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23 avril 2010 5 23 /04 /avril /2010 06:00

Qui regarde l'abîme... 11

 

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                                                     12

 

- Trop nationaliste, vous avez mal prix ce que je vous ai dit. Souvenez-vous vos prédécesseurs sur ces routes. Ici vos idées n’ont plus cours, vos conditionnement plus de raison d’être.

- Nous n’avons pas changé de monde.

- Je vous parle d’un autre monde… Commença le commissaire.

- … Le vôtre ! termina Morton et les deux hommes se sourirent.

- Les étasuniens grimacèrent. Ces français aiment s’écouter parler.

- Bien, en route, l’endroit est ravissant, bucolique et tout et tout.

- Un peu isolé.

- C’est aussi une qualité.

- Oui, il faut avoir envie de se cacher pour s’installer ici.

- Vous ne l’aviez jamais vu, même en film ?

- Non, nous n’en avons pas retrouvé, les équipes…

- Les équipes…

- … Les équipes qui sont venues n’ont rien filmé.

- les films auraient été voilés, ou pixelisés.

- Peut-être, oui. Il y a quelque chose dans l’air de différent.

- Vous le sentez ?

- Oui, pourquoi pas ?

- Souvenez-vous, ici habitaient des américains d’avant les étasuniens, des hommes venus de loin, à pied, que vos prédécesseurs, je ne peux dire vos ancêtres, ont massacrés allégrement, et tout ça pour quoi ? Pour effacer la trace qui les précédait. Ils voulaient un territoire à façonner suivant leurs idées, leur vérité. Ce qui va advenir est logique. Tant d’esprits se sont gorgés de sang ici et vos pseudo livres d’Histoire n’en font pas état. La mort fit ripaille ici .

- L’ambiance vous touche ?

Le commissaire prit le temps de réfléchir avant de hocher la tête.

- On peut le dire. Je vous remercie. Je perçois une sourde agressivité, comme si ces terres gorgées de sang laissaient éclore leurs fleurs de vengeance et de désespoir.

- Pas de pardon ?

- Les fantômes ignorent ce concept. Il s’agit d’équilibre, la justice et sa balance. L’action entraîne une réaction des siècles plus tard s’il le faut. Le temps est une notion moderne et le craindre est vain.

- C’est vrai, il me semble que nous sommes partis depuis déjà longtemps or ça ne fait que quinze minutes. Nous n’allons pas remettre en cause les lois de la physique pour cela.

- Les lois de la physique expriment nos limites ? La création est en adéquation avec nos aptitudes cérébrales.

- Ce n’est pas une question pour nous.

- Vous ferait-elle peur ?

- Je l’avoue, J’aimerais être ailleurs, loin, dans mon bureau, suivant mes activités d’avant, je n’aime pas cet endroit.

- C’est réciproque ! Avez-vous ressenti l’hostilité d’un lieu, sa haine ? Nous comprendrons en nous souviendrons des crimes commis dans ces vallées.

- Il y a si longtemps…

- Hier ! Longtemps pour vous, pris dans un monde s’accélérant votre perception du temps est faussée. Il n’y a pas de maison ici que celle de mon père, elle fut érigée sans problèmes, je suis persuadé qu’il est venu là naturellement, percevant l’âme des lieux.

- Une âme sanguinaire !

- Non, noyée dans le sang ! Une âme qui lutta et perdit son combat, physique. Il reste tant à découvrir du cerveau, des pensées, peuvent-elles s’enregistrer, rester prisonnières en une chambre d’écho les ressassant jusqu’à ce qu’un esprit les entendant leur permette de sortir ? Il y a des recherches dans ce domaine en ce moment, comme d’autres plus ou moins étranges, ésotériques, magiques. C’est bien ! Être raillé n’implique pas que l’on ait tort, au contraire, quand les esprits faibles refusent d’entendre une voix c’est qu’elle murmure une vérité, quand ils refusent d’emprunter une voie c’est qu’elle mène quelque part.

- En Enfer, si j’en juge de ce que fit votre père.

- Sans doute, mais l’Enfer est-il désagréable ?

- Vous le connaissez mieux que nous.

- Beaucoup mieux, n’est-il pas notre destination ?

- On dirait une menace.

- À l’encontre de tous. Il est des révélations disloquant les caractères les plus solides, un test, une épreuve, l’envie d’aller plus loin.

- De regarder entre des barreaux de la cage ?

- Danger ! Vous pourriez être tenté d’aller voir dehors.

-Est-ce possible ?

- Bien sûr, plongez dans la boue, la fange, plus bas, encore plus bas, la sortie est là, seulement là. Retenez votre respiration, attention à ne pas vous laissez prendre, passé un certain stade le retour est impossible et l’avancée périlleuse. Tant ont voulu, fait les premiers pas pour vouloir renoncer ensuite et se laisser mourir de ne le pouvoir.

- Et nous ?

- Tout est imaginable, et son contraire, ici les certitudes n’ont plus cours, laissez-vous aller, oubliez vos habitudes, votre technologie, ne cherchez pas à tout comprendre, ni vous ni nous n’en sommes capables.

- Ni vous ?

- Non, j’admets, j’accepte, je me laisse faire en évitant le risque de vouloir tout réduire. Ma petitesse ne m’effraie pas.

- C’est une qualité.

- Qui permet d’aller plus loin.

- De passer de l’autre côté ?

- Peut-être.

- Pour y perdre votre âme comme le fit votre père ?

- L’a-t-il perdue ?

- Vous ne le pensez pas ? Nous sommes assez grands pour dire les choses directement commissaire. Vous savez votre père coupable, et, j'en mettrais ma main au feu, beaucoup plus… Oui, ma main au feu.

- Vous pariez votre âme ?

- Ça…

- Attention au quatrième degré ! Venir c’était la miser, pour vous aussi. Vous espérez gagner sans savoir quoi. La partie est plus excitante mais plus périlleuse.

- Ce n’est pas pour vous déplaire.

- C’est juste, plus nous parions plus nous pouvons ramasser, ici pourtant…

- Pour tant ? Combien ?

- Pour trop, le vrai joueur perd, sinon ce n’est qu’un gagne petit.

- Sans doute.

- Profitons du paysage, du ciel serein, de ce calme dont on dit qu’il précède les tempêtes ?

- N’est-elle pas levée ?

- C’était un coup de vent. Le véritable ouragan est ailleurs, mais proche. Il se forme depuis longtemps, une force attendant de se libérer pour tout absorber sur son chemin. Cet endroit est un poste d’observation singulier.

- Y a-t-il tant à voir ?

- Tant, trop ! Non, pas de précisions, serais-je là si je savais ?

- Vous auriez pu être amené malgré vous.

- Vous savez que non, vous l’auriez fait. Je vous connais, toujours au plus simple, au plus sommaire, cette fois vous avez voulu jouer au plus fin, me manipuler en supposant que je le comprendrais mais jouerais pour prouver que je suis meilleur que vous, ce qui est le cas, meilleur… Peu importe, vous ne pouviez pas m’amener de force, pas après ce qui s’est passé. Vous êtes devant quelque chose qui vous attire, vous excite et vous effraie. Vous avez raison de craindre ce qui va arriver. Une force immense arrivant de l’origine de cet univers que nous voulons réduire en équations sans parvenir qu’à dessiner nos propres limites.

- Vous pourriez faire un excellent gourou commissaire.

- Mais mon succès s’appuierait sur la bêtise et les imbéciles, ni l’une ni les autres, ne m’intéresse. Apprendre oui, instruire... Quel perversion faut-il pour cela, quelle envie de se sentir supérieur ? Celui qui montre le chemin indique la route vers la médiocrité. Le vrai chemin se trouve seul, il est tortueux, difficile, il fait peur, frôle l’abîme, donne envie de s’y jeter, de s’y perdre… Mon père est venu ici pour cela mais l’abîme fut plus fort, plus insidieux, comme un démon promettant un pouvoir absolu. Lequel peut-il être plus grand que posséder une vie, pouvant l’abréger, ou non ? Le tueur se prend pour dieu, se dit qu’il possède un pouvoir sans égal, son désir qui importe. Il croit avoir le choix.

- L’a-t-il jamais ?

- L’affirmer est une imposture intellectuelle. L’avenir aura un sens une fois vécu, qui peut revenir en arrière et, mieux, qui peut vivre plusieurs vies en même temps et, ce faisant, quel intérêt de n’en choisir qu’une ? Une impossibilité amenant à s’interroger. Pas de choix, seulement le besoin de se rassurer en détenant un libre arbitre apparent.

- Et vous ?

- Je regarde autour de moi, en moi, j’essaie d’être celui qui agît et celui qui regarde, pas celui qui choisit.

- Un constat d’échec ?

- Non, une lucide vision de la réalité.

- Lucide ! Ce mot à-t-il un sens en ce lieu, je me sens bizarre, vibrant.

- Vous ressentez ce qu’il y a autour de nous. Ne m’en demandez pas plus, ce serait vouloir dire plus que je ne peux, que je ne sais. Vous êtes pris par la magie des lieux. Pouvoir, magie… Les mots n’ont plus de sens, la réalité seule importe. Lutter et elle vous détruira.

- L’accepter amènera au même résultat.

- Il reste une chance. Confronté à cette force résister n’aidera pas, soyons des esprits fluides, laissons-nous porter par le courant, attention il nous pousse vers des tourbillons. Il y a un autre côté.

- L’atteindre... Mes pensées sont troubles, je ne me comprends plus.

- L'angoisse est un poison altérant la lucidité. L'apparence que vous donner au danger est un masque derrière lequel tout peut se former.

- Je regrette d’être là, par dieu je le regrette ! J’aimerais être ailleurs, dans une mission dangereuse, courant à mains nues derrière un tueur fou armé jusqu’aux dents, au moins appartiendrait-il à mon univers. Là je me sens étranger, frêle esquif sur un océan traître.

- Il est une île au cœur de cet océan.

- Quand y aborderons-nous ?

- Dans quelques minutes, ne vous en faites pas.

- Mais je m’en fais, justement, cet île est pire que la reste, le point focal. Une espèce d’île du docteur Moreau, peuplée de créatures improbables.

- Vous êtes dur pour une maison probablement vide.

- Vous n’en êtes pas sûr ?

- Comment le serais-je ?

- L’imagination commissaire, la peur. Tant d’années d’entraînements pour en arriver là ! Franchement, il y a de quoi rire. Tout cela pour quoi ? Pour craindre un paysage trop calme, une maison suppurant d’inquiétude. Ce serait amusant que votre père s’y trouve. Il le devrait. Nous avons mis tous les moyens pour le retrouver, et plus, il ne peut être que là !

- N’auriez-vous pas fait appel à je ne sais quel médium ?

- Pourquoi dites-vous ça ?

- Superstitieux vous avez besoin de connaître ce qui vous attend. Votre question m’indique que j’ai raison, vous l’avez fait.

- Et alors ?

- Alors cela s’est mal passé, non ?

- Si !

- Pour le médium. Avait-il un pendule, la mission de retrouver mon père, de passer au travers des protections de la maison ? Savait-il quelle mission suicide vous lui confiez ? Non ! Vous avez fait appel au meilleur mais sans lui dire la nature exacte de son travail, vous l’avez trompé en le mettant sur une fausse piste et il l’a prise avant de tomber sur la bonne.

- Vous êtes un excellent policier, on dirait que vous étiez là.

- J’y suis.

- Vous êtes médium ?

- À l’occasion, une faculté pratique, épuisante, mais limitée.

- Par elle ou par vous ?

- Je ne m’étais pas posé la question avant il y a peu.

- Maintenant vous voyez les choses autrement ?

- Oui, chaque pas amène à voir le monde autour de soi sous un autre jour. La lumière change, la forme et la nature des ombres également. Je l’imagine, il a cherché la route désignée, il s’est rapproché, il a eu peur, je le sens, ne voulut pas le montrer, se croit plus fort qu’il n’est. Le retour dès lors était impossible.

- Et ?

- Il se tord sous la douleur, son esprit est aspiré, je le vois se prendre la tête entre les mains, ses pensées lui échappent, elles sont avalées puis remplacées, le système des vases communicants, souffrances n’est pas le mot, c’est le quatrième degré, ou plus, l’effroi absolu, il se lève, se jette sur ceux qui sont là, un dernier réflexe de lucidité.

- De lucidité ?

- Bien sûr, il veut que voue le tuiez.

- C’était…

- Donc ça ?

- Oui, bravo.

- Merci ! Vous aviez cru qu’il devenait fou ?

- Oui.

- Il préférait mourir que de l’être, et il a eu raison.

- À ce point ?

- Et plus encore, bien plus.

- Vous parlez en expert de la folie.

- Oui…

- Il faut l’avoir vécu pour savoir ce que c’est.

- Ce fut le cas. Parfois la mort est l’unique échappatoire.

- Question de courage.

- Tout le monde l’aurait dans ces condition, l’évidence s’impose par dessus la culture, la civilisation. Vous avez essayé plusieurs fois ?

- Je ne suis pas au courant de tout.

- Ce qui veut dire oui,. Bien sûr, même si vous n’y étiez pas, ce genre de nouvelle circule dans les services plus vite si c’est interdit. Cela soulage de parler, de se confier, de partager son fardeau.

- Possible.

- Certain donc il y en eut d’autres… Il ne m’étonnerait pas qu’il s’en trouve un au fond d’un asile, hurlant sans pouvoir se taire, un endroit reculé, loin des autres, il pourrait y être seul, sortir, se promener jusqu’à un jardin privé, il disposerait d’un clavier, d’un micro, il… Mais tout cela n’a pas de sens, c’est une histoire que j’ai lu il y a des années.

- Vous vous en souvenez.

- Elle m’aura marqué plus que je ne l’aurais cru.

- Dans un asile ?

- Oui ! Un fou, ou supposé tel, évoquait sa démence, quand elle s’éloignait il avait le droit de se soulager, par écrit, il ne pouvait s’exprimer que seul, la folie lui laissant de l’espace pour se vider avant qu’elle ne le remplisse à nouveau. Maintenant je comprends mieux ce texte.


 

Comprendre mieux… Oui, bien sûr que oui, toutes ces années pour en arriver là, à lutter contre une folie… Mais… Se vider n’est-ce pas revivre le passé, le sentir revenir, violent, puissant, terrifiant  ?

L’espoir ?

Un piège ! Un mot qui n’a plus de sens ni de valeur, un mot qui ne fait qu’endurer davantage pour un gain bien improbable.

Impossible pour autant ?

Ce serait si… Non ! Savoir ne serait pas motivant, tranquillisant. Et puis, pourquoi être tranquillisé, rassuré, endormi ?

Pourquoi ? Pour rien, pour oublier, effacer, l’Ombre des murs prends un nouveau sens, et tant d’autres textes également, l’ensemble se met en place et c’est plus, et c’est mieux que de la magie, c’est…

Qui pourrait définir cela ?

Qui ?

Ce qui vient sera pire, la folie a laissé derrière elle un désert apparent, gorgé de rêves, d’espoirs, nourri de souffrances, de haine et de terreurs il attend de revivre, attendent d’y pousser…

Savoir par avance ?

Non, pas possible, imaginer serait gaspiller un temps pourtant pas si précieux encore qu’il n’en reste pas beaucoup.

Pas beaucoup ?

Espoir ?

Crainte ?

Ce n’est pas différent !

Une maison, en elle, au fond, sous elle, profond jusqu’à l’infini, un chemin venu de toujours, s’arrêtant au présent mais sans limite que celles de qui l’emprunte. Faut-il l’oser, choix difficile, reste la satisfaction, après coup, de se dire que l’on a voulu, choisi, c’est un mensonge auquel croit qui ne sait que s’agiter, hamster courant dans sa roue sans se déplacer.

Jolie comparaison ! Un monde de hamster, un bruit de roues pour se remplir la tête, et les petites pattes qui courent, courent…

Vers nulle part !

Une maison, des murs, une ombre mouvante, gluante de souvenirs, de désirs, fermer les yeux, accepter le désert, laisser la vie sourdre de soi, couler en lui, y renaître en mots, y prospérer en page, accepter que cet édifice sur le vide soit d’éternité, bâti par du papier, indestructible.

Vide à surmonter, fossé à traverser,, mais l’espoir est un traître, compagnon qui cherche une complice : La compréhension !

Illusion !

Ce texte, et les autres…

Rêve est le titre parfait !


 

- Vous avez voulu écrire commissaire ?

- Oui, j’ai pas mal de textes dans des tiroirs.

- Intéressants ?

- Personnels, hermétiques, comme un germe attendant d’être planté dans une terre fertile.

- Vous le ferez !

- Ça, l’avenir le dira. Ce qui nous attend…

- Vous avez peur commissaire ?

- Peur n’est pas le mot.

Survivre est la pire terreur qui soit ! Voir s’ouvrir les portes de l’Enfer et savoir qu’il ne sera pas possible de s’y perdre, quelque épreuve que ce soit la mort n’apportera pas le soulagement espéré.

- Angoisse alors ?

- Une forme de trac. Nous n’allons pas tarder à arriver, le voyage aura été court sur des chemins rarement utilisés, mon père utilisa la voie aérienne pour apporter les matériaux nécessaire à l’édification de sa demeure.

- C’est pour ça qu’elle a coûté si cher ?

- Pour le calme certains paient cher.

- À ce point… Vous avez une excellente mémoire.

- Cela vous étonne ?

- Non, je connais vos capacités.

- Mais pas ma contenance !

- Non, ça non.

Peur de survivre ?

Est-ce sincère de l’affirmer. Dois-je accepter cette envie ?

En vie… Cela paraît si bizarre, ces mots sur le papier.

Maux sur le réel, effacés par l’imagination. Explication sommaire. L’ailleurs est joli, un monde en soi, être une porte aux fondations reposant sur l’infini, lever les yeux, contempler l’éternité sans crainte.

Trac ? Envie ! Avoir mal au ventre de faim, se nourrir d’irréel sans en être rassasié, bienfaisante malédiction.

- Une montée, ces véhicules modernes peuvent aller n’importe où. Encore que le hasard soit absent du choix de cet endroit et de la disposition de la maison afin qu’elle semble surgir et bondir sur les visiteurs.

Un coup d’accélérateur, le plat, quelques mètres.

Tous sont conscient de la satisfaction de la maison.

Le commissaire s’arrête tant la voix qu’il entend le stupéfie.

Une présence, un animal tapie dans le soleil, forme trapue comme aux aguets, attendant l’imprudent qui se laissera prendre.

Cette voix… Celle de son père ? Un rire remontant du passé, et si…

Non, bien sûr, qui résisterait ? Aucun être… humain ! Son père méritait-il ce qualificatif, pour autant que ce titre fut méritoire ? Non, pour avoir trop écouté les pensées archaïques qui dévorèrent l’humanité qu’il recelait. Quelle aurait due être son apparence si son corps avait révélé son esprit ?

L’atroce ne sait-il pas se faire beau, souriant, séducteur ? Il ouvre les bras et promet, invite pour soumettre. L’esprit, se sent accepté et endure. La douleur lui convient, c’est tout ce qu’il connût jamais !


 

Et l’échec, le rejet, seul, ne plus oser comprendre, ne plus vouloir bouger, hurler en se désespérant de ne pouvoir agir, de ne pouvoir transformer une pensée en acte, ce serait si agréable, saisir la hache, tuer, non pour détruire l’autre, mais soi. Dans le tueur se terre le désir de s’autodétruire avec l’évidence de l’incapacité d’y parvenir.

Vraiment ?

Oh combien ! j’aurais voulu me nourrir de sang, de mort, voulu…

Trop tard et le chant du sang n’est plus audible, ses échos s’amenuisent, perdent leur haine, laissent une cicatrice purulente.

Un bel encrier !


 

Les quatre hommes regardent la maison, un autre cadre ne changerait pas l’impression qu’elle dégage, sa personnalité, malveillante, nocive, insatiable. L’amie ultime, avide de se nourrir d'émotions simplistes, les plus fondamentales, une créature insatiable.

Soupirs en communs, en réponse, la tension s’accroît, naturellement un sens oublié se dégage de la cangue des habitudes culturelles. Être ailleurs génère le désir d’en savoir davantage, en soi s’affrontent la peur et la curiosité. Ainsi la vie veut-elle avancer mais en prenant ses précautions autant que possible, mais pas trop !

- Pourtant ce n’est qu’une maison.

Personne ne répondit à ces paroles rassurantes.

- Une description manque du principal. Elle me fait penser à un prédateur certain que sa proie s'approche. C’est plus que le mal commissaire, loin de sa définition anthropique trop étroite.

- Une opinion sensée, pour un peu je dirais que vous faites des progrès. Après tout tuer est dans la nature depuis que l’animal existe, le végétal aussi peut-être, quand au minéral…

- Vous êtes contagieux. Je voudrais dépasser les définitions bornant nos existences, les facilitant certes mais les limitant. J’aimerais… Vivement que tout cela soit terminé, que je retrouve ma routine salvatrice, vous me donnez l’illusion de pouvoir briser mon cadre habituel mais si je peux y penser je serais incapable de le réaliser, et de le supporter. Je suis tiraillé entre l’envie d’entrer dans cette maison et celle de quitter ce véhicule pour courir vite et loin, poussé par l’instinct de conservation.

- Êtes-vous certain que ce soit le bon ? La proie n’est-elle pas tentée de se jeter dans la gueule béante pour y trouver un refuge ? Vous me direz que c’est ce que le croyant fait dans son lieu de culte…

- Non, je ne vous le dirais pas commissaire.

- C’était un test, vous le penserez, plus tard…

- Vous sous estimez le poids de la routine et l’influence de la bêtise ambiante. Mais nous ne sommes pas dans un salon, mes gênes français se laissent aller ! Les mots aident à structurer les pensées pour éviter qu’elles ne deviennent obsédantes. Le danger est là, je le sens et j’ai envie d’approcher cette maison, d’entrer en elle. Délire, mon esprit joue seul, pris dans une logique manipulée par les circonstances et se prête à ce qui relève autant du rêve que de l’imaginaire infantile, vous savez, cette crainte irrationnelle devant une porte de placard entrouverte. Il y a un monstre dedans, c’est sûr. Papa vient, il dit que c’est faux, que ce n’est pas raisonnable. Je le sais, nous le savons. La voix de la raison n’endort pas la curiosité. Papa ferme la porte, tourne la clé, l’enlève et la met dans sa poche, il croit bien faire et a oublié son enfance. À regarder cela d’un œil clinique on ne voit qu’infantilisme, et cependant c’est une fonction naturelle de l’esprit de s’interroger, de refuser la satisfaction superficielle d’explication plausibles mais pas assez puissantes pour être efficaces.

 

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