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19 octobre 2009 1 19 /10 /octobre /2009 06:23
L'Âme de l'Enfer - 09 
 

                                                 10

La mort.

- Je ne te fais pas peur ?

Non ! Parce que…

- Parce que quoi ? Dis-le, tu le peux, tu le veux, tu en meurs d’envie, si je peux employer une telle expression.

Parce que je te connais bien.

- Raison apparente ! Qu’est-ce qui fit que tu me connais si bien ?

Connue, vue, c’est vrai mais insuffisant.

- Continue, oser, cherche en toi, affronte cette vérité qui te fait peur.

Facile à dire.

- Et à faire.

Ce n’est pas toi qui m’aiderait.

- Pourquoi suis-je là à ton avis, pour passer le temps ?

- Je t’ai appelé, tu fais partie de moi même si je crains d’affronter quelque chose d’intérieur et d’incroyablement violent.

- Ose, tu le peux, je suis là. Tu m’a donné un joli visage. Je ne suis pas le squelette habituel, j’ai le corps d’une enfant morte, un regard vide, un corps dévoré par les vers. Tu les aimas jusqu’à croire qu’ils t’appartenaient, que ton corps n’était qu’une outre gorgée d’annélides blancs, translucides et immondes. Je sais tout cela. Veux-tu m’embrasser, que nos lèvres se touchent ? Vois, je n’en ai plus, mes dents sont à nu, ma langue a disparue, ma bouche est un logement pour des insectes nécrophages que chaque parole fait chuter vers un sol, qu’ils ne peuvent atteindre. Je ne suis une réalité violente qui ne t’effraie pas. N’importe qui serait terrorisé de me voir, toi, non. As-tu fais un si long chemin que tu ne ressentes plus rien, que tu sois vide, non pour te remplir de vers mais te gorger de vents. Tu sais ce que cela veut dire et penses que je suis cela pour me moquer de ta détresse alors que tu tremblerais dans un coin d’asile psychiatrique.

Ce n’est pas cela, je ne suis pas fou et n’ai pas peur de toi alors que de te voir belle me fit gémir d’angoisse des années, l’apparence important peu, je lui donnais ton visage. Tu n’es pas la folie, petite adversaire mise en textes, jadis. Elle aurait pu emporter mon esprit, laisser une coquille vide portée par un flot intangible. Ne deviens pas fou qui veut, surtout pas moi, je suis lucide, ou presque… ou plus…

- Presque ! Un petit mot, une grande différence, tu sais qui je suis mais pourquoi cette image, quelle est ma fonction ?

La mort.

- C’est bien, encore.

Ma mort.

- C’est mieux, flou, précise.

Ma mort à venir.

- Non !

Une mort connue ?

- Tu as changé de mot.

De mot ? J’ai dit une… Alors ce serait…

- C’est difficile je sais mais n’y peux rien.

Ma mort, ma…

- Oui ?

Non, je ne peux dire cela, l’image de la vie n’a pas sa place ici.

- Elle te permit d’être là, il t'en reste tant à découvrir.

Un homme doit assumer ce qu’il est. Je sais ce que je suis… Mort ? Et l’amour est encore présent dans ce qui n’est donc pas son contraire.

- C’est bien d’avoir compris, je craignais que cela n’arrive jamais, je n’ai de personnalité, de présence, que celles que tu me confies, je suis une représentation de toi, rien de plus.

C’est difficile, j’attendais un autre sourire. Quand j’ai sentis ta main à nouveau sur mon bras j’ai cru que tout recommençait. J’ai espéré… Un peu de vie suffit pour te rendre ton vrai visage. Autrefois ce fut différent mais tu es l'image de la mort en moi, ce que j’ai vécu de plus épouvantable, normal que cela se voit sur toi, que ton visage et ton aspect soit ceux d’un cadavre, à croire que je n’ai rien d’autre en moi. J’ai trop de charognes en moi pour accepter un aspect différent, j’ai besoin de t’accepter si je veux découvrir pourquoi je suis là, car je ne devrais pas, je le sens, chacune de mes pensées le souligne, en écho, en ombre. L’impossible s’offre et je ne peux l’éviter. J’ai affronté la situation par laquelle mon décès est arrivé, sans frayeur, je savais ce que j’allais faire, je pouvais anticiper ce qui m’attendais, sans me l’expliquer mais en conservant lucidité et responsabilité. Je ne peux te tendre la main, je ne peux attendre de toi plus que des indications, nécessaires mais insuffisantes, les mots sont là, clairs… Ma mort.

- Étrange de parler ainsi ?

Oui, mort je parle à l'incarnation de cette mort, impossible, je sais ce qui m’arriva, ce que je vécus, cette folie dans la réalité, puissance prête à s’imposer. J'ai obéi, elle attendait, moi aussi. Un duel ! Qu’importe le risque, renverser l’impossible, le faire mien, le dresser à ronronner sous mes caresses, à me regarder comme on regarde son maître. Forfanterie ? Pourquoi pas, ma situation est si étrange que je suis prêt à tout pour l’affronter, à croire en ce que je suis, en ce que je ne suis pas, mais voudrais ou devrais être, recul interdit.

- C’est ce que tu fais pourtant.

Je fais ? La ville folle de violence déchaînée, de pillage, et mon comportement d’offrande, l’horreur volée ne suffisait plus, la clé dans sa serrure attend d’être tournée. Je suis cette clé, si j’échoue la porte s’ouvrira, le monde changera…

- Que désires-tu ? En cédant tu retrouverais la vie, en agissant pour que la clé referme la porte tu mourrais.

Voilà !

- Te dire quoi faire n’est pas mon rôle et ça n’est pas en mon pouvoir. je suis l’image que tu voulais revoir. Ta peur te fis espérer un retour à ce passé d’émotions déstabilisantes, heureusement perturbantes, à l’époque, une violence qui te fit souffrir mais avancer. Rejouer la même scène se fut retourné contre toi, désormais il importe que tu agisses selon ta conscience, un joli mot pour qui l’accepte, personne ne choisira pour toi, ni moi, ni l’amour en lequel tu crois encore. Elle n’a pas sa place ici, j’imagine le choc si elle avait été là à ma place.

Cela eut été signe de folie, de mélange de dimensions trop différentes pour les contraindre à coexister, il ne pouvait y avoir de rencontre ici qu’avec toi. Elle… Ailleurs, plus tard. L’amour m’est interdit, je ne peux que tout perdre. Rôle étrange au goût de malédiction, comme si j’avais à payer un acte commis avant moi sous prétexte des liens du sang. Je n’ai pas envie d’accepter cela, ni de me contenter de le dire ainsi mais plutôt de tout envoyer promener, de hurler, à la face de je ne sais qui ou quoi, mon refus, l’impossible ne m'effraie pas. Ni la mort ni la folie ne m’ont repoussé, qui a ce pouvoir ?

Je sais, tu ne peux répondre, déjà tu t’éloignes, me reste à aller plus loin en me remplissant d’une atroce réalité, si ce mot a un sens ?

Un seul.

Je suis entouré d'ombres, d'échos, de possibles à intégrer.

L'impensable est mon lot. J’aime !

                                        * * *

Les regards se noient dans une rage envahissant jusqu’à la plus petite ombre.

Brisé en plusieurs époques sa réalité est floue. Croire suffit-il à donner à une impression la force suffisante pour vaincre ? Pourquoi rester ainsi clivé, comme s’il relevait de sa responsabilité de choisir d’affronter les temps à venir en toute lucidité ? L'ignorance aide un moment, se débarrasser de sa laisse impose l’autonomie de décision. Il ne sait plus et tout se brouille.

Peut-elle choisir, alors qu’il la devine les yeux noyés dans le spectacle d’un charnier sur lequel survit, ravalé au niveau de son esprit, ce qui fut ou parut humain. Qui, méritant ce qualificatif, aurait-il cédé à ses instincts pour survivre si peu. Ce mot est un vêtement qu’un regard lucide transperce pour découvrir la réalité d’un visage marqué par la bestialité. Le sien ! Celui du temps qui le vit naître. Étrange qu’il le retrouve ainsi, mais logique, ses défenses s’abaissent, il se croit loin alors revient l’évidence de sa nature.

Tout est là, dans une implacable clarté. Les ombres sont mortes, le silence rugit dans son esprit, un long cri venant de l’univers.

Il revoit sa civilisation, elle aussi se croyait au-dessus des autres, de son temps. De piètres esclaves donnent un pitoyable maître. Images presque effacées, recouvertes d'oubli. empire puisant en des peuples asservis sa subsistance sans avoir rien à faire. Celui qu’il fut ne put s’acclimater à cette situation, il voulait évoluer, voyager, décrypter les mystères qu’il devinait sans pouvoir les atteindre. Explication aisée maintenant, alors il ne comprenait rien de ce qui le poussait, ne vit pas le piège s’ouvrir devant lui, piège fait pour capturer le meilleur, face à un nouveau prédateur conçu non pour éliminer les plus faibles mais pour utiliser le plus fort dans un but qu’il entrevoit.

Violent et négatif, refusant de s’adapter à une société pouvant tout lui apporter en échange d’une totale servilité. Peu refusaient ! Il voulut s’adapter mais ne put supporter une prison trop étroite. D’autres désirs le hantaient loin des pensées enseignées pour borner un monde qu’il sentait trop grand pour se satisfaire de si peu.

Jugé, condamné, à plusieurs reprises, jamais il ne s’amenda, son cas fut jugé insoluble, restait l’ultime peine, une façon d’éliminer sans tuer, de mettre chacun face à l'inéluctable semblant n’être imposée que par la vie. Hypocrisie d’un monde se voulant au-dessus de ce comportement. Sur le moment le doute l'envahit, peur brève avant l’excitation. Il revoit le chemin menant hors de cette ville se croyant cœur du monde, la forêt d’arbres immenses, obscure et silencieuse, puis le désert immense. Un véhicule l’emporte sans qu'il pense à s’évader ! Il feuillette son passé, sachant ses souvenirs altérés. Un tel laps de temps déforme, qu'importe le vrai. Le désir de s’affronter est un plaisir avec un zeste de lucidité. Il a payé cher le pouvoir auquel il s’ouvrit pour survivre comme si la main du destin l'avait mené jusque-là. Il voulait scruter les mystères les plus profonds, les visions les plus atroces. Les secondes abondèrent, les premiers s'approchent.

Quittant son véhicule il découvrit une forteresse immense, sculptée plutôt que construite. D’anciens contes lui revinrent, enfant on évoquait ce château découvert lors d’une mythique expédition au travers d’une mer de sable semblant conduire au bord du monde. En ce temps on le croyait plat, bordé d’une frontière d’avertissement faite d’un paysage nu, le néant attendait celui qui s’avancerait trop loin, non comme une frontière visible de loin et autorisant le retour en arrière, mais comme une barrière apparaissant la limite dépassée. Trop tard pour reculer, qui l'aurait osé se serait perdu en sentant une vie introuvable. Nul, jamais, dirent les conteurs, ne l’avait tenté, une légende l'évoquait sans rien expliquer, puis se forma l’expédition fantastique, quelques chevaliers un peu fous, déçus de leur époque, prêt à tout risquer pour gagner une improbable grandeur.

Ils partirent donc. Raconter le voyage serait fastidieux, rien n’arriva réellement, les esprits seuls furent soumis à une formidable pression. Ainsi naissent les diamants, le carbone souffre, se débarrasse de ses impuretés et laisse place à un diamant d’une eau sans égale. Les chevaliers qui parcoururent le désert connurent cela. Un seul revint qui put expliquer ce qui s’était passé. Ses compagnons avaient cédés, l’un après l’autre, comme s’ils s’étaient offert à un cerbère prélevant son tribut à mesure de leur avancée. Maintenant il voit le piège. Une patience sans nom attendant la première opportunité.

Les explorateurs refusèrent ce qu’ils découvrirent, une construction en ce lieu n’avait pas de sens, nul n’avait jamais traversé ce désert, les prêtres le soutenaient, le temps ne permettait pas de penser qu’avant leur monde il y ait eu place pour un autre afin qu’un tel monument fusse érigé, et pourtant il était là. Peut-être, dit-on, s’agissait-il d’une race inconnue vivant dans le désert.

Ils contemplèrent la construction prodigieuse mais leur terreur crût quand ils virent qu’elle n’était pas faite d’éléments apportés, d’où seraient-ils venus ? Non, la montagne avait été creusée. Un travail demandant une patience infernale, un temps immense, un projet hors de leur compréhension. Le ressentir était à la limite du supportable. Le plus étrange, fut, peut-être, de la découvrir au-delà d’un gouffre sur lequel ils se penchèrent sans en apercevoir le fond, il plongeait au cœur du monde, peut-être le transperçait-il. Mais non, sur quoi la montage eut-elle reposée ? Leur peur fut indicible. Seul qui vit ce gouffre et découvrit cette forteresse peut apprécier ce qu’elle est, car elle existe encore, quelque part. Les mots définissent, normal qu’il use de tous les artifices pour repousser le moment où l’image sera si précise qu’il ne pourra éviter de se découvrir en hurlant de peur.

Les chevaliers s’interrogèrent : Traverser ? Continuer ou reculer ? Cette découverte justifiait un retour triomphal, le chemin serait facile dans l’autre sens une fois admis que cet endroit était la frontière au-delà de laquelle s’ouvrait le néant. Cet endroit était un phare, avertissant, par un moyen formidable, qu'aller plus loin serait folie. Ils s’éloignèrent pour voir l’ensemble et ne découvrirent qu’un silence sans nom et une ancienneté qui les prit à la gorge.

De l’autre côté une double colonne semblait indiquait un pont. Aucun n’osa se placer en face. Ils hésitèrent, le plus incroyable s’était déjà produit, une espèce de sort pourrait-il agir, indifférent au temps, sentinelle placée là pour… L’interrogation est source de terreurs. Ils ne tenaient pas à aller plus loin, pour eux la limite du monde était atteinte, ce poste frontière le leur montrait. Ils se contentèrent de dessins, de reproductions aussi fidèles que possible avant de rentrer. Hésitations, comme un regard pesant sur leurs âmes. Nul n’avait répondu à leurs appels, aucun aventurier ne le regrettait.

Ils rentrèrent aussi rapidement que possible, et moururent l’un après l’autre. Fatigue, besoin de s’arrêter, de fermer les yeux. Après le premier il était évident que ces signes étaient ceux d'une mort inévitable. L'important étant qu'au moins un regagne le point de départ. La foule inquiète aurait préférée que nul ne revienne plutôt qu’un seul. Était-il celui qui était parti ou le néant ayant trouvé ce moyen de s’imposer dans le monde des vivants ?

Un piège dans lequel la curiosité ferait tomber la proie.

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Bienvenue sur ce blog ! Vous y découvrirez mes goûts, et dégoûts parfois, dans un désordre qui me ressemble ; y partagerez mon état d'esprit au fil de son évolution, parfois noir, parfois seulement gris (c'est le moins pire que je puisse faire !) et si vous revenez c'est que vous avez trouvé ici quelque chose qui vous convenait et désirez en explorant mon domaine faire mieux connaissance avec les facettes les moins souriantes de votre personnalité.

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