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6 octobre 2015 2 06 /10 /octobre /2015 07:57

Dossier Pour la Science N 86 – Janvier-Mars 2015

Les chimpanzés : des grands singes pétris de culture

Christophe BOESCH

La culture a toujours été un domaine réservé aux humains et serait l'exclusivité de notre espèce, nous différenciant du règne animal. Buffon, après Descartes, plaçait l'homme à distance des autres animaux, s'en différenciant, qualitativement (?) par ses facultés intellectuelles. Montaigne en revanche préférait une approche plus continue, aujourd'hui on dirait : évolutive. L'humain appartenant au règne animal en aurait hérité de beaucoup de ses facultés intellectuelles, lesquelles seraient partagés avec nos plus proches parents biologiques : les grands singes.

L'évolution darwinienne est généralement acceptée pour les aspects liés à nos morphologie et nos capacités physiques et physiologiques. Les opinions sont plus partagées pour nos facultés intellectuelles. D'aucuns virent dans cette réticence l'influence de notre culture judéo-chrétienne.

Difficile aussi, et surtout, pour les humains d'être ''juges et partie''. Impossible d'être impartial. Bertrand Russell écrivait en 1918 : ''Si on propose à un homme un fait allant à l’encontre de ses instincts, il va le scruter de près et, sauf si les preuves sont accablantes, il refusera d'y croire. Si, en revanche, on lui présente quelque chose qui va dans le sens de ses instincts, il l'acceptera avec le minimum de preuve. L'origine des mythes s'explique de cette façon''.

Dans Le Singe Nu, Desmond Morris l'approuve : ''L'histoire de notre parcours évolutif est une histoire de nouveau riche, et comme tel, nous sommes susceptibles quand à nos origines''. Bref, de nombreux scientifiques sont prisonniers d'une logique comparative égoïste plaçant l'homme à part et reniant notre parenté en survalorisant des études défavorables aux autres espèces animales. Beaucoup des réponses données aujourd'hui ne s'appuient pas sur une approche comparative avec nos plus proches parents mais sur un a priori sur nous mêmes.

Les cartésiens [mais que penserait Descartes aujourd'hui?] ont bloqué les progrès qui nous permettraient de révéler la spécificité de la ''culture humaine''. Sans oublier les perceptions différentes, encore une séquelle ''judéo-chrétienne'' qui fait qu'une preuve de culture au Japon est réfuté en oxidant. La véritable question est de savoir quels aspects du phénomène culturel sont particuliers aux humains par rapport aux autres primates en général, et aux chimpanzés, en particulier. Neuf populations de chimpanzés sont suivis, en Afrique de l'Ouest, Centrale, de l'Est, configuration permettant de mettre les observations en commun. Les observateurs furent surpris de comportements n'étant pas induits par l'environnement et qui, par conséquent, ne pouvaient être que culturels. Les chimpanzés les avaient appris en copiant les membres de leur groupe. De nombreux exemples (à découvrir dans le magazine) montrent la flexibilité du comportement des chimpanzés. La question n'est plus aujourd’hui d'attribuer ou non une culture aux chimpanzés mais de comprendre précisément quelles sont leurs capacités culturelles, et en quoi se distinguent-elles des facultés culturelles de l'humain.

Encore une fois l'humain semblait le seul à accumuler des innovations pour améliorer une même technique. Faculté unique fondée sur nos compétence en termes d’imitation, d'enseignements, de conformité et de normes sociales. Pourtant plusieurs chaînes cumulatives de techniques ont été observées chez les chimpanzés qui suivaient un schéma d'accumulation culturelle ou une technique est compliquée par l'accumulation d’éléments en augmentant l'efficacité et la spécialisation.

Autre aspect distinguant la culturelle humaine de celle des chimpanzés : l'importance de la culture symbolique à travers les langues, les mythes, les croyances, l'art... [pour autant qu'il s'agisse là d'avantages ou de preuves de supériorité!].

Une approche intégrative tenant compte des nouvelles observations obtenues auprès de plusieurs populations de chimpanzés a mis en évidence une complexité de la culture chez cette espèce qui était insoupçonnée il y a quelques années. Toute nouvelle population de chimpanzés étudiée nous surprend en montrant des comportements inconnus révélant de nouvelles facettes des capacités des chimpanzés. Cette approche nous oblige à réévaluer nos visions simplistes des animaux. La science a souvent souffert d'approximations, de théories fondées sur des anecdotes ou des faits inexacts. Les statistiques ont pris de l'importance pour éviter la subCjectivité. Parallèlement les expérimentations animales ont aussi gagné en popularité car elles représentent un progrès pour tester les facteurs qui influencent le comportement. D'autre part comment considérer que des études dirigés (dans tous les sens du mot) sur des individus captifs puissent éclairer les capacités de populations libres ? Sans omettre les handicaps générés par la vie en captivité !

Une étude plus complète des chimpanzés sauvages nous aidera à comprendre ce qui nous rapproche d'eux, et ce qui nous en différencie. Eux seuls peuvent nous aider à comprendre ce qu'est le ''propre de l'homme''.

Encore faut-il qu'ils survivent, l'homo sapiens agit comme s'il voulait effacer son propre passé. Espérons qu'il s'efface lui-même plus rapidement encore !

 

Dans le même registre, ne manquez pas de lire l'intervieux passionnante de Shelly Masi : La culture chez les gorilles et les différences qu'elle présente avec celle des chimpanzés.

 

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commentaires

C
Bonjour Lee.<br /> Magnifique approche sur les points communs ou différentiels entre les chimpanzés et notre espèce. <br /> C'est vrai, il y a une quête permanente qui tend à pousser les pensifs sur l'instant (probable !) où ce magnifique grand singe "devienne subitement un Homme", ou bien qu'il demeura dans son état (réconfortant !) de primitifs. Homo Sapiens est-il inqualifiablement mû par la même peur qui habita Neandertal lorsqu'il vit s'approcher de lui un petit être chétif, mais qui finit par le supplanter. Homo Sapiens s'est accaparé le trône d'empereur de la Terre, voire de l'univers, et il n'a pas envie qu'un petit ouistiti la lui dérobe ! Etre empereur, c'est aussi être con !<br /> Néanmoins, l'Evolution des espèces se poursuit, n'en déplaise aux pensifs, et, dans cette avancée, la famille des chimpanzés également. On peut les situer à une période de 6 millions d'années entre les ancêtres de Lucie et nous ; les pensifs "judéo-chétiens" n'ont donc rien à craindre, Dieu n'est pas prêt de parler à un macaque, même s'il tartine ses termites sur un bois de baobab ! Dieu n'est pas fou. Enfin, Homo Sapiens le pense !<br /> Il manque aux chimpanzés la bipédie, la parole articulée, et la fin de leur sacro-sainte peur de l'eau. En ce qui concerne la fabrication d'outils, c'est fait, ils ont passé le test évolutif, plus celui de l'amour, ce qui les conduit à expérimenter plus, encore, et à enseigner cet art nouveau de la chasse à leurs petits (enfants ?). L'Evolution n'a jamais cessé, c'est l'Homme qui se le fait croire à lui-même ; mais aucunement les grands singes.
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L
Empereur est l'anagramme de mère peur ! L'homo sapiens croit surtout en lui et utilise dieu pour justifier que certains de cette espèce puisse, peuvent, ou voudraient pouvoir, dominer les autres. Pseudo sapiens lui convient mieux. Rappelons à cet animal oublieux de ses origines qu'au sommet de la chaîne alimentaire se tient le virus.<br /> Le singe est sage, l'humain l'est moins !
C
Bonjour Lee.<br /> Magnifique approche sur les points communs ou différentiels entre les chimpanzés et notre espèce. <br /> C'est vrai, il y a une quête permanente qui tend à pousser les pensifs sur l'instant (probable !) où ce magnifique grand singe "devienne subitement un Homme", ou bien qu'il demeura dans son état (réconfortant !) de primitifs. Homo Sapiens est-il inqualifiablement mû par la même peur qui habita Neandertal lorsqu'il vit s'approcher de lui un petit être chétif, mais qui finit par le supplanter. Homo Sapiens s'est accaparé le trône d'empereur de la Terre, voire de l'univers, et il n'a pas envie qu'un petit ouistiti la lui dérobe ! Etre empereur, c'est aussi être con !<br /> Néanmoins, l'Evolution des espèces se poursuit, n'en déplaise aux pensifs, et, dans cette avancée, la famille des chimpanzés également. On peut les situer à une période de 6 millions d'années entre les ancêtres de Lucie et nous ; les pensifs "judéo-chétiens" n'ont donc rien à craindre, Dieu n'est pas prêt de parler à un macaque, même s'il tartine ses termites sur un bois de baobab ! Dieu n'est pas fou. Enfin, Homo Sapiens le pense !<br /> Il manque aux chimpanzés la bipédie, la parole articulée, et la fin de leur sacro-sainte peur de l'eau. En ce qui concerne la fabrication d'outils, c'est fait, ils ont passé le test évolutif, ce qui les conduit à expérimenter plus, encore, et à enseigner cet art nouveau de la chasse à leurs petits (enfants ?). L'Evolution n'a jamais cessé, c'est l'Homme qui se le fait croire à lui-même ; mais aucunement les grands singes.
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