes, et quelle force le tenait, lui qui se savait incapable de mourir, plus qu'immortel, susceptible de résister à tout. Né d’une archaïque puissance il pense utiliser une force récente pour atteindre la paix. Début août 1945 il se trouvait à Hiroshima...

Son espoir allait être déçu ! Dans cet ultime volet il croisait un héros laissé dans une pénible situation à la fin du roman précédent, ultime confrontation, fusion à engendrer. Le pire serait que je le puisse.

Un puits ? La vie n’est que cela, d’un orifice à l'autre, de la chair à la terre.

La mort a-t-elle le droit de vivre, la vie a-t-elle celui de mourir ? Je ne me suis pas tué, le pire est passé mais le plus dur reste à faire. J’accepte la lumière et ce qu’elle me révèle, l’évidence sera moins terrifiante que je le pense, que je le souhaite, lâchement !

Peur de ne plus avoir peur ! Cette formule, déjà employée, me va comme un gant, peur de ne plus le désirer, céder à l’outrance m’est interdit, à la souffrance m’est impossible, je ne fuis plus.

Qui a parlé d’une rustine ? la taille…

Jadis la fiction submergea le réel, elle reflue, un nouveau paysage à découvrir, des trésors à ramasser, mais lesquels ? Je me suis menti pour gagner du temps, la patience se justifie par la certitude de l’avenir, d’une main qui se tendra. Une se glissa dans la mienne lors d’une soirée d’évocation, la radiateur était près de moi, je grelottai d’un froid intérieur difficilement supportable, seul… Ainsi je ne le fus pas toujours, dommage qu’ensuite la situation ai changée, la peur joua et nous rapprocha, autrement.

Subsiste la crainte d’être déçu, de découvrir la vacuité de ce chemin. la banalité me terrifie, la mort serait une délivrance en ce cas, lucidement choisie, non pour fuir mais pour essayer un autre chemin.

                                        * * *

Le vitrail transcende la lumière, passant au travers de ses couleurs elle illumine le monde d’une incroyable beauté. Suis-je digne d’elle ? À genoux au centre d’une nef d’ombre je cherche à comprendre. De loin s’impose l’éclat céruléen d’un regard qui déchira les ténèbres, vainquit la nuit. J’ai cru me perdre en lui, je l’espérais mais m’y suis reconnu et les effets du choc continuent. Quelle âme prend plaisir à vivre dans la tourmente ? Il n’y avait aucun rivage sur lequel aborder, aucun avenir hors la tempête. Comment concevoir la douceur quand l’expérience prouve qu’elle nourrit la lâcheté ?

Avancer, atteindre le miroir, le traverser, découvrir la vie au lieu du néant. Étrange expérience, une émotion !

Trouver les mots ? Mon talent est limité, mon trouble chasse la folie, au point qu’il me semble voir clair.

Le chemin est pénible, la croix est lourde, être hissé, attaché, jambes serrées, bras écartés, le soleil me regarde, le supplice n’a de sens qu’en ce qu’il présente le doute près de la lucidité, de la résurrection.

La Passion n’était pas où je le pensais.

Quoi de plus fou que l’amour pour qui en fait une mer nourricière ? Le temps me dirigea, Thlita m’indiqua une lumière assez lointaine pour que je n’en fusse pas effrayé.

Le ver de terre est amoureux de l’étoile, dirige vers elle ses pensées sans savoir faire davantage que se gaspiller en vaine adoration. J’ai voulu plus, non ! Je veux plus. Pensant à Elle je me voyais mourir dans ses bras. Ce qui se produisit, la chrysalide est déchirée, le papillon apprend à voler, bientôt il prendra son essor dans le jour naissant, il le peut, il sait où aller.

L’enfant mourant en moi m’arracha ma première promesse.

Lui offrir ma vie, quel cadeau, même l’emballage n’était pas consigné. J’imagine ce qu’Elle aurait ressenti. Désir pitoyable, faux romantisme, réel ridicule. Violer son esprit et son cœur, y déposer l’image d’un amoureux agonisant pour en chasser les autres, imposer le masque de la mort pour interdire la vie.

L’enfant est mort, d’accord, ses restes sont corrompus, j’en ai dévoré les meilleurs morceaux. Ces miasmes m’exaspèrent désormais, quel que soit le temps me restant je ne les chasserai jamais, ils sont en moi, ils sont moi, ce n’est pas une raison pour les imposer à d’autres.

Thlita, le peu de vie restant en moi, l’enfance non vécue. Renoncer serait trahir, personne ne pouvait me comprendre, m’écouter, encore maintenant… Elle seule pouvait presser mon cœur et en faire jaillir quelques émotions, autant de preuves que je n’étais pas encore mort.

L’abîme grouille de formes répugnantes. Elles n’ont jamais rien pu, sinon en me permettant de le croire, je les en remercie.

En fait de maître chacun l’est pour soi, pour soi seulement.

La vie est si belle quand elle paraît possible, il y a peu une telle phrase m’aurait fait reculer, bientôt elle pourrait me faire avancer, je reste prudent, cultive le doute, le retiens alors qu’il s’effiloche entre mes doigts. Lui murmurer mes rêves et ne jamais les oublier, faire de chaque seconde une envie, un aveu nourri de lucidité, se retrouver par le don de soi.

Ces mots me touchent comme si Elle les entendait, comme si Elle les comprenait, choc d’un instant, larmes mal refoulées, émotion d’un masque qui s’efface, celui d’une enfance devenue, enfin, charogne. J’ai vécu en elle alors qu’elle ne fut qu’une illusion, j’attendais qu’en pourrissant elle m’emporte et me dissolve. Le passé fut ma tanière, mon refus. Je me suis allongé près de l’ombre d’un cadavre, ai passé mes bras autour de son cou, mes paroles se voulaient tendres, elles ne furent que reniement, attente d’une ultime expiration, d’un regard fixe perdu dans le vide.

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23 novembre 2009 1 23 /11 /novembre /2009 06:34

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Jeter la lame, jeter là, l'âme ! Trop facile ! La retourner contre moi ? Avec un rasoir j’ai caressé mon corps sans éprouver de douleur, juste un sourire pitoyable. Trop tard pour céder à l’appel de la folie, à ses promesses d’une paix ultime et réelle une fois mon corps détruit. Je me souviens, une nuit, une pulsion, le dos contre le mur, les jambes devant moi semblaient appartenir à un autre. Le rasoir brille, murmure les mots que j’espère, il chante le désespoir, me pousse dans la transe pour agir. Je pose le métal sur ma peau, près du genou, j’appuie, rien, presse davantage, la lame fine tranche peau et muscles, un liquide chaud coule sur le parquet, ce sont les larmes que je retenais.

À demi enfoncée la lame remonte vers l’aine, une ligne rouge et profonde, je glisse mes mains dans la plaie, mon cœur accélère, une énergie folle circule dans mes veines, impossible de reculer, j’écarte, regarde, l’intérieur bouillonne de sang. Pas de douleur quand mes doigts s’emparent du fémur, j’entends un gémissement, un dernier refus, pitoyable tentative, j’arrache l’os de son logement, un univers brûlant m’éparpille, j’ai envie de céder, de renoncer à la conscience de la repousser, trop tard pour dire non, je ne sais plus reculer. Le temps passe, la douleur reflue, pas bien loin, assise dans un coin de la chambre ses petits yeux ne me lâchent pas, je ne sais plus leur échapper. Une jambe reste, un corps, la vie s’y cache, c’est elle ma cible. Me faudra-t-il ouvrir ce ventre, expulser ces viscères palpitants, y plonger ma main comme la plume dans l’encrier espérant n’y plus rien découvrir pour cesser de courir sur un papier fantôme.

Ulysse se fit attacher pour résister à l’appel des sirènes, ainsi put-il en profiter. Cette comparaison dit ce que j’ai ressenti, ces milliers de pages qui furent autant de pas dans la nuit, d’appels à la folie, d’espoirs refusant de s’éteindre.

Dans la réalité j’aurais pu m'arracher l'os, l’envoyer à l’autre bout de la chambre et mourir de n’avoir pas osé vivre, exsangue et misérable.

Le rêve ?

Un pas de plus, rien qu’un. La mort recule, mon d’esprit résiste au temps, au pourrissement des chairs retrouvant la poussière originelle, première étape vers le néant. J’aurais voulu sentir les vers grouiller et se repaître de moi jusqu’à laisser un squelette propre mais incomplet. Cadavre ayant conservé l’empreinte de son âme. Il n’est de pire ennemi que soi ! Extériorisé le flot de haine qui m'envahit m’aurait détruit, intériorisé il m'alimenta. M’accrocha à la vie par goût d’une malédiction insurmontable. Mort et vivant à la fois je me serais traîné jusqu’au miroir bronze qu’une amie m’offrit, le seul dans lequel je puisse me voir. Je n’ai plus d’yeux mais distingue une masse étrange, semi liquide et malodorante, ayant un vague aspect anthropomorphe. Plus de peau, un linceul opalin et mouvant, les vers dansant sur moi. Maintenant je comprends ce qu’ils représentent, l’ultime protection, plonger vers la mort comme pour un défi, tenir face à elle, ressentir ses doigts d’os dans ma main et ne pas hurler. Trop tard pour commencer, pour me perdre.

L’image me fascine, la pourriture se secrète d’elle-même, une cage restera en laquelle mon âme persistera.

Imaginer plus loin, l’intrusion de quelqu’un chez moi, il me trouverait, hurlerait de peur en percevant dans cette momie un reste de vie, une lueur au fond d’orbites vides, une moquerie infernale.

J’aurais voulu dépasser le cadre du temps, toucher à cette éternité déjà évoquée. La Terre devenue une boule de silence, la victoire du minéral, l’univers en désert de fer, souriant d’une victoire attendue.

Je délire avec lucidité, tel un joueur d’échec regardant la pièce qu’il va déplacer, celle-ci touchée il doit l’utiliser, j’ai joué sans espoir de pat. Le point de non-retour est dépassé, la réalité fait partie de mon jeu, pion ou fou, cavalier ou tour ? les autres rôles sont répartis.

Il y a sept ans. Sept, comme les péchés capitaux, ou les vertus cardinales, mais qui connaît ces dernières ? La fiction envahit ma réalité manquant la détruire, elle reflue, me reste à récupérer ce qu’elle me laisse, pas des ossements mais des moments de vie, les pièces d’un puzzle qui me ressemble. Ne pas dire non, c’est tout ; ne pas dire non. Le plus difficile.

Le pire.

J’aime !

La fin du monde, y survivre, la fin d’un monde de rêves et de peurs, assister à son engloutissement dans un océan d’émotion. L’univers ne peut espérer l’éternité, ce qui naquit disparaîtra. L’éternité est le mot le plus menaçant que je connaisse. J’en perçois le sens, si Dieu existait et qu’il sache qu’ainsi se nomme sa cage je comprendrais qu’il ait créé l’homme pour se distraire.

Il n’existe donc pas. Ou pas encore ?

L’univers serait-il destiné à capturer l’éternité faute de pouvoir l’engendrer ?

Démence ? Et alors ? Mécano mental, édifice se créant de lui-même par le refus d’achever la partie et d’en voir les mystères, ces spectacles autrefois donnés sur les parvis.

Après... Mon imagination ne va pas jusque-là ! Naissance et mort, big bang et big crunch, je préfère les jolies initiales du premier, c’est le hasard, oui, le hasard, quoi que…

La vie est un manège, l’éternité une menace cherchant à se distraire d’elle-même, y parvenant elle s’oublie sans pouvoir détruire le miroir dans lequel l'attend le sens de sa malédiction.

Cet enchaînement est encore un hasard, j’espère.

                                        * * *

Le vent me gifle sans me gêner, l’indifférence à soi est une étrange force, elle pousse hors des chemins aisés, des zones éclairées, elle amène à arpenter un désert en quête d’une trace. Le pire est de la trouver, alors la réalité prends corps. Dans le vide j’étais bien, autour de moi s’estompaient un quotidien insoutenable d’absence. J’ai vu les signes, perçu la vie, tombant à genoux j’ai voulu rester ainsi, j’ai renié la vie, plus de trois fois et le coq n’a pas chanté, malgré moi j’ai levé les yeux. Au travers du néant le phare brillait encore. Si près et si loin, nocif et tentant. Être convaincu qu’il était accessible m’aurait interdit d'avancer, la haine et le dégoût m’auraient aidé à renoncer, activant une lâcheté, toujours sur le qui-meure. L’impossible fut un soulagement. Je me suis redressé, titubant, laissant le vent abraser mes défenses et me dénuder, offert, sensible. Chacun des oasis sur ma route promettait une horreur différente, un enfer particulier, je me suis abreuvé à l’un, à l’autre, à tous, je me suis penché, l’eau fit miroir, insoutenable. Refusant la tentation j'ai continué. Des mirages d’épouvantes dansèrent autour de moi, mille tourments me furent proposés, j’ai souri sans comprendre, sans ralentir.

Les larmes nettoyèrent mon visage de la couche de silice. La vie me souriait alors que je hurlai contre elle, cherchant le pire blasphème… Elle ne s’est pas détournée, m’a tendu la main, je l’ai prise et j’ai pu la lâcher… Paupières baissées j’aurais pu tirer le rideau sur une scène enfin désertée.

Émotion et désir mêlés forment un inaltérable ciment, une volonté est à l’œuvre, la mienne, je n’en suis même pas surpris.

En marchant j’ai retrouvé un endroit qui me plaisait jadis ! Un pont suspendu surplombant une eau sombre, quelques rochers affleurent la surface, je les voyais crocs de pierre attendant mon corps pour le dévorer. J'imaginai le courant m’emporter... L’eau est tentante comme un souvenir d’avant la vie. Embryon nageant dans une volonté amniotique je grandis rêvant à une naissance mortelle.

Ce lieu m'attriste, je le connais trop, bien que la ville ravalent ces immeubles que je connus lépreux et croulants, rue traversée de cordes à linges, silhouettes s’interpellant.

Un autre temps, mon enfance.

Le froid me tenta, l’eau glacée m'aurait étreint avec douceur. L’hiver est revenu, le printemps de cette hémisphère sera-t-il le mien ?

Une image me retint, une enfant aux yeux d’infini posés sur moi, un miroir montrant des ombres oubliées. Plus que l’imaginaire enfanté par la volonté, la lucidité, mais une nécessité que j’aurais refusée en la voyant autrement incarnée.

Une enfant…

Je crains les noms mais connais le sien : Thlita. Comprenne qui peut.

Sa main sur mon bras ; l’esprit désireux de basculer, la conscience avide de s’engouffrer dans l'absence. La vie me surveillait, elle prit le bon visage, manipulant symbole et hallucination pour me conduire vers la vérité. Malédiction bénéfique ou bénédiction maléfique, les deux se disent et se justifient.

Larmes, nuits et lumières mélangées, loin d’une clarté artificielle gonflée de définitions routinières, une vérité sereine.

Braise émotionnelle qui me réchauffa, mes défenses colossales furent renversées d'un souffle. Rien ne résiste à qui ose, qui, dans un espoir met la force qui lui reste. L’obstacle est un défi que j’ai relevé sans voir le risque, pas celui de me perdre mais celui, mille fois plus grand, de me trouver.

Je n’ai pu tuer, ni me suicider, nul squelette hanté d'une âme puante, de gorge offerte à une caresse d’acier, de sang me dessinant afin que dans un miroir je me visse, souriant d’une mort enfin capturée. Le masque pourpre aurait été la réalité du renoncement.

La mort n’est pas une amie ai-je pensé, le temps de comprendre mon erreur. Complétant la vie elle sait que nul ne lui échappera. J’aurais pu mourir si souvent, elle éloigna, rassurante dans l’envie que j’avais d’elle mais reculant alors que j’avançais jusqu’à ce que je puisse découvrir une nouvelle souffrance née du désir, ça change.

Je voulais un chemin sanglant, je l’ai évité ; voir la mort, j’ai croisé le regard de la vie. Le pire n’est pas l’ennemi espéré. Tant de recoins grouillent de formes étranges, j’ai appris à me nourrir d’eux.

Deux ?

L’autre me manque, l’Autre...

Ce ne sera pas Thlita, enfant ou enfance, l’incarnation se dispense des détails, il n’est plus temps de tricher. La porte que je voulais claquer dans mon dos est close devant moi, je ne peux pas dire dommage. Je cherchais une réalité corroborant ma peur, je n’ai pu la découvrir, la haine qui m’emplissait moula l'empreinte que j’ai devant moi, je peux la toucher, la comprendre, la dépasser. L’envie de tuer ne reviendra plus, le moyen de fuir m’a explosé dans les doigts. Je n’ai plus envie de retrouver ma chambre-sépulcre, de m’allonger en écoutant le sablier du temps rire de mes inutiles efforts. Un vampire a, dit-on, besoin de la terre de son pays pour trouver le repos, je crus ne pouvoir quitter les murs du passé. Maintenant j’ai envie de les oublier, de m’éloigner d’eux à jamais. L’âme s’est infiltrée en moi, je l’imaginai fardeau elle est libération, je me tiens droit, mieux, ,je découvre que j’étais déjà debout et que je n’en savais rien.

Quel c… !

J’ai eu envie de sauter… Non, c’est elle qui manqua m’avoir. Une nouvelle violente, je sors, le vide m’envahit, je me réveille sur ce pont penché sur le vide, le tintement d’une sonnette de vélo m’emplissant les oreilles. Un souvenir d'instinct au dernier moment se raccrocha-t-il à ce qu’il put ? Sans la solution à cette énigme je prends celle qui me plait le plus.

J’utilise la réalité que je connais, aussi fictive qu'elle paraisse.

La folie seule peut engendrer une enfance pure, modelant la pâte de la souffrance. Pas vraiment l’Amour, la voix qui sait, la bouche qui murmure, la volonté qui montre.

Que de nuits et de journées passées ensemble, heures étranges hors du temps, dialoguer avec une ombre lumineuse est surprenant quand on en est conscient. Elle me fit parler, pleurer, découvrir que j’avais un cœur, des yeux capables de libérer l’émotion, cela ne m’était pas arrivé depuis… longtemps. Une fin d’après-midi, un enfant joue seul, levant les yeux il découvre le gris du ciel comme une menace, comme porteur de la certitude que rien n’existe pour lui, rien ni personne. Les larmes coulent, mais quelqu’un vient, il se tait, cache, triche, l’habitude se prend vite quand elle est mauvaise, pour autant qu’elle protège au risque d’enfermer à jamais. La sincérité porte un masque pour se protéger d’elle-même.

Le pire n’était pas là !

Des semaines gorgées d’émotion, chaque seconde s’inscrivit en moi, chaque larme était un appel, un espoir et un prénom. Chaque nuit était un rêve, un seul, revenant sans cesse. Le temps s’étirait. J’ai eu un avant-goût de l’éternité, assez pour en deviner le piège.

Vint la fin, un roman à conclure, la main de Thlita dans la mienne, trop perceptible pour être délirée ; une réalité intolérable s'apprêtant à déchirer le masque d’oubli que la peur avait posé sur elle.

Elle s'est éteinte faute de vouloir continuer, sachant qu’elle ne disparaît pas vraiment. Elle est restée pour m’aider dans les pires moments. Ses paroles m’apprenaient à supporter, il ne cessa de battre. La preuve : il continue !

Une autre histoire : un asile, un homme s’y promène, il a un bureau, un mini parc à sa disposition, de hauts murs bordent cet univers. Un arbre, un banc, un chemin de gravier, un peu de verdure, un micro qui enregistre sa confession, il est là pour ça.

J’avais un rendez-vous ! La démence me protégeait à l’instar des douves des châteaux médiévaux, seul je pouvais plonger en moi, céder à l’appel que je percevais sans l’avoir, à cet instant, compris..

C’est une cicatrice inoubliable comme la promesse qu’elle m’arracha. Cette image aux confins du désert, par Elle je pouvais survivre. Au sable se mêla les cendres de jadis, j'eus d’improbables visions de terreur et de sang, d’horreur et de crimes. Un fleuve de sang, un esprit prisonnier de ses délires accroché à une lointaine réalité.

L’esprit connaît des tempête que la réalité ignore, force 13 !

La… Non, pas la lumière ! Censure, l’Amour fut le plus fort, la peur devint panique. Image contre image, réalité contre réalité. Du dehors rien n'était visible, le masque était parfait, seul en revanche…

Et puits…  

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20 novembre 2009 5 20 /11 /novembre /2009 06:28


                                                   01

L’âme est éparpillée et pourtant survivante, elle se tord, cherche du secours mais espère la lumière qui l’anéantira.

La nuit domine le monde, dehors ma proie ignore que le fil de son destin est sur le point d'être tranché. J’ai droit de vie et de mort, un poignard pour instrument. La lame pénétrera son dos, il s’effondrera, le sang collera ses vêtements, engluera ses reins et ses jambes, le froid l’emportera, devant moi la vie le quittera.

Rêve ? Espoir, désir de dessiner l’heure qui vient, un chant du cygne, un rien, pour disparaître. Facile d'entrer chez les gens, l’audace suffit, trop s'y préparer est inutile, un crime n’est pas un film. Privilégier l’émotion, l’action, la réalisation. La pensée ne peut tester chaque maillon, le ferait-elle qu'il y en aurait toujours un plus faible. L’instinct me fera oublier cette civilisation dompteuse, elle n’a rien effacé, je le sais, le sens. Je ne veux plus refuser ce que je suis.

Déclaration alibi dans la bouche d’un presque tueur, si c'est ma vérité qui peut m’interdire de l’exposer ? La vie est une scène, mon rôle est écrit mais suis-je crédible ? Les fils qui me font agir m’indiquent une volonté autre que la mienne. La mienne ? Cela me fait curieux de parler ainsi, la mienne, moi… ces mots ont-il un sens ?

L'âme hyène, cette formulation est plus convaincante.

Pas une cellule de mon corps qui leur échappe, une pensée sur laquelle ils n’influent, une cage aux barreaux fins mais si nombreux qu’il interdisent de voir par delà. Je sens leur présence, je devine des formes, des bras qui me repoussent, j’ai voulu…

Voulu ? Le passé est mort, plus de vouloir, de lutte, l’asservissement est doux puisque nécessaire, être esclave pour être malgré tout. La nature du maître fait la différence. Je table sur mon acceptation de ses volontés pour dessiner son visage tel un jet de sang sur un être invisible pour en dessiner le contour, esquisser un portrait.

Escalader une gouttière, briser une vitre, l’espagnolette, une fenêtre à pousser, le rideau la retient un moment, je me glisse dans une chambre inconnue comme dans un autre monde.

Le propriétaire ne tardera plus, j'attends, le courant me charrie depuis si longtemps... Le jeu est commencé. La vie n’est que cela, l’admettre est une victoire, temporaire, l'ultime est interdite. Quel plaisir y aurait-il à jouer en pouvant plus que retarder l’inévitable ?

Je devine ses gestes, la porte qu’il referme, ses clefs dans le tiroir, son manteau ôté il le suspendra à la patère, me tournant le dos, s’offrant. Un hurlement silencieux, des années d’espoir libérées en un geste, mon arme s’enfoncera dans ses chairs, aucun obstacle ne l’arrêtera, peut-être glissera-t-elle sur l’os du bassin, prenant un nouvel élan pour traverser l’abdomen. Le barrage annihilant ma force va céder, il est le dernier obstacle à ma libération. La haine attend depuis ma naissance, une masse informe et puante, entre le noir et le rouge, mélangeant les émotions qui parfois éclatent à la surface de la boue qui coule du paysage alentour. Il est en moi, collines mortes, site que trop de poisons anéantit. Je suis cela, ce que je vois et l'ombre du néant, reste de vie à la surface du vide. La mort est libératrice, celle de l’autre, de tous. Je n’ai rien contre lui, il paie pour tous, ni nom, ni visage, une réalité qui disparaîtra en un seul geste.

Il se raidira, tendra ses forces, ignorant la cause de cette douleur, peut-être pensera-t-il à une crise cardiaque, à une attaque d’urémie, le silence répondra ; il sera cadavre devant moi, cadavre… moi…

Agir autrement ? J’ai essayé, voulu parler, être compris, exister dans l’œil en face de moi, j’ai perçu la moquerie, l’insulte que la bouche ne formulait pas. Je suis seul, le joug sur mes épaules me fait baisser la tête, découvrir le sillon qui est ma vie, ma voie. J’ai quitté le chemin de la majorité. Un verbe existe qui signifie quitter le sillon : délirer. C’est beau la culture. La nature relève-t-elle du délire ?

Ce n’est plus le moment, j’ai trop attendu, trop espéré ma délivrance, par un crime je vais claquer dans mon dos l'huis menant au normal. J’ai voulu l’ouvrir, changer d’air, j’ai échoué, le refuse est ma route.

Le temps s’étire, une minute semble une heure. Rouge, la réalité prendra son sens, nous nous comprendrons enfin, c’est son prix.

J’imagine les titres, les commentaires, les regards curieux et effrayés glissant sur moi, ils l’ont toujours fait.

Je suis une vitre que même l’ombre efface.

Je tuerai à nouveau, il le faudra, pas trop à vite. Attendre, utiliser le temps, ou multiplier les homicides en quelques heures, avant que la police s’organise, le jeu serait excitant, le risque grand, je suis là pour un rendez-vous avec moi. Le goût du sang me donnera celui de la vie. Supporter mon quotidien sera facile, j’y serai à l’abri, une autre proie viendra s’offrir, le jeu est plus amusant, attendre le gibier.

Mon cœur bat si fort qu’il me semble entendre un pas. Mon corps triche, m’incite à penser à autre chose. Ma volonté sera plus forte, ma raison m'indiquera la bonne route.

Je transpire, l’émotivité est répugnante. Pas de trace, ne rien oublier, pas même une pensée. Il ne me verra pas et, mort, que dirait-il ? Mais un cheveu peut donner une empreinte génétique, la science s'oppose à moi, avec eux, avec tous, avec… Moi ?

Un devoir conjugal. Un poignard pénètre, la mort est ma compagne, elle prendra tout le plaisir. Derrière l'effroi qu'elle affiche la société a les monstres qu'elle mérite, damnés d'un monde qui les crée, les utilise et les renie.

Un rai de lumière sous la porte, la minuterie, la porte va s’ouvrir, une forme entrera, même pas un homme, une proie. Nous devons tous mourir, certains tôt, d'autres survivent sans savoir pourquoi. La soirée fut éprouvante, il n’aura pas la capacité de réagir, il mourra presque sans souffrir, sans le plaisir de profiter d’un moment unique. N’ai-je pas cet espoir, qu’il soit plus prompt, m’arrache le poignard pour le planter dans mon ventre ? Alors aurais-je le temps de le remercier ?

Il prend son temps afin que d’infâmes pensées m’envahissent et fassent baisser ma résolution. Le tuer sera trop doux, je dois le torturer, le détruire, laisser un tas de chairs déformé et repoussant.

Silence, pas de délire, c’est fini, la raison, la certitude, le calme tant attendu, mérité, je sais, je ne veux pas d’un échec de plus, d’un nouveau constat de mon incapacité à réaliser quoi que ce soit. Le choix est fait, irréversible, terrifiant, un sourire qui m’embrasera, un pas en avant pour le néant.

Être au bord du précipice, savoir qu’un pas apportera la délivrance, pourquoi hésiter, le temps de la chute pour sourire avant la paix.

Bondir, silence, retrouver le choc du nouveau né baignant dans la lumière et la souffrance. Je vis les dernières minutes avant la clarté d’un autre monde dans laquelle je ne disparaîtrai pas, au contraire. Elle est précise, douce et terrifiante, sachant que je ne pourrais plus lui échapper. La solitude ne peut m'effrayer, elle sera mon ombre jusqu’à la fin des temps, oublié de l’anéantissement, dernière âme incarnant l’éternité une fois le temps englouti.

Un bruit de clés, dans quelques secondes tout sera dit, le rideau sera tombé, à moins qu’il ne se lève, j’ai besoin d’un peu de temps, raffermir ma certitude, retrouver mon désir de… mais de quoi ?

Il allume, ôte son manteau, je peux, je dois… Il me tourne le dos, légèrement cambré, il s’offre, me veut, mais la force m’échappe, de sinistres pensées sont venues au pire moment, le passage se referme, je ne suis plus rien.

Il va aux toilettes, parfait, le bruit de chasse couvrira le mien.

Le destin est cruel, ironique mais cruel !

                                        * * *

Je déteste ces cartes, les atouts de mon jeu s’effacent alors que je vais les abattre, alors que tout peut basculer en ma faveur, que s’offre un univers de silence accueillant une âme indigne de ce nom.

Les mots composent de jolies phrases, ordonnées jusqu’à former un portrait précis et insoutenable.

Je connais ces rues et suis las de les arpenter, las de ces fenêtres derrières lesquelles je me fous de savoir ce qui se passe. Qu’un vieillard agonise devant sa télé, qu’un jeune couple fornique en croyant vaincre le temps, tous me répugnent. Je ne désire plus gaspiller mon temps en simulant la curiosité, il m’en reste si peu, les autres m’occupaient l’esprit, me cachaient la réalité. Elle est devant moi, la ressemblance m’effraie. L’avenir ? Je l’imagine désagréable, c’est un souhait, la réalité…

Tuer aurait été une délivrance ! Cette affirmation devait être le prélude d’un roman, au présent, l’imaginaire l’a refusé. Les faits se moquent, se jouent de mes espoirs. A quelques minutes près… Une mise en scène si bien réglée. Quelque part un manipulateur se distraie, il jouit de ce que je ressens.

Souffrance ? Ma vie est insensible à une autre sensation. L'habitude entraîne l’accoutumance, la peur de changer. Ma victime aurait volé la paix que je cherche, elle m’aurait spolié d’un bien plus précieux que tout. Je ne suis pas sûr que le suicide m’apporterait la paix attendue.

Mon esprit est en guerre contre lui-même, il imagine affronter une illusion pour s’y immerger et ne plus connaître qu’elle.

Tuer aurait été aisé ! Facile à dire sans passage à l’acte. J’y pense sans avoir trouvé la force d’inscrire ce désir dans la réalité. J’ai biaisé, utilisant une machine à écrire pour jouir de morts de papier qui m’apportèrent un soulagement infime mais salutaire.

Le poignard me plaisait, une arme symbolique, et le regard de l'âme libérée. Je l’aurais évité en frappant dans le dos, je suis trop lâche !

De ce crime j'espérai, en me penchant sur l’agonisant, découvrir mon visage. J’aurais pu tricher, arracher le sien pour un lifting à rebours, poser ce masque chaud et gluant sur moi, lever les yeux jusqu’au miroir, découvrir quelqu’un d’autre, non ! découvrir quelqu’un, enfin !

Le masque d’horreur serait tombé, piégé par le miroir, fasciné je serais immobile physiquement, absorbé par une image terrifiante.

Les rues sont froides, le mois de février est le cœur de l’hiver, le vent passe au travers de mes vêtements, il ne me fera pas réintégrer un appartement moins agréable qu’une morgue, hanté par des morts qui m’attendent, qui ont besoin de moi pour rire encore. Parmi eux se terre un enfant, il se cache en espérant que je le trouverai.

Est-ce lui que je recherche dans ce jeu de masques ? Que je fuis ? Je me cache de lui, refuse de le reconnaître, d’entendre ses appels, ainsi je m’accroche à lui et le/me voue à une existence de damné. Les larmes qui coulèrent sur mes joues le nourrirent, ma solitude était le moyen de le repousser, de l’oublier alors qu'il ne fut jamais loin, guettant l'opportunité de revenir. Les cauchemars devinrent mes amis du jour et de la nuit, en comparaison avec le réel ils étaient amicaux.

Le plaisir est évident, découvrir ce que l’on espérait sans se l’avouer. Ne plus avoir peur d’être seul, ne plus avoir peur d’être.

Ai-je raté une chance ? Question gratuite, si j’avais agis, je me serais demandé l'inverse. Refus de la réalité dans le désir meurtrier, refus du refus désormais, je n’ose imaginer où cela va me conduire. Au dernier moment d’étranges pensées me vinrent, au lieu donnant à la réalité une plus juste appréciation.

J’espérai d’insupportables hurlements m’emplissant l’esprit au point de le pousser à l’autodestruction, mais non, les mots dansent devant moi et je vois ce qui s'est produit. La lumière ne s’est pas éteinte, un reste de force m'aide afin que je reste debout, refusant de prêter serment à l’horreur. La peur n’est pas le maître que je cherche.

Il y a des gens heureux derrière ces fenêtres, sans question, leurs journées se copient, combien en connaîtront-ils ? Je n’ai pas refusé cette idée, je réalise maintenant ce qu’elle signifie. J’ai accepté et subis des impératifs encore flous, mais plus pour longtemps. La voix du crime aurait été celle de la fiction, j’aurais fini par ne plus différencier le concret du papier, l’inverse aurait pu être la vérité, risques entre lesquels je me suis glissé sans être broyé, ce qui ne veux pas dire que je n’ai rien senti, mon esprit put supporter ces contraintes. Le problème étant d’oser comprendre pourquoi !

Tuer, traverser le mauvais miroir pour plonger dans mes fantasmes les plus répugnants, j’ai reculé. Je vois au travers de ce qui n’est plus qu’un souffle sans interférence. Ils ne regrettent pas ce recul, au contraire. Me perdre en eux les auraient dissous dans la démence, ainsi ils restent accessibles, un point d’attache avec le possible.

Céder aurait été plus facile, je ressens les effets du cyclone intérieur qui se lève. C’est par un autre reflet que je veux trouver la lumière. Seul j’ai honte de parler d’amour comme si je salissais ce mot, je me suis couvert de pourriture pour être répugnant à mes propres yeux.

Encore un échec. Je me voulais Prométhée, enchaîné à jamais… Lui fut délivré ! Ce destin ne m’est pas interdit, la lâcheté qui me retient est un fil de coton.

Traverser l'image pour se découvrir et se reconnaître. J’ai voulu aller trop vite, je fus retenu par une laisse invisible, mon esprit la refusait, désormais je contemple mon image, la vraie. Je n’ose dire la bonne. J’ai voulu jeter un voile de sang sur ce portrait honni, un si petit acte, une simple vie, j'ai attendu longtemps qu’une main amie vienne le déchirer. Comment tient-il ainsi morcelé, parcouru de lézardes qui cicatrisent, j’ai peur de cela, de réussir ; peur de ne plus avoir peur.

Tuer n’importe qui, un c’est tous, par impossibilité de se tuer soi. Comment détruire ce qu’on ignore ? Maintenant je me sais vivant, dans un regard trop clair je me suis aperçu et je ne peux l’oublier, et je ne peux m’oublier. Il ne pouvait se porter sur une âme sanglante.

Amour est un mot curieux, puis-je le savourer, le désirer. Mon cœur sait ce que refuse mon esprit hanté d’anciennes et pourrissantes émotions. Il voulut se réfugier dans la violence et n’y parvint pas, tricher était un moyen de repousser l’inéluctable. En vérité je ne voulait assassiner qu'une vie qui ne sait plus s’éviter.

Puis-je comprendre maintenant ce que je cherche à me dire depuis si longtemps ? J’ai crypté mes textes au point d’être tenté d’entrer en eux pour m’y disperser, j’ai échoué, tant mieux. Je suis si près, qu’une pensée me trouve...

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Bienvenue sur ce blog ! Vous y découvrirez mes goûts, et dégoûts parfois, dans un désordre qui me ressemble ; y partagerez mon état d'esprit au fil de son évolution, parfois noir, parfois seulement gris (c'est le moins pire que je puisse faire !) et si vous revenez c'est que vous avez trouvé ici quelque chose qui vous convenait et désirez en explorant mon domaine faire mieux connaissance avec les facettes les moins souriantes de votre personnalité.

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