Les humains cherchent depuis toujours à se positionner dans l'infini.
L'infini, c'est tout ou rien, voilà tout !
Ils ont voulu concrétiser l'angoissant concept d'éternité en imaginant la notion de temps, laquelle, sans début ni fin, nous parait inconcevable.
Quelle heure est-il donc ?
A quoi bon "demander" l'heure, puisqu'au moment même où l'on vous répond, ça n'est déjà plus l'heure ! Évidemment, il se passe encore plus de temps lorsque vous êtes en droit de rétorquer :
- Au moment où vous me l'avez demandé, il était… heure !
Peut-être vaudrait-il mieux que vous formuliez votre requête de la manière suivante :
- Quelle heure sera-t-il quand vous me la donnerez (mais faites vite !) ou tout simplement quel leurre est-il ? …
C'est ainsi que des gens très futés, ayant compris notre incapacité à vivre dans le présent, font payer bien cher leur anticipation sur l'avenir. Ils se disent "voyants" !
Dès l'enfance, on nous apprend à décomposer le temps :
- J'ai eu tout le temps, si j'avais eu le temps, j'aurai toujours le temps, encore eût-il fallu que j'eusse le temps, quand bien-même j'aurais eu le temps…
Sans cesse à la recherche d'une définition, on a donné au temps d'incroyables épithètes et synonymes.
Il fallait bien que cette éternité fût matérialisée par une chronologie…
Sans jamais parvenir à connaître ce qu'il y eut avant, on a déterminé des âges.
- Quel âge a Pierre ?
- L'âge de pierre… ?
- Mais non, Pierre, avec un grand P ! (consonance trompeuse !!!)
- L'âge de raison…
- Et son père ,
- L'âge de déraison…
- Et son grand 'père ?
- Il n'a plus d'âge.
On a voulu « classifier » des « ères » :
Primaires, tertiaires, quaternaires. Mais qu'y eut-il avant l'ère primaire ? Ha , ha !!!
De quoi avons-nous l'air ?
- Avez-vous vu le temps qu'il fait ?
- Vous en avez mis du temps !
- Quel temps de chien ! (pauvre bête !)
Par "gros temps", il arrive que le temps pète ! Ça doit être ça, l'air du temps !
Et, me « bottant », je m'esclaffe :
- Quel « beau temps » !
En musique, il est pluriel : on compte les temps.
- J'ai trouvé le temps long.
- Vous l'avez bien cherché !
Eh oui, le temps ne parait long que dans l'attente ou l'ennui.
Le temps-dresse son implacable horloge : tant d'heures ! Qui donc fera le temps… plier !
Qui inventa montres et pendules, maudits instruments de démesure nous informant qu'il est grand temps, qu'on n'a plus le
temps, qu'il serait encore temps, mais pour combien de temps ? le temps-dû…
Je me rappelle ma petite enfance où un satané réveil au tic-tac insupportable retardait mon
sommeil. Sans oublier la grande horloge de ma grand-mère, instrument agaçant qui martelait les heures avec son carillon du plus mauvais goût : "sol-si-la-ré, sol-la-si-sol…si-sol-la-ré,
ré-la-si-sol : bing, bing, bing, bing" (Ah Westminster !!!)… Que dire de son rival le "coucou", grotesque illusion de Forêt Noire ?…
Voilà comment on entre dans la vie, bombardé par le rythme lancinant du temps !
J'allais oublier l'horloge "parlante". Référence entre toutes, elle prétend vous donner "l'heure exacte", comme s'il y avait des heures fausses !
- Au troisième top, il sera exactement : pan, pan, pan !
Comme il est périlleux de régler sa montre, pile au bon moment ! le temps passe si vite !
Les courses incessantes contre la montre nous stressent : le temps tend !
"Avec le temps, tout s'en va" disait Léo Ferré.
Lorsqu'il m'arrive encore d'examiner mon portrait dans un miroir, je m'esclaffe :
- Tu vois vers quoi le temps t'accule ! Et pourtant, au "bon vieux temps", lorsque j'étais "jeune", on a prétendu que je fus "tentant"…
De nos jours, on essaie de gommer les rides sans pour autant parvenir à effacer le temps.
Eh oui, le temps tale ! (méfiez-vous, Mesdames : le temps perd amants !) . Il est donc indécent de leur demander "comment talez-vous ? "… A moins d’user de chirurgies soi-disant esthétiques, et encore ! Notons à ce sujet l’anecdote de ce plasticien, pour une fois honnête, qui refusa catégoriquement de procéder, pour la dixième fois, à un lifting sur l’une de ses patientes récidiviste :
- Mais, docteur, je vous donnerai un million d’euros s’il le faut !
- Non, Madame, car cette fois vous aurez une barbe… et vous saignerez du nez tous les mois !!!!!!!
On peut répondre naïvement et sans prendre garde à la très fréquente question (dont on n’a rien à f… en général) : « comment allez-vous » ? :
- Oh, tout doucement, le temps passe tellement vite ! Voire :
- J'irai droit au but, je vais complètement de travers !
Jacques APPAR