David Fincher – 2017 – 10 épisodes – NETFLIX
En 1977 la psychologie criminelle est encore embryonnaire et le profilage une théorie que beaucoup prennent pour une fumisterie au sein du FBI où les techniques anciennes ont fait leurs preuves. Et surtout celles de leurs limites ! Holden Ford est agent spécial du FBI, après une prise d'otage qui vit le coupable se suicider il est muté à Quantico afin d'y donner des cours de négociations. Officiellement c'est une promotion, pour lui c'est une punition, une mise à l'écart dans un poste peu intéressant qui confirme son impression que le FBI est prisonnier d'anciennes habitudes, de traditions impossible à remettre en cause. Lui est jeune et se pense plus en phase avec le monde tel qu'il est.
À quantico il rencontre Bill Tench, celui-ci dirige une unité de recherche psychologique. Ensemble ils décident de faire le tour du pays pour interviewer les tueurs multirécidivistes les plus redoutables encore emprisonnés, qu'ils soient en attente de leur exécution ou simplement condamnés à la perpétuité.
C'est donc à la naissance du profilage, aux techniques d'analyse du comportement, que cette série nous invite comme à la création d'un terme nouveau : le serial killer. Appellation mise un peu à toutes les sauces depuis.
David Fincher, le créateur de la série avait déjà réalisé un film sur le sujet : Zodiac. Le format cinématographique trop réduit ne lui permettait pas d'exploiter le sujet, celui d'une série offre cet avantage.
Le but des agents est de tirer profits de leurs rencontres pour dessiner des portraits généraux utilisables dans d'autres enquêtes et facilitant la résolution de celles-ci.
Aller à la rencontre des pires criminels du pays c'est entrer dans une zone obscure où chacun peut se retrouver sans l'avoir voulu. Ainsi de ces serial killers dont tous eurent à subir des traumatismes plus ou moins violents. La question étant de savoir pourquoi celui-ci réagit en se tournant vers le mal alors qu'un autre ne le fera pas...
Qui peut affirmer ne pas avoir d'obscurité en lui comme consubstantielle à la nature humaine, mais plus au premier de ces termes qu'au second dont il n'est pas sûr qu'il ne relève pas d'une mythification.
La série est à la limite du documentaire, suivant la réalité sans rajouter d'effet, montrant tels qu'ils sont les uns et les autres, ne cachant rien des horreurs commises mais les présentant comme des faits dont une leçon est à tirer. Le binôme policier fonctionne parfaitement, entre le jeune, Holden Ford, qui veut aller plus loin, prendre le risque d'aller trop loin en s'impliquant plus qu'il ne faudrait, pensant que pour comprendre il faut s'approcher de son sujet. Comme l'écrivit Nietzsche : Qui regarde l'abîme, l'abîme le regarde ! Alors que Bill Tench, plus âgé, essaie de garder une distance minimale. Le tout dessinant une société en pleine mutation, où la violence cherche de plus en plus à se libérer et ce dans n'importe quel milieu.
Ford et Tench ne se contentent pas de leurs questionnaires, ils sont parfois confrontés à des cas réels, tous les tueurs ne sont pas en prisons, et essaient d'aider les enquêteurs en traçant le portrait probable, sinon logique, du criminel.
Non seulement les tueurs sont analysés mais aussi les policiers, quelles motivations faut-il pour s'enfoncer dans les ténèbres ? Leur est-il possible de rester objectifs, de ne pas influencer leurs résultats avec les idées préconçues qu'ils pourraient avoir ? Personne n'est à l'abri de l'analyse et les comportements trahissent toujours plus de soi qu'on le voudrait.
Difficile de résister à la fascination de cette série, de ces confrontations entre le bien et le mal, jusqu'à se demander si l'un et l'autre sont séparables. La violence est toujours là, et de plus en plus, et regarder cette série c'est aussi se demander ce qu'elle évoque en nous.
Quand à se répondre, ça... En êtes vous capables ?
Comment lutter contre les fous si on ne sait pas comment les fous fonctionnent ?