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25 mai 2014 7 25 /05 /mai /2014 07:17

L’abbaye de Saint-Jean-la-Rivière est sur le point de fermer pour cause de faillite, une catastrophe pour ses pensionnaires, des vieux comédiens sans ressource. Raphaël Saint-Clair, acteur autrefois adulé et grand séducteur, vient d’arriver, il y retrouve Marny, rival dont il avait jadis séduit la femme, et Cabrissade, artiste de second plan et souffleur pour gagner de quoi vivre. La vie était simple, routinière mais la conjugaison de cette menace et de la venue d'un nouveau résident va apporter un grand bouleversement.

C'est tout le petit monde du spectacle réuni dans un espace réduit, de la plus grande des vedettes, jadis, désormais oubliée, jusqu'au technicien ou figurant. Chacun vit un peu dans le présent mais beaucoup dans le passé, se remémorant ses heures d'une gloire qui semble à la fois plus grande qu'elle ne fut et floue à mesure que la mémoire s'éloigne.

Tant de rancœurs accumulées ne peuvent rester muettes quand le fragile équilibre est rompu par un homme que tous connaissent, détestent mais jalousèrent à un moment ou à un autre. Acteur qui fut flamboyant, doté d'un égo surdéveloppé et peu soucieux des autres, ceux-là même qu'il retrouve. Désormais tenir son rang va être difficile, la scène est étroite et les spectateurs réduits à leur plus simple expression.

À voir après Entrée des artistes dont il n'est pas la suite mais présente ce qui peut arriver à ceux qui furent grands, parfois moins qu'ils le disent, mais ne sont plus qu'eux-mêmes, esprits hantés de souvenirs nébuleux, d'espoirs déçus et d'échos d'applaudissements de plus en plus difficile à réentendre.

Julien Duvivier, avec le scénario de Charles Spaak, s'en donne à cœur joie, mêlant cruauté et gentillesse, pessimisme lucide et sourires pour dépeindre un monde qu'il connaissait bien où l'apparence compte plus que la réalité, la première étant là pour dissimuler la seconde sous une couche de fard de plus en plus épaisse à mesure que passe le temps. Louis Jouvet, Michel Simon et Victor Francen s'affrontent alors qu'ils se ressemblent beaucoup dans le fond. Chacun s'appuie sur les autres pour exister, s'en moque parfois mais en dépend toujours. La vieillesse est un naufrage, mais quand elle refuse de se reconnaître, qu'elle ment aux autres comme à elle-même ce naufrage devient un cauchemar auquel nous assistons avec une jubilation ironique sans voir que ces comédiens, ou ce qui en reste, ne sont pas si différents des autres professions.

Être artiste n'empêche pas d'être amer, pervers et, au final, désespéré.

Un plaisir que d'assister à ces combats de fauves fatigués, aux crocs fragilisés, quand ils sont authentiques ; et aux griffes émoussées d'avoir lacérées trop d'illusions.

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