Serge Brussolo – Denoël – 1982
Georges aurait dû se méfier de ce pigeon qui était venu percuter sa cheville alors qu'il prenait l'air lors d'une réception, oiseau malade présage d'une ombre s'approchant. Il nota sur sa peau une marque lui rappelant cette flétrissure imposée jadis aux condamnés.
Georges est éditeur et le temps ne l’épargna pas. Depuis une semaine il sentait le mal en lui, comme une poche d'angoisse prête à crever. Pour se calmer il s'enferme dans une toilette, lieu idéal pour surprendre une conversation dont il est le héros, avec sa nouvelle épouse, Nicole, et l'ancienne, morte par suicide, Jeanne.
En rêve il voyait les briques de sa maison remplacées par des romans que le vent menaçait de renverser. Son réveil est difficile, il se lève, hésite à descendre, se fait surprendre par Nicole qui l'observe. Ensemble ils descendent à la cuisine, Georges est mal à l'aise, plus encore en regardant le calendrier : Sainte-Jeanne.
Depuis toujours il se sentait méprisé, observé, persécuté, courant le risque d'une infection qui n'attendait qu'une occasion de l'investir.
Ne rentres pas trop tard, nous dînons chez Mathilde ce soir, lui rappela son épouse.
Fleuriste, un bouquet de violettes pour la tombe de Jeanne. Il y croise son frère, Laurent, venu lui affirmer, une fois de plus, qu'il n'était pour rien dans la mort de sa première femme, qu'il ne devrait plus culpabiliser.
Arrivé au siège de sa maison d'édition il ramasse une grande lettre, du genre qu'il reçoit plusieurs fois par jour. Il pensa qu'il devait écrire plusieurs missives de refus, ce qu'il faisait lui-même, de sa main, explicitant la raison de son refus, avec parfois des termes directs et désagréables.
Il s'y attela, soignant les termes sans éviter la cruauté avant que pour se changer les idées il ne repense au manuscrit arrivé. Il ouvre l'enveloppe, en sort un texte sans nom d'auteur, avec seulement un titre, L'Enfant noir, et la mention : Premier chapitre.
Le choc fut si violent qu'il alla vomir dans le cabinet de toilette. Il se vida longuement avant de s'évanouir.
Il se réveilla une heure plus tard, lut la trentaine de pages reçues, retourna vomir.
La suite viendrait forcément !
Il avait perdu la notion du temps. Sa lecture l'avait transporté et ramené des souvenirs oubliés comme si quelqu'un avait été là, l'avait espionné. Pourtant il en était sûr, personne ne savait quelle était la cause du suicide de Jeanne.
Ce n'était pas une raison pour se laisse faire !
Qui écrit, quel lien va-t-il se tisser entre le maître chanteur et sa victime ? Faites confiance à Serge Brussolo pour faire preuve d'une grande perversité.
C'est un compliment.