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28 février 2009 6 28 /02 /février /2009 06:31
Dans l'Ombre des Murs - 14 
 

                                                  15


- Et pourquoi pas, c’est déjà bénéfique.

- A condition d’en tirer parti. Des cordes nous enserrent, en sachant ce qu’elles sont, où elles s’attachent nous pourrions les utiliser.

- Il faut tirer sur la bonne, comme à la foire.

- J’ai tiré, et je continue. Mon œuvre est ce lien, elle aura une chance de me survivre, sinon, tant pis, je ne serais plus là pour le regretter.

- Seul, encore après la mort ?

- Possible, si personne ne vint me voir, ne put me comprendre, si personne ne sut qui j’étais c’était que moi-même je l’ignorai.

- Mais désirez-vous sortir d’ici ?

- Viendra ce qui dois, je n’ai pas lassez confiance en moi pour ne pas imaginer un effondrement possible, définitif cette fois. L’important est que j'ai achevé mon travail. Ici je suis assisté, aidé comme j’en ai besoin. J’utilise les autres mais ceux qui le souhaitent comme mon œuvre m’utilise aussi. Elle me tient debout. Assez grande pour exister par seule elle me laissera et je me mettrai à gatouiller sévèrement. Alors ne luttez pas contre évidence, laissez venir ce qui voudra, et si c’est la mort physique alors dites-vous que pour moi elle est une délivrance. Avoir le temps de taper le FIN en lettres majuscules, me reculer sur ma chaise, arborer un sourire et… Marchons, cela nous occupera au moins l’esprit en même temps que les jambes. Vous me connaissez assez pour me laisser fixer mon rythme, je ne pourrais m’accorder au vôtre, même si vous avez du mal à suivre le mien ! Suis-je intéressant professeur ? Psychautiste ? La folie n'est une prison calmante que vue de l’extérieur. J’ai choisi entre deux mondes, privilégier l’intérieur m’éloigna de l’autre, du vôtre, l’inverse eut été plus catastrophique. Je me sens récepteur, qui sait si je ne suis pas le seul émetteur aussi. Bientôt je serai nu, défenses détruites par l’acide de la lucidité, aurais-je le temps d'apprécier ce que je suis ? Un jeu de questions avec réponses différées. Les autres me firent souffrir professeur, alors j’ai érigé des murs, m’y suis senti à l’abri, l’humour l’agressivité parfois, paraître en cherchant à être malgré tout.

- Vous avez réussi.

- Si vous le dites je veux bien vous croire. Que reste-t-il à dire sans rabâcher ? Le plus important peut-être. Je voudrais montrer mon endurance hors du commun, mais c’est insuffisant. Elle fut amicale, elle ne me sert plus, je dois savoir qui je suis, ce que je veux, ce que je peux. Ces questions me tourmentent mais elles sont positives.

- Que faire des autres ?

- Que les moutons aillent se faire tondre, ils sont immangeables ! Votre grand père se voulait loup, il était tout juste un chien de berger.

- Et vous ?

- Un loup s’étant longtemps cru mouton, un lucide se voulant dément par la difficulté d'admettre ce qu’il vit. La folie n’est pas un chien que l’on siffle et qui répond sagement.

- La lucidité vous effraie davantage.

- Il n’y a qu’un moyen de guérir la folie, c’est de n’être pas fou.

- Je n’avais pas pensé à ça.

- La science n’a pas encore réponse à tout, aucun moyen ne permet de visiter le cerveau en direct pour y lire les pensées. Cela viendra, est-ce plus ardu que conquérir la lune ?

- Non, mais plus dangereux.

- Vous dites cela avec un petit sourire révélateur.

- De mon esprit, qu’en est-il de mon âme.

- Si elle existe elle ne relève pas de mes compétences.

- Âme, joli mot n’est-ce pas. L’œuf dont l’esprit serait la coquille.

- Attention à l’omelette.

- Coque, je préfère ! Apportez les mouillettes professeur, vous partagerez bien mon âme avec moi. Il y en a pour deux.

                                         * *

L’âme ! Qu’elle me tranche la gorge, que mon sang giclant sur les murs les dissolve me permettant de regarder au travers.

Laisser mon corps en pitance aux charognards. La mort comme une porte, l’abîme comme un porche, terrifiant en apparence mais accueillant ensuite. Découvrir un paysage nouveau, sans limite.

La folie est un flux m’entraînant là où sans elle, l’accès est interdit.

Être le premier, oublier l’espèce dont je sortis, hurlement du néant, vomissure ou excrément, masse dont l’exception est l’unique excuse.

Le dément que je suis regarde cela sans comprendre, captant un mot de temps en temps, se voyant le dernier, le premier, l’ultime ! Croire en ces termes ferait se refermer une lourde porte dans mon dos, celle qui attend mon erreur pour rire au long des couloirs, annonçant à tous la prise d’une proie supplémentaire.

Combien de démons sortiraient de ma bouche, courraient autour de moi en se moquant ? Anéanti, je n’aurais qu’à subir l’Enfer que je me serais créé. Créatures autonomes d’êtres oubliées, désir de revanche guettant l’opportunité de s’assouvir. Je vois mon âme dans un wagon de verre, poussée, et le convoi partant pour…

Sauter en marche, courir le long de la voie, regarder partir ceux dont je me désolidarise ainsi.

La main qui tient la mienne est glacée mais douce. Bientôt m’en détacher sera impossible sans que j’y laisse ma peau, ma chair, sans qu’il me faille arracher un bras corrompu. Attendre plus signerait ma fin. S’arracher à la douceur est pénible, redouter l’avenir en sachant qu’il sera meilleur. Cela paraît si simple et l’est si peu.

Mur de verre obscurci par ma nuit intérieure, celle-ci se dissipant je verrai où je me trouve, qui je suis. Je saurais enfin.

Les démons autour de moi s’agitent, tentent de me distraire sans y parvenir, ils sont là depuis mon enfance, je connais leurs tours et leurs grimaces La lumière est le destin m’attendant, mon enfance se dissout dans la compréhension, elle n’en espérait pas plus.

Lucifer m’offre sa lumière, ce secret demandant confiance et sérénité. Sait-il si je dispose de ces qualités ? Les humains déifient l’ombre, s’y croyant heureux d’adorer le rien.

J’ai tant rêvé d’espaces immenses, moi dont la chambre donnait sur une cour étroite et grise, un peu de ciel là haut, le soleil y passait, la lune aussi parfois, rythmant le temps, et moi je patientais.

L’attente touche à sa fin !

Des mots sur du papier, le meilleur moyen de frapper à la porte de l’esprit, d’y être accueilli à pensées ouvertes. Je le serais.

Ce décor est-il le rêve d’une nuit refusant de s’achever, suis-je réel ou est-ce le désir du professeur qui m’anime, lui-même ne pouvant supporter la présence continuelle de son grand-père.

La folie est un cancer psychologique, nécrosant le superflu, une chance de libération pour qui y survit. Le dément paraît le mieux placé pour parler de folie, malheureusement son discours est insensé, ainsi ne peut-elle se dire, dommage car son savoir est celui que le prof recherchait un savoir intransmissible.

Il est évident que je dis cela pour moi, je vais me vanter d’avoir réussi là où les autres échouèrent.


Hordes gluantes, spectres de verres, formes vibrantes de ce monde où j’erre. Je m’embrouille dans les fils d’une toile indestructible. L’araignée tarde, elle a mon visage, elle est ce moi que je refuse, enterré sous tant de mots qu’il eut du mal à revenir. Je ne l’ai pas tué, il est là, proche, distant mon esprit, il est mon âme naissante.

Où sont les infirmiers ? Pris dans mes pensées je ne sais plus ce que je fais, charrié par des émotions à la limite du supportable.

Je clignote, un moment je suis d’une lucidité tranchante, l’instant suivant je m’éteins et ne perçois plus ce qui m’entoure. Ce décor est la couveuse de mon esprit, en dehors rien ne compte, non qu’il l’ignore mais son attention est concentrée sur lui-même. Manger, dormir, il ne lui sert à rien de s’occuper de ces fonctions.

J’aimerais une présence… Une angoisse complice pour m’occuper, pour n'avoir plus à penser. Je n’y croirais plus, la peur est tombée de moi, elle erre, poussière sans puissance, ombre impalpable.

Je brûle d’incapacité, d’un regret inexprimable, quel mot définirait une sensation aussi flou, un terme ne peut préciser l’indicible.

Seul ? Mais je ne le suis pas ! Au-dessus de moi, ombre puissante, présence que je ne percevais pas telle, l’arbre, là depuis des siècles, chargé d’une histoire qu’une vie n’endurerait pas. Lui a compris, des mains caressèrent son écorce. Le temps de me lever, de la frôler, rugueuse mais complice. Des enfants tournèrent autour de lui en riant, ils ne sont plus que des noms oubliés, traces sans signification, je ressens ce qu’il emmagasina, des pensées folles, des images perdues. Il était le confident d’un vieil homme, il l’a entendu murmurer des espoirs que son descendant cherche à décrypter. Lui seul possédait la sagesse et le calme de ne pas succomber. Lui seul, prit dans l’instant, oublie le temps. Ses feuilles frissonnent, je le sens, je ne perçois pas de mot mais son vocabulaire ne m'est pas étranger, ses émotions, sa façon de vivre, comme lui m’entend, me comprend. Ainsi nous nous unissons. Quel savoir le monde végétal possède-t-il que nous ignorons par incapacité mentale à admettre qu’un univers différent du nôtre mais aussi riche puisse exister près de nous.

Assis à la place que ce vieillard occupait, j’entends au loin les échos de rêves que je visualise mal, des murmures que l’âge rendit pénible, des pensées que le temps avait rendu confuses. Mais justement, et il ne pouvait y songer, c’est penser qui est superflu et nuit à l'échange.

Le temps nous réunis, nous mélange et disperse les restes de ses souvenirs. Il n’espérait pas autre chose, seulement trouver la paix. Renoncer est parfois l’unique solution.

Assis, espace de graviers sous mes… Non ! Ce n’est pas ça, je vois ce qu’ils sont, je comprends, le piège, la mort, proche à me toucher, à me tenir, les bras glacés autour de moi sont les siens, par terre ce sont des vers qui grouillent. Je les vois, sur mes pieds, monter, sous mes jambes de pantalon, je les devine mordant ma chair, me dévorant... Vivant ? Je ne suis plus sûr de rien, de ne pas être un corps allongé dans un compartiment de morgue dans lequel la vie resterait autant que possible, défi lancé à la compréhension plus qu’à la mort, utiliser cette dernière pour me libérer de ce carcan organique, et, enfin, être libre et employer ces aptitudes endormies depuis si longtemps.

Ils montent, nettoient mes os, me dépouillent du superflu, comme la démence hantant mon âme la purifie des pensées sans valeur. La folie est l'incendie rongeant ces fagots de pensées sèches placées en nous pour donner forme à un esprit qui sans cela serait plat.

Quelle vision imaginais-je quand ces murs tomberaient ? Celle d’une Terre champ de bataille, couverte de corps, se purgeant d’une forme de vie ayant tenu son rôle et retournant à ses origines. J’aimerais cela, quand à celui qui fut moi… Ce qu’il ferait j’en sais rien, jouer sa partition serait tricher, ce qui passe par moi me dépasse tant que ma seule consolation est d’être là, d’admettre cela et ainsi m’abstraire pour laisser la vie suivre son cours.

Un champ de fleurs, des milliards et plus, multicolores, le vent les fait danser, c’est si beau que mes pauvres phrases ne peuvent rien dire, dès lors inutile d’essayer.

Les vers refluent, je sais que ma mort sera une transformation, je suis proche de savoir où je suis, ce que j’y fais, et ce m’y amena.

Les murs s’effritent, j’ai cru entendre une voix d’enfant, une petite fille, un rire, des pas sur un sol de pierre. J’ai dû rêver mais ce fut si bon que la perfection ne saurait se présenter autrement. Je suis un champ de bataille d’images brûlées, de mots détruits, paysage ravagé par l’embrasement d’une fureur dont je viens de comprendre l’utilité.

Comprendre ? Maintenant je m’en sais capable.

M’approcher du puits? Je l’ai fait, j’ai plongé mon esprit à travers le temps ; j’ai retrouvé le passé et compris ce qu’il signifiait. Le choc fut si violent que j’en fus transformé, je perçois les ondes de pensées complexes et dévorantes circulant en moi. Une explosion libérant une force confinée entre des enceintes d'oubli. Aucune autre comparaison ne pourrait donner image de ce que je ressens, de ce que cela put me faire ; J’aurais pu ne pas m’en remettre et rien ne dit que cela arrive. J’ai fait un long chemin, seul, et quand je fus accompagné ce fut brièvement, pour des moments où une présence suffisait. Je ne pouvais accepter de thérapeutique, moi seul pouvait être de bon secours, moi seul.

Vanité ? Les pièces du puzzle se mettent en place, doucement, et si je peux objectivement me reconnaître un talent c’est bien d’avoir su endurer ces phénomènes, luttant contre eux ils m’auraient détruit.

Alors qu’ils m’ont nourri.

Proie de la folie je me suis retourné et me suis jeté sur elle pour la dévorer, pour m’en repaître, et son goût est fort satisfaisant.

Le poison est le plus délicat des nectars parfois il purifie qui lui survit.

Différent, premier en ces terres qu’un esprit ne sut traverser, il reste du chemin mais j’en ai fait plus de la moitié, le but est proche.

Vous êtes là professeur, si près que je devine votre peur enfantée par mes paroles. J’ai jeté mon hameçon dans le gouffre, en ai ramené la compréhension dont j’avais besoin. Formes horribles qui luttèrent dans mon esprit, m’y mordirent, et finirent par se fondre en un savoir que je peux assimiler avant que le temps ne me digère.

Je vois des barreaux dans ce puits, il est possible d’y descendre. Comme si le chien de garde maintenant me laissait passer.

Le gardien de l’entrée est vaincu, couché à mes pieds, ronronnant de la satisfaction d’avoir enfin un maître.

Univers blanc, mur matelassé ou papier, m’y jeter gratter, hurler par des mots qui s’inscrivent devant moi afin de me revenir.

Univers obscur dans lequel je peux plonger mon regard sans plus passer par le truchement de mon enfance.

Qu’imaginais-je ? Une tour gigantesque, je me souviens de cela, but d’une quête symbolisant le triomphe sur moi.

Univers des couleurs de la souffrance, des lumières de la folie, du sourire de la mort.

Mes complices !

Mourir sur un dernier cri, naître dans un premier soupir.

Ouvrir les yeux.


A toi qui as lu ces lignes de trouver tes murs, ton abri, d’y marcher en réfléchissant, en quête de toi-même.

J’ai écris en mélangeant passé et présent pour indiquer le chemin que je pris, espérant qu’il se continuera.

Veux-tu m’accompagner ? Je passe devant…

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25 février 2009 3 25 /02 /février /2009 07:03
Dans l'Ombre des Murs - 13 
 

                                                 14


- Vous progressez sur le bon chemin. C’est une promesse, pas une menace mais libre à vous de l’interpréter à votre façon.

- Libre ! Je goûte l’ironie de votre propos.

- Tout dépend de la liberté que vous désirez vraiment.

- Laquelle puis-je craindre ? La mort me libérera et si mes molécules servent à autre chose tant mieux. Le néant est la sortie la plus rassurante. A quoi bon continuer un chemin qui conduit à cette fin.

- Ce point de vue ne vous convient pas, il y a en vous une curiosité, une force de vie qui vous effraie tant les deux s’associant vous firent arpenter un chemin dont vous gardez des séquelles.

- Je sortirai d’ici dans un costume en sapin, le crématorium pour destination. Je ferais semblant d’être mort et le vrombissement du feu sera un soulagement. J’espère ouvrir les yeux, pouvoir à la fois comprendre et maîtriser mes hurlements.

- N’avez-vous pas d’autre ambition pour marquer le monde ?

- Le marquer ? Au fer rouge, c’est ce que je peux, par les mots ! Le prendre par surprise et lui ouvrir les yeux sur un possible qu’il refuse.

- Vous avez des idées intéressantes, certes, cela vous demanderait un vrai travail. Couvrir des milliers de pages est facile pour vous, mais vous acharnez sur un concept, le développer, le préciser, voilà un défi qui devrait vous inciter à progresser.

- Comme ici, en tournant en rond.

- Vous jouez sur les mots, signe que vous êtes mal à l’aise, vous avez une défense plus efficace d’ordinaire. Vous savez que j’ai raison.

- Je sais que vous avez votre raison, là encore je joue sur les mots.

- Avoir une meilleure vue est une qualité.

- Je n’ai pas une vue meilleure surtout de près.

- Celle de loin est préférable, elle montre l’avenir.

- L'ignorance vous autorise à dire des bêtises grosses comme vous.

- Dites-moi ce que vous voyez.

- Si j’osais le savoir. Imaginez un oiseau qui ne saurait que marcher, ses ailes le gêneraient sans qu’il s'interroge puisqu’il ignorerait leur utilité. Je suis ainsi. Vous allez me dire que je sais à quoi servent mes ailes ! Oui, depuis peu, ce qui ne m’enseigne pas comment voler.

- Manque d’exemple mais si vraiment vous étiez dans l’ignorance vous n’auriez pas si peur. C’est le savoir qui effraie ! Vous vous êtes déjà envolé sous le coup de la nécessité, retrouver le moyen implique de comprendre cette première impulsion. Le génie est une longue patience, vous le savez maintenant.

- A l’instar d’un puits artésien il jaillit d’autant plus haut qu’il est creusé profond. C’est vrai ! Un puits de lumière, à l’inverse de celui sur lequel je me penchai par le passé. Après tout les ténèbres nourrissent la clarté, sans eux elle ne serait qu’un mot.

- Et vous savez ce que sont les mots, n’est-ce pas ?

- Vous aussi, votre but passe par d’autres vocables, explorateur immobile, phrases pour territoire figurant l'esprit, chemins à suivre en quête de l’inconnu. C’est vous qui désirez révolutionner le monde, apporter un éclairage nouveau sur la psyché humaine. Vous m’avez trouvé en défricheur et me suivez pour vous nourrir de mes restes.

- Juste ! Expédition immobile mais le péril demeure, physique parfois quand la camisole chimique se relâche. Le véritable danger est de se laisser tenter par le discours du patient.

- Et je ne suis comme les autres. N’infirmez pas cette déclaration professeur, vous ruineriez mes espoirs. Je ne suis pas un prédateur comme les autres. Prédateur de prédateur, voilà qui me sied davantage. La chair du loup a plus de saveur que celle du mouton.

- Et celle du berger ?

- Elle est immangeable.

- Vous avez plus de talent que moi.

- Faites avec ! Acceptez vos limites, approchez-vous en, vous distinguerez des ombres étranges, des formes tentatrices.

- Et vous qui pénétrez l’inconnu.

* *

Je comprends, pourquoi me suivre puisque je suis encore discernable en récupérant les pages que je laisse derrière moi. Elles ne serviront pas à m’aider pour un improbable retour. Quel plaisir trouverais-je en une réalité médiocre ? Elles prouveront qu’un esprit emprunta cette voie. J’aime ma situation, me souvenir des idées rencontrées, autres que celles dictées par les conventions sociales et l’éducation. Ne restent des unes et de l'autre que des décombres éparpillés, comme le cimetière des illusions en lesquelles je ne crus pas.

Je voudrais la nuit, des étoiles au firmament, des yeux complices, attentifs. Mais le ciel ne change pas signe que moi non plus.

Pas encore !

Le rêve a une saveur particulière dans mon esprit, tache d’ombre mouvante, insaisissable, agréable de filer entre mes pensées. Trop clair il ne serait plus le guide que j’attendais.

Rêve de mort !

Espoir de renaissance,

Accepter mon sort,

Dévorer l’absence !

Ces mots glissent de moi, agréables par le trouble qu’ils suscitent. Je suis vivant ! Je me voyais chose proche de tomber en poussière, mais non, les bandelettes, ces milliers de pages, résistèrent avant d’être arrachées par le temps s’écoulant autour de moi. Lambeaux de désirs refusés, de terreurs mortes. J’aime cette image d’un carcan de sang coagulé, de ce sang mental si difficile à effacer qui marque l’esprit plus que les doigts mais ne disparaît jamais vraiment.

Mon sang en appelle d’autres, que j’absorbe au passage. Souffrances déposées par des âmes emportées trop loin qui balisent ma route.

J’ai dépassé la dernière mais le chemin continu, lui !

Jusqu’où ? Sinon mes propres limites, mur contre lequel je me briserai, le temps d’une hésitation, avant de réaliser qu’il n’est pas même là. Aide temporaire après un si long périple. L’oasis est étrange mais plus accueillante qu’il y paraît. Ceint de murs… Saint ! Analogie à trouver entre moi et un martyr, aller au bout de soi-même, assumer ses pensées, ses affects. Rien de blasphémateur dans ces paroles, pour une fois et malgré les apparences.

Au milieu de l’arène, les lions de la banalités m’entourant…

Assumant ce que je croiX.

Celle que je porte.

Sol de sable que mes mains ne peuvent retenir, de mots s’associant par le vœux du hasard ou de forces inconnues. Sol de peut-être, silence hanté de cris que je voudrais entendre, regorgeant d'illusions auxquelles je m’accroche pour maintenir un semblant d’équilibre équidistant de tous les possibles.

Ainsi ces phrases si belles qu’elles semblent porteuses de sens, en les savourant je trouverai de la sciure dans ma bouche.

Trouver une pierre, premier outil que l’homme tailla sans imaginer que des millénaires plus tard elle deviendrait une machine complexe. Désir d’innover, d’utiliser son environnement pour répondre à une quête intérieure, comme le fumeur en manque calme son manque en tripotant un trombone. Rien ne change hormis l’apparence. Le plus important à notre époque d’image où l’être devient virtuel. Sur les bancs de l’arène siègent des vêtements vide, qu’ils s’agisse d’un costume coûteux ou d’un ensemble acheté sur un marché, l’intérieur n’est différent qu’en ce qu’il veut montrer sans y croire vraiment.

Vrai ment !

Saisir cette pierre inverser le temps et la rendre à son rôle de caillou, permettant ainsi à l’humain d’assumer son vrai rôle.

Souffler sur mes doigts, dessiner sur le sable des symboles sans signification, chercher jusqu’à me trouver.

Difficile de se laisser être n’est-ce pas ? Mais n’oubliez pas où je suis et vous sourirez de mes délires avant d'admettre que vous êtes le reflet d’un autre rictus, celui de la mort, seule certitude devant nous.

Il manque quelque chose ici : Les odeurs !

Je sais celle que je ne connaîtrai pas : Celle de mon cadavre.

Dommage…

Prendre le temps entre mes mains, le sentir frémir, apprécier son contact, sauvage de n’avoir jamais été compris. J’y suis parvenu, ai su l’aimer pour ce qu’il est.

Le compagnon de la conscience, pas son adversaire.

Lui sait ronger l’inutile en soi. Il est plus qu'un diable tentateur, proposant de tricher avec soi, de le considérer autrement pour le gaspiller et fuir nos responsabilités.

Nul besoin d’univers. Parti d’un point infime il s’étend, l’esprit suit le chemin inverse, dispersé il se densifie, ainsi perdure l’équilibre.

Fermer les yeux, apprécier la nuit, qu’importe si au-dehors elle n’est pas au rendez-vous, m’écouter et m’entendre. Me tendre les pensées, les mêler, former ce chemin qui n’existe qu’utilisé. Suis-je le premier ici, le dernier ? Ces graviers sont les vies qui s’y succédèrent en vain.

La mienne sera-t-elle un gravillon supplémentaire !

Où est la différence, pourquoi celui-ci réussit-il et pas cet autre ? Question difficile puisque que nul ne sortit jamais d’ici.

Je devine le spectre d’un vieil homme tenant un enfant par la main, le premier voulant se prolonger au travers du second, mais une vie tient en elle-même, elle ne se transmet pas, du moins de cette façon. Chacun est unique, qu’il le veuille, l’assume, ou pas.

Je voudrais traverser le bureau, prendre le couloir, avancer jusqu’à la première porte, regarder… Le patient aurait mon visage et les autres aussi. L'image de l’âme qui fait que des semblables existent.

Fouiller les lieux, de pièce en pièce, chercher je ne sais quoi, ne rien trouver, sentir les murs se contracter, y lire en lettres de sang ce que j’écrivis, ces pages se feraient marais, sable m’engloutissant. Jeter mes cris sur les murs, étouffer ma lucidité sous la souffrance, me libérer du joug civilisé, cultu(r)el, refuser la pierre, l’inutile.

Enfant, enfin, dans un bouillonnement émotionnel, naître à moi-même, dépouillé mais réel.

Réunir mes pensées, en chercher la cohérence dans un recueil qui serait l’aboutissement de ma quête, le plus que je puisse être, livré avec une allumette pour ceux qui ne le supporteraient pas.

Qu’ils la frottent, approchent la flamme et immolent leurs esprits par refus de la contradiction, comme si le jour pouvait exister sans la nuit, ou l’inverse. Choisir l’un c’est préférer le néant.

C’est leur choix, leur donner le moyen de le révéler me plait.

Je préfère être sans raison que sans âme !

L’abîme est une porte dont le délire est la clé, c’est trouver la serrure qui est difficile. Je crains qu’il n’y en ait pas, qu’il soit suffisant de désirer que la porte s’ouvre.

Quand à ce qui se trouve de l’autre côté.

* *

- Vous riez ?

- Sans raison professeur, je vous rassure.

- Vous êtes sûr ?

- De rien ! Vos pensionnaires rient souvent pour ne pas hurler, ils seraient amenés à comprendre pourquoi ils le font.

- Ils se soulagent, sur le moment.

- Ou appellent.

- Peut-être aussi.

- J’étais drôle jadis, par besoin plus que par envie.

- Ce n’était pas un soulagement ?

- Si, j’étais adapté aux autres, et réciproquement.

- Une image ?

- Trop d’esprits se limitent à deux dimensions, sans profondeur. Des reflets en adorant d’autres, représentations d’une perfection que la mort seule peut offrir, nier ce que l’on est c’est refuser la vie.

- Pessimiste ?

- Revenu de tout, méprisant ce que je fis. Peut-on se construire en copiant ? Il ne s’agit pas de s’inspirer mais de singer, une allure, des codes, une marque… au fer rouge comme en arbore le bétail !

- Une image vous fut salutaire.

- De laquelle je ne m’inspirais pas.

- C’est vrai !

- N’est-ce pas, Elle fut le pied dans la porte qui fit que mon placard ne se referma jamais tout à fait. Ainsi pus-je m’ouvrir l’âme, en observer l’intérieur sans oublier l’extérieur, jamais.

- Vous voudriez reculer dans le temps ?

- Non, je suis une roue dentée équipée d’un cliquet lui interdisant de reculer. Au mieux, si j’ose dire, je peux tout arrêter. Non, professeur, ne me demandez pas ce que je changerais si… Je ne saurais jamais répondre à cette question. Ce qui fut me plaisait, les contraintes s’équilibrèrent et me permirent de passer au-travers des nécessités sociales ou organiques. Je pus me consacrer à mon travail sans avoir trop de soucis, ce fut ma plus grande chance. Changer quelque chose c’est altérer la suite, le présent serait autre, par conséquent la question d’un retour en arrière ne serait pas posée, il n’arriverait pas et… Nous pouvons parler ainsi longtemps sans rien dire. Qu’importe que les moments de notre vie nous griffent, nous mordent, nous fassent mal, qu’ils laissent leurs empreintes sur nous, ils nous façonnent par les réactions qu’ils engendrent, si nous leur survivons, et la plupart du temps c’est le cas.

- S’arrêter le temps d’un regard.

- Mais pas plus, danger de ne pas repartir. Vous vous êtes arrêté professeur, votre grand-père vous y incité, vous comprenez quelle erreur ce fut. Le mécanisme s’est enrayé, une chance, il aurait pu se disloquer, l’ambition amène à d'ingérables situations et y renoncer donne l’impression d’avoir passé des années à s’échiner en vain.

- C’est vous qui le fîtes.

- Je ne suis pas exempt des tares que je note chez les autres.

- Peut-être ne voyez-vous que celles dont vous êtes porteur.

Dans l'Ombre des Murs - 15 (Fin)

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21 février 2009 6 21 /02 /février /2009 07:02
Dans l'Ombre des Murs - 12 
 

                                                  13


Les étrangers, eux aussi sont loin, dans un passé qui ne m’appartient plus. Avoir si souvent parlé de la mort avec le professeur est-ce la preuve que je comprends son sens ou l'expression délirante d’un contact prolongé dont je conserve des séquelles ?

Les deux probablement. Qui, enfant, la considère comme une amie, une présence, pas une menace. Ombre peut-être, cette projection de moi-même est si proche que je peux la toucher.

J’imagine une ombre blanche, claire projection de la mort.

Belle image n’est-ce pas ?

Le prof avait raison, je suis passé sous la surface, je surplombe un abîme d'où remonte un murmure indéfinissable.

Comment exprimer l’indicible, cette sensation qu’existent des savoirs échappant tant à nos cultures que nous manquons d’images pour les commenter, alors pour ce qui est de les partager…

Poussé par la nécessité j’aurais pu trouver en moi une force inconnue pour m’infliger une douleur salvatrice.

Les mots viennent facilement. Signe d’épuisement ou qu’au contraire j’ai gagné en densité ? Mes paroles prenant sens sont complexes à manipuler même si dans ma façon de l’exprimer cela ne transparaît pas. Je chemine depuis si longtemps. Mon esprit a rapetissé, avec ses petites jambes mentales il parcourt l’étroit sentier longeant le vide de conceptions primitives, frôlant l’antre d’instincts fondamentaux et puissants mais qui ne sortiront plus pour m’affronter.

Je n'ai semé sur ma route que ces pages, lambeaux d’âme, feuilles d’une époque révolue tombant d’un arbre désireux de se dépouiller, pour affronter l’hiver et renaître au printemps.

Une étrange sensation m’envahit, moins de phrases s’écoulent de moi, les sables se font mouvants, chaque pas-pensée me demande un effort comparable au sens qu’il recèle. Un tel sol devrait conserver les traces de mes prédécesseurs mais je n’en vois pas.

Au loin aboient les chiens de berger, les civilisés se regroupent autour du feu audiovisuel, ils écoutent de belles histoires. Heureux les simples en esprit… A condition qu’ils le demeurent !

Qui ai-je à convaincre sinon moi-même ? Les pièces se placent, l’affrontement a commencé dès le big bang. Je suis une conscience portant son regard où l’entraîne sa curiosité, et, visiblement, elle me conduisit plus loin qu’elle aurait due. Il me reste à utiliser le temps, sinon autant m’allonger, rouvrir ma plaie, virtuelle ou non, et arracher de nouveau cet os qui ne me servirait plus. J’aimerais qu’alors un chien s’approche et le ronge, j’aimerais qu’alors des rats, des insectes, une foule d’animaux me dévorent, que chacune de ces petites gueules aux dents acérées emportent un peu de moi, ainsi ma vie nourrissant la leur se justifierait, ainsi aurais-je été utile, cela au moins relève du possible, pour le reste…

Que lirais-je dans la boite noire de mon cerveau : Fou or not fou ?

Vivant, mort, plus l’un après avoir été l’autre, réussir ce que tant voulurent sans penser sincèrement que c’était possible.

Murmure de voix, des spécialistes discourant à mon propos, espérant me faire entrer dans leurs moules préformés. Ce n’est pas que j’y mette de la mauvaise volonté mais pourquoi les arrangerais-je ?

Cette machine de laquelle j’ai rêvé, ce pourrait être le bruit des systèmes de réanimation que j’entendrais, ainsi j’utiliserais des perceptions de l’extérieur pour nourrir mes rêves, pour ne pas rouvrir les yeux, me désespérant d’avoir échoué. Oh je ne visais rien, je ne voulais rien mais dans le fond de mon esprit j’attendais l’impossible.

J’étais mort, pourtant je suis la, refusant de céder, cherchant désespérément comment fuir. Je ne parle pas de revenir au réel, ce mot a si peu de sens, non, je veux dire sortir des contraintes liées à l’organique, trouver une autre solution, une autre disposition pour persévérer sur mon chemin, pour vivre, autrement.

Je me suis retenu de frapper aux murs, inutile d’implorer, mais que faire dans un décor immuable, que je subis en le regrettant sans accéder à un ailleurs indéfinissable. Y parvenir serait-il libératoire, où veulent me conduire les pensées circulant dans mon cerveau, pour ouvrir JE crains de savoir quoi. Je l’ai écris et le professeur le sait. Derrière mes textes fantastiques ou délirants, le premier protégeant le second, se tient une réalité accessible. Par delà un abîme que j’ai traversé ! Reste à ouvrir les yeux. Mon œuvre est quête d’une sortie que la normalité voile. Qu’ai-je fait pour lui échapper ? Enfermement, agression, noyade ? Tant d’années pour une seule question.

Rien qu’une.

Celle qui hantait le fondateur de ce centre. Il interrompit ses recherches par peur de trouver. Il est des savoirs coupables, seule l’ignorance innocente ! Moi-même ne revendique pas cela, je me pare des attributs de la victime mais ils ne sont que des oripeaux de la lâcheté, subir un sort sans l’avoir provoqué mène au renoncement. J’accepte mon sort, je le revendique. Je le cherche encore.

L'hypnose pourrait être cause de mon état, moyen de me vider de ce que la conscience censure, parler pour trouver ma propre thérapie, postulant qu’une maladie est porteuse de sa guérison, qu’un cerveau ayant généré un état pareil doit pouvoir l’arrêter. S’il le veut, s’il peut découvrir pourquoi il le fit.

Il me protège, ce puits, de l'insoutenable rencontre que j'y fis ! L’esprit se ferme, génère des murs protecteurs, enfermant pour soulager, interdisant pour préserver. Est-il temps que s'effondrent ces remparts et que j’affronte la vérité qui me pétrifia ?

Par le chemin fait j’ai appris que je pourrais l’affronter. Derrière ces parois c’est comme une masse d’eau qui va se ruer sur moi, en ne lui résistant pas je peux la vaincre.

Bientôt apparaitront des craquelures dans mes défenses aux travers desquelles je verrai... Et ils céderont ! En un hurlement sans fin le savoir m’emportera, vague immense, force brute, qu’une conscience éveillée peut dompter et utiliser.

La mienne ?

Bulle pleine d’échos, de lumières irisées, de souvenirs, d’ombres, emplie à ras bord de possibles, et moi à l’intérieur. Milieu amniotique ou une cellule unique s’explore pour se développer. Une conscience comme un embryon, à la limite du perceptible, et croissant, évoluant, s’étonnant de sa nature, touchant les limites de ses perceptions. Si je ne perçois rien du dehors c’est qu’il y fait nuit, qu’il n’y a rien encore. Quand cette bulle explosera l’univers naîtra. De moi !

Moi !

Je sais ce que j’entends, c’est ma respiration, je suis dans mon passé protecteur, l’ennemi est là, la mort me frôle, sa main me saisit mais se retire sans me prendre.

Et mon cœur bat, horloge que rien ne paraît devoir arrêter. Je rêve que la lumière existe, pas celle du jour, une autre, promesse de plus tard, d’après ce tunnel que d’aucuns appellent vie. C’est elle que je voudrais atteindre, elle que j’entrevis jadis quand la nuit était totale, quand mon corps n’existait pas encore. J’étais un cerveau se développant, anormalement précoce, sollicité par des circonstances particulières. Là où d’autres n’auraient pas survécu, leur programme formateur désorganisé, le mien s’adapta pour échapper à l’agression. Se modifiant en usant d'aptitudes d’ordinaires étouffées.

Une perception intérieure enregistrée ainsi, difficile de trouver des termes pour l’exprimer, un monstre cérébral installé dans le cerveau, pensée vorace faisant le vide autour d’elle puisque la chasser est impossible. Quand quelque chose ne va pas le système disjoncte.

Pas chez moi.

Le monstre est resté là, cocon…

Cocon ?

Le mot m’a échappé ! Oui, cette pensée vorace il fallait en enfermer les conséquences sans quoi, comme un trou noir, elles auraient tout absorbé. Une construction mentale enfermant ce savoir auquel je fais allusion depuis si longtemps. Reste le besoin de comprendre quitte à n’y pas survivre. Ne rien faire, rester ici, c’est ne pas vivre non plus.

Que trouvera celui qui me disséquera ?

J’espère qu’il fera attention à mon encéphale. Je voudrais qu’il y ait une zone coupée du reste, comme une blessure cicatrisée.

Par le feu.

Brûlure intérieure, autodestruction neuronale pour enfermer une trace mnésique, je ne peux parler de souvenir, à l’époque ma conscience n’était qu’une promesse pas sûre d’être tenue jamais.

Encore maintenant je doute.

Cela je l’imagine, je doute rester vivant alors que mon crane serait découpé et mon cerveau à l’air. Ce serait amusant, un miroir m’aiderait, et, la découverte faite je crierais : Je vous l’avais bien dit !

Improbable ?

Euphémisme !

A vouloir me comprendre je vais y arriver, pénétrer les yeux ouverts, le préconscient, l’immergé de l’iceberg. Je fait référence à l'époque où l’être dans sa réalité biologique se forme, où il perçoit, enregistre, peut être modifié sous l’effet d’un choc, ainsi des aptitudes dirigées dans un sens favorable à la normalité n’auraient pu se développer en faveur d’autres plus étrange, plus intéressantes. Inhabituelles !

Des cubes pour édifier de belles constructions, je livre un témoignage brute, espérant que ces mots me libéreront, sans chercher approbation ou réprobation, je me cherche moi, un point c’est tout ?

Génie, intelligence, folie ? J’ai unis les trois une fois, je m’en souviens, c’est qu’ils s’associent. L’intelligence placée entre les deux autres les maintient à distances, leur permit de se rencontrer de s’associer, ainsi perdure un équilibre instable certes mais permettant d’avancer sans s’enliser dans les marais de la connerie.

Souffler sur ma construction, la regarder s’effondrer, qu’importe, j’en édifierai une autre ou cesserai de jouer.

Vous voudriez être un génie professeur, je le sais. Comme votre aïeul vous disposez d’une grande intelligence, vous pourriez réussir de grandes choses, mais sans ce qu’il faut pour accéder à un stade imposant une innovation sans préparation. Le génie est une sanction onéreuse. J’ai toujours préféré payer moi-même que présenter la facture aux autres. J’ai toujours refusé de demander quoi que ce soit. Demander c’est s’abaisser disais-je, devoir c’est déchoir !

Attitude extrême, hostile à la socialisation, mais qui voit où je me trouve n’en sera pas étonné.

Vanité ? Peut-être, mais pas supérieur pour autant. Ce mot me déplait. Différent, étranger, ces termes sont à ma convenance.

Génie ou fou, deux états que l’on supporte sans les vouloir.

Et moi ?

Finalement je crois que le génie ne se regrette pas, il se déplore par l’exigence continuelle qu’il manifeste, par son appétit insatiable.

Un miroir, génie et folie se font face, sans que l’une ou l’autre puisse déterminer le reflet et l’original.

Un miroir de chaque côté de moi, et hop, voici la solution ! il suffisait d’y penser, à condition d’être un génie, mais l'êtes vous?

Improbable.

Reflets complémentaires ne s’opposant pas mais s’associant.

Une piste de cirque disais-je, mais le monstre n’est pas l’être difforme au centre de la piste, c’est celui qui l’exhibe et se cache à côté de son frère, qui irait le chercher en pleine lumière ?

Qui y penserait ?

Y auriez-vous songé professeur ? Attention à vos pensées, le piège, est là, là aussi, partout !

Piège né de mots faisant leur nid dans mon esprit et me détruire, rongeurs d’âmes fragiles. L’auteur est-il le monstre ou son œuvre, est-ce la marionnette qui vit ou le ventriloque ?

Je me fait l’effet d’être le seul auteur posthume de son vivant.

Le présent n’est plus loin, les murs sont moins hauts, moins épais et impressionnants. Je suis sur la bonne direction.

Je suis… C’est la bonne direction !

Le papier vivant, amusant. Un papier envoûté… L’histoire serait invraisemblable, et pourtant…

La distance entre un ventriloque et un écrivain est ténue, chacun s’exprime par un intermédiaire, de chiffon ou de papier.

Je me voyais écrire, des fils me faisant agir, les mots me donnant vie, je me voyais ouvrant les yeux au dernier moment, tentant de refuser sans le pouvoir. Un sursaut, ruer dans mes fils, avoir le temps de taper "Je suis mort !" comme un avertissement au lecteur. Ce serait une mauvaise histoire, mais avoir le temps d’écrire ces mots me plairait, sentir mon cœur s’arrêter, profiter de mes dernières secondes. Je vais assez vite pour y parvenir.

Ensuite qu’adviendrait-il de mon travail ?

Et de mon cadavre ? Combien de temps resterait-il à pourrir dans mon placard-caveau, à l’abri, il sentirait peu, des années passeraient avant que quelqu’un ne s’inquiète, mes premières vacances, ne les aurais-je pas mérité ?

Trois mots au lieu des trois lettres pour finir, ce serait plus élégant.

Pour une fois.

L’hameçon s’agite au bout de la ligne. L’âme-son, plonge, les gueules se ruent sur elle, mais non, la ligne se tend, elle sort de l’eau.

Je vois le du prédateur se jeter sur moi, s’ouvrir, m’engloutir.

J’aimerais paraître une proie facile, mais celui qui me dévorerait serait incapable de me digérer, je secréterais un poison qui le tuerait, lentement, afin que je puisse le dévorer de l’intérieur.

Amusant non ?

Dévorer ou l’être ? Là est la vraie question, je n’aurais pas de problème de conscience, tant que la question ne posera pas. Au pied du mur je peux juger de ce dont je suis réellement capable.

Pas le pire comme je voulus le croire pour me rassurer.

Pas le meilleur cela m’ennuierait trop.

Alors ?

Les génies comprendront, quand aux autres, qu’ils cherchent !.

Je forme des phrases avant de les mélanger pour recommencer. Comme si je faisais des réussites pour occuper mon esprit qui ne sait s’abstraire des mots, voir même des images pour s’exprimer.

Ne plus parler serait-ce cesser d'être ou avoir découvert la sortie ?

Un adversaire m’aiderait. Le prof était bien quand nous discutions tous les deux ils me servait, m’entraînait, avant qu’il ne me laisse, pouvant parler, écrire dans son bureau, ce que je fais, mélangeant les souvenirs de nos rencontres et les divagations du présent. Sa place est confortable, j’y sens sa curiosité cherchant une solution, celle de son ancêtre, toutes deux à l’image de tant d’autres auparavant. Malédiction de l’humanité insatisfaite de la routine, avide de simplifier sa vie en la ritualisant, pensant avoir répondu à tout, alors qu'une autre partie de soi reste insatisfaite.

Principe de vie, persister à poursuivre sa route quand bien même deviendrait-elle difficile, escarpée, dangereuse. Éboulement appels d’abîmes aux fonds desquels la paix est accessible.

Quel monde du discours puis-je explorer qui me renseigne ?

Mort, folie, machine, accident, suicide, automutilation ? Ces idées vont et viennent, plus ou moins aguicheuses, mais je suis seul spectateur. Qu’une s’exhibe et je pense qu’elle est la solution, et puis une autre vient, fait son numéro, le doute s’installe, je ne sais plus. Aucun soutien n'existe ici, ou ailleurs.

Suis-je dans mon placard, envahis par ma psychose, ce petit animal de compagnie, qui, si l’on n’y prend garde, devient maître de l’esprit comme le pantin s’éveillant quand le ventriloque sommeille.

Comparaison amusante !Suis-je allongé par terre, perdant mon sang, au fond de l’eau glacée attendant la mort, le temps passant si lentement que je caresse l’éternité.

Serais-je plus banalement mort ?

Mort ! Mot-ver rongeant mon esprit, solution à ma mesure.

Embryon ?

Comment pourrais-je générer tant d’images, user de mots que je n’aurais pas appris, peut-être entendu.

Être la conscience, cœur du chaos s’organisant pour enfanter la vie, aspirant à ses mystères pour se nourrir. La vie humaine comme une gestation, le corps comme ventre d’un esprit en quête de lumière.

J’applaudis aux prestations de mes créatures, en m’en méfiant ! Ne pas tourner le dos, jamais !

Cette image de naissance est celle que je préfère, une chance nouvelle, processus à l’œuvre depuis la Création, se copiant, tendant vers l’infini par ce seul mouvement fractal.

Ce processus ira-t-il à son terme en moi ? Je finirai comme les autres, seul, bavant oscillant d’avant en arrière sur mon tabouret. Laisser le plan des chemins que je suivis, qu’un autre les lisant réalise mes erreurs, s’en inspire pour explorer lune autre voie, à lui de la trouver, et si à son tour il échoue, qu’il pense à, qu’un autre ensuite…

Tout autour de moi fut ainsi, je sens leur sollicitude, un semblant d’être subsiste qui sait que je suis là, que j’avance, une marche supplémentaire pour les rejoindre et rythmer le temps avec eux.

Complexe de se comprendre, la conscience utilise forcément une part d’elle-même pour en comprendre une autre et la première reste hors de portée de la pensée. Comment se juger dans sa propre globalité, même l’écriture ne permet pas cela, s‘auto-autopsier.

Tailler dans le marbre du temps, aller au bout de ma tentative quand bien même ne devrait-elle rien donner, quand…

Bien m’aime?

Une ronde enfantine sur ce chemin, tenant mes pensées par la main, chantonnant ces paroles que ma mémoire me refuse, s’arrêter, s’agenouiller, mais qui sera derrière nous, qui posera le mouchoir dans mon dos ? Derrière qui vais-je courir, car il me faudra le faire, peut-être en vain, le tour sera fini, il prendra ma place, tout disparaîtra, je resterai seul, hurlant dans un décor dont j’aurais compris ce qu’il est.

Vous ne pouvez m’aider professeur plus que vous l’avez déjà fait.

Dans l'Ombre des Murs - 14

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18 février 2009 3 18 /02 /février /2009 07:22
Dans l'Ombre des Murs - 11 
 

                                                  12


- Un mot curieux, vous l’employez rarement.

- Ma situation autorise mal son usage fréquent.

- C’est vous qui le dites, ne vous projetez pas trop loin vous seriez surpris de pouvoir aller plus loin encore.

- Surpris à l'idée d’exister hors de ce lieu. Je n’ai pas quitté ma couveuse, elle a grandi aux dimensions de mon esprit actuel, quand la première que je connus l’était à la mesure de mon corps. J’ai touché les parois de verre… Je dus être réanimé, visiblement je n’avais pas envie de naître où quelque chose, ailleurs, me retenait. Qui sait quelles modifications surviennent dans ces conditions, une mauvaise oxygénation peut altérer le développement cérébral. Nous avons chacun nos problèmes, nos limites mais parfois nous nous en imposons à la mesure de ce que nous croyons être. Suis-je ce que je vois ? Plus ou moins ? Avancer, mais jusqu’où ? Je voudrais atteindre le bord du monde, alors je saurais ce en quoi je ne crois pas.

- Les mots vous égarent.

- Inflation psychotique ! Prophète voyant dans un monde aveugle, je suis cela comme je suis cet enfant jouant avec ses cubes quand la plupart utilisent, avec leur assentiment, les grandes personnes comme des jouets. Le génie est une longue patience dit-on, j’espère que c’est vrai sinon j’aurais perdu bien des années.

                                         * *

Le temps glisse, complice de mes réflexions, le meilleur des amis, implacable comme un partenaire se doit de l’être.

Je croyais vivre sans lui, je ne percevais pas les autres, c’était tout. Quel intérêt de poursuivre un but que l’on peut atteindre ?

Un phare dans le brouillard… Par lui je suis passé entre les récifs de la démence où tant d’âmes se brisèrent sans atteindre la côte, et je m’interroge, où suis-je, que suis-je ?

La brume se dissipe, je distingue des formes, d'inquiétantes pensées que je crois reconnaître. Le hamster cesse de courir et regarde autour de lui, lui et moi sommes sidérés par la même incompréhension. Le mouvement noie la pensée mais l'arrêt est une source d’inquiétudes rafraîchissantes, une fois leur eau goûtée, supportée.

Remonter dans la roue, courir à nouveau, heureux d'avoir atteindre un but mouvant. Sauf à l’avoir atteint déjà.

Je me souviens du temps où je m'emplissais de textes concernant la folie, études de cas, description de la vie en asile. J’aurais pu dessiner ce décor en associant divers souvenirs. Logique que la droite de mon destin passant par les points que je connais mai fait aboutir ici. Mon ambition d’auteur était d’entrer dans mon œuvre, ce pourrait être fait, ce pourrait être la première pièce d’un palais sans sortie.

Je me souviens de moi sur un tabouret fixant le vide, cherchant dans les replis ombreux de mes souvenirs une image rassurante et n’en trouvant jamais. Sur mon visage s’écoulaient les années sans que je puisse bouger, briser le frêle équilibre que j’aurais institué.

Boucler la boucle ! Reste le doute sur le réel, ce serait bien de lui de paraître faux pour s’immiscer plus profondément en moi, me figer, psychose sans retour. Le pont-levis remonte, quand il sera fermé nul contact ne sera plus possible. Plus d’inquiétude, seul restera ce décor et moi cherchant une introuvable échappatoire.

Qui entendrait mon cri mental, qui viendrait vers moi ? Ces déments, expériences inabouties du passé ? Eux voudraient me dévorer, chacun trouvant dans la part qu’il m’arracherait médicament à sa souffrance. Je resterais à demi dépecé, à demi vivant sans plus pouvoir bouger, cloué au sol, papillon que le destin compterait pour sa collection sans que rien promette jamais un changement possible.

Tisser le délire d'images intérieures sans qu'une seule s'arrête.

Engager le dialogue avec mon ombre, qui m’accompagne partout, si ce n’est au cœur des ténèbres ? Elle sait qui je suis, pourrait me dire ce que je dois entendre. L’ombre de quelqu’un d’autre, les fantômes des grands-pères, que se superposent, ceux que je connais, ceux dont je rêve, celui du professeur. Que me diraient-ils ? Que je suis…

La camisole se desserre, elle va tomber, je peux me retrouver libre. Pour un peu que la porte soit ouverte…

Est-ce l’angoisse de l’inévitable dehors, celle que je ressentis avant de naître, qui me fit m’accrocher, refuser, puiser dans les contraintes organiques du moment le moyen de mourir ? On me sauva parait-il mais ce n’est pas le terme que je choisirais même si je n’avais pas conscience de ce que je voulais, ni même seulement de vouloir, je sentais ce qui m’attendait, le chemin était ouvert, il l’est encore, seulement je refuse d’ouvrir les yeux.

Quelles mains d’aciers pourraient-elles m’atteindre ici, me briser, détruisant irrémédiablement le havre où je me trouve ?

Continuer le jeu serait aisé, me confronter avec des malades dont chacun est un aspect de ma démence que je pourrais dissoudre en l'acceptant. J’écrivais ainsi, autrefois, tuant le temps, manipulant des mots revenant sans cesse, apprenant si peu de leçons si longues.

Inverser cet endroit !

Plus rien, pas même de sol. Plus un bruit, ciel de nuit sans étoile, rien que moi. Je me vois venir, étrange faculté que d’anticiper sur ce que j’allais dire, je ne suis plus surpris de mon désir verbal. Je joue à dieu dans ce néant je vais créer un décor, y insuffler de la vie, des sons, de la lumière, il ressemblera à un placard !

La réalité copiait le symbole, exprimant mon désir de solitude, d’avoir un lieu de réflexion où rien n'entrave mon imaginaire.

Non, je ne pouvais trouver le néant autour de moi. En moi…

Être un légume, c’est le terme adéquat, réduit au minimum et moins que cela, entouré, pris dans un cocon technologique, aux frontières du vide. Je pourrais être le premier ainsi, non plus dans un ensemble de machines mais dans une seule me maintenant en vie malgré moi. Une machine-corps, resterait le cerveau.

Être cette avant-garde me plairait, testé pour juger de la capacité d’un esprit à admettre sa situation, ils se trompent en faisant leurs études sur moi, différent au départ j’avais plus de chances qu’un autre de m’adapter et d’admettre.

Aurais-je pu choisir ce destin, me proposer pour l’expérience ? Je m’en sens capable et cet endroit serait un test, isolement sensoriel pour étalonner mes réactions avant d’être placé dans l'appareil. Pour un voyage dans l’espace il faut des années d’entraînement, pour celui-ci, sans retour, il en faut bien plus. Ça tombe bien, mon passé est le meilleur des conditionnements !

Être une porte béante sans crainte ni conscience, je voudrais… Mais c’est ce qui m’attend ici si je n’y prends pas garde. C’est mon désir d’anéantissement que j’affronte, encore une fois. De le connaître me donne une chance d’être le premier à réussir. Le premier ! Combien furent utilisés pour essayer cette machine, combien qui en furent extrait pour finir dans une chambre capitonnée et numérotée ?

J’ai vu une chance dans cette proposition, la rétraction du réel dont j’avais besoin, non pour leur instrument dont je me fous mais pour m’aider à me libérer, quitte à m’en déchirer l’âme.

Me laisser n’être… Me laisser naître.

Volcan, puissance insouciante de ses victimes heureuse de s’offrir en incarnation divinisée d’une nature impérative. Combien de forces incomprises en nous que cette machine pourrait révéler ? De zones cérébrales sous-exploitées d’être engoncées sous celles des besoins quotidiens ? Supprimer ces derniers en libéreraient d’autres. La folie permet cela, c’est la rupture des liens, de connexions avec l’extérieur qui en ouvre d’autres, désordonnée, sans logique ni cohérence, sans possibilité pour le sujet de maîtriser le flot cérébral. Les modification sont telles qu’il n’y survit pas intellectuellement ni psychiquement.

L’idée de cet instrument de défi à la mort me convient. Moderne roue de hamster, tentative d’exploration d’un intérieur inconnu, tout cela à la fois selon l’usage qui en sera fait.

Et moi, cobaye ou initiateur ? J’aurais pu concevoir cet engin. Je m’en sais capable, et qui à part moi aurait pu l’utiliser ? Effacer le corps, laisser l’esprit puiser dans le cerveau l’énergie dont il a besoin.

Ainsi s’expliquerait mieux l’attention du professeur.

Mais est-il vérité ou illusion ? Créature générée par un programme d’accompagnement et de surveillance. C’était folie de tenter cela, de défier la mort avec le risque de la battre.

Comment résister à la démence, sinon en étant fou ?

Ce cadre serait la lice de l’affrontement, eux ne devinent pas que moi-seul peut l’utiliser et en sortir. Me voyant en réchapper ils s’y précipiteront sans deviner que ce qui me fut profitable leur sera fatal.

Je devine les espoirs et les peurs que ce projet susciterait Je souris des oppositions émises par les intégristes de tous poils, ces bêtes ayant appris à penser en se passant de conscience de soi.

Quels sens nouveaux seraient-ils activés dont je profiterais sans oser les employer ? Ils sont accessibles mais terrifiant tant le mythe est implanté en moi de humain apogée du monde animal. Je lui offre une évolution supplémentaire, volontaire, consciente, en rapport avec ses aptitudes, les primitifs ne peuvent pas changer sinon en mourant.

Ce qui ne me gênerait pas !

Un nouvel univers à découvrir, terrifiant par l’inconnu qui en émane. Encore qu’elle me paraisse fausse, un esprit pourrait-il être étranger à lui-même ; je lui propose simplement de se libérer d’un carcan physique trop prégnant pour partir à la rencontre de lui-même.

Idée folle ? Mais la folie est l’aptitude à voir ce que les autres nient, elle ouvre la porte d'un monde hors les remparts de la médiocrité !

J’ai eu besoin de murs intérieurs pour me protéger et préserver ma quête, utilisant mon passé comme chemin pour ne pas me perdre en laissant errer mes pensées en des terres étranges, et pour repère, un phare, que je crus perdre plus d’une fois mais qui est là.

Dans l’ombre de ces murs j’ai exploré ces zones où la conscience ose rarement la pensée, où les mots sont difficiles, ceux dont je dispose conviennent à un monde qui ne ressemble pas à une roue !

Le gravier crisse sous mes pieds, je pourrais me croire dans un cimetière cerné par des tombes, espoirs défunts, rêves qui ne purent arriver à terme. Ainsi votre grand-père professeur, il cherchait sans disposer du vocabulaire convenable, celui qui dessine dans l’esprit plus que le sens des mots. Après tout, croire en des chimères avec assez de foi pourrait leur donner vie.

Le jeu en vaut la chandelle, à ne pas utiliser ma vie je la perdrais. S’il n’en reste qu’un délire distrayant ce serait mieux que rien.

Un cimetière pour exprimer une sensation de mort, y laisser une image de soi. Je me veux debout près d’une tombe, je viens de la creuser, mes paumes me font mal, qu’importe, j’y balance ce en quoi je ne crois plus, hésite puis reprend la pelle pour remplir cette fosse. Tapoter le sol une fois mon travail terminé, regarder le ciel, voir un monde différent du fait de l’être.

Chacun affrontera ce sourire de terre, abîme attendant sa décision. Je ne me fais pas d’illusion, la majorité se précipitera à l’intérieur par incapacité à accepter le changement. Quelques individus me suivront, certains iront plus loin. Je suis heureux d’être le dernier dans un monde, le premier dans un autre, ainsi va la vie qui se soucie peu de ce qu’elle abandonne, éléments du passé qu’elle réemploie.

La mort devant moi, je crains son contact mais peut résister à cette répulsion, avancer, encore quelques pas, est-ce trop demander ?

Elle ouvre les bras, les fosses d’ombres de ses yeux attirent mon regard, je ne résiste pas, lutter amène l’échec. Je la serre contre moi, fort, et au travers de son manteau je sens le froid de ses certitudes, des promesses qu’elle murmure aux âmes venant vers elle en quête de paix. Je ne suis pas là pour cela mais pour trouver qui je suis.

Tuer ? J’ai exprimé souvent qu’au travers de mes victimes c’était moi que je cherchais, ce moi qui je s’exprimait. Je voulais par le regard de mes proies observer un ailleurs introuvable pour libérer mon esprit et gommer l’image qui m’enserrait comme une camisole de faiblesse ! Les événements se succèdent. Je constate une troublante cohérence dans mes pensées. Sans calculer, me laissant porter, tout s’emboîte.

Détruire cette forme-cocon, cet être nymphe dans lequel je vécus. Naître, me déchirer, souffrir d’arracher cette peau-apparence.

Étreindre la mort sans gémir à son contact. La brûlure est vive mais c’est le masque que je portais depuis si longtemps qui se consume.

Ouvrir les yeux n'est pas simple, se dessine la suite de ma route. Redoutant la vérité de mes mots autant que je désire l’apprécier.

Ces pages sont les lambeaux d’apparences arrachées. Que le vent les entraîne pour une danse prodigieuse, les unissent en un être inédit, créature trahissant mes aspirations les plus intimes.

Puisque ce chemin singe une piste de cirque je me vois dresseur de cauchemars, de monstruosités sorties de mes pages. Faire défiler mes créatures déformées par des naissances difficiles.

Ce fut mon cas, je ne m'en souviens pas, mais celui que je fus en conserve les séquelles. J’ai survécu…

Sur-vécu ? Les "normaux" sous-vivent-ils ?

Moi j’aurais dit ça ?

Qu’ai-je à regretter de cet instant... Rien puisque le passé ne s'efface pas. Mon numéro s'achève, mon équilibre est instables, mes pensées vacillent, je vais de l’une à l’autre, tente de les associer, difficile !

Entendrais-je des hourras ou des sifflets ?

Des hurlements de rage, de peur, et puis… Silence !

Le rien des Origines avant que ce mot ait un sens.

Une définition, celle du dictionnaire, la seule faisant foi, alors que l’autre fous les foies, c’est l’inverse.

Un numéro de pensées me conviendrait, un écrivain est le Monsieur Loyal de son esprit. Il attire le chaland, le flatte en lui promettant monts et merveilles pour ne lui offrir que…

Montrer mes personnages, mes créations, visages dissimulés ; à la fin du spectacle arracher les masques, révélant ainsi que tous n’ont qu’un visage.

Lequel ?

                                          * *

- Vos pensées vous emportent.

- Si loin que je ne sais où j’étais comme je ne sais où je suis, perdu, au sens propre, dans mes pensées, cherchant ce qui me fit traverser le délire, je voulais… Rien ! J'agis malgré moi, sans fils tombant de je ne sais où pour me manipuler. A quoi bon expliquer ? J’existe en parlant, les mots expriment ma pensée ou ce qui en tient lieu. Sans elle que suis-je ? Me taire révélerait le vide. Un silence hanté par un murmure indistinct. Par les mots prononcés je saurais que j’ai compris. Je le dis maladroitement professeur mais vous comprenez.

- Oui. Êtes-vous sûr de surplomber un abîme ?

- Comment être sûr de quoi que ce soit ?

- Inversez la situation.

- D’accord, si je ne surplombe pas le gouffre c’est que je suis au fond, et regarde là haut. Les murmures que j’entends sont normaux, des souvenirs devraient revenir. Du fond de la rivière, le froid me prenant, je distingue la clarté de la nuit, allongé, baignant dans mon sang, ce sont les pompiers que j’entends s’étonnant de ce que je viens de faire. Que la surface soit au-dessus est logique mais moi le suis-je ? Cette situation me laisse penser que j’ai hésité, la pièce tourna en l’air avant de retomber du côté de la vie. Minute de choix, me fondre dans la nuit ou tenter de revenir ? Ce ne serait pas la première fois que les doigts de la mort glisseraient sur moi. L'extérieur ne m’aidera pas, j’ai raison d’écouter ce qui vient d’en bas, d’en-moi, ainsi je trouverai ma motivation, pour moi et personne d’autre.

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14 février 2009 6 14 /02 /février /2009 06:10
Dans l'Ombre des Murs - 10 
 

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- Les autres malades ?

- Oui ?

- Vous les observez, les interrogez, chacun est un mystère, presque un défi. Je les sens autour de moi comme une protection, les vagues se brisent contrent eux. Je reste dans mes décombres mais la partie principale est intacte, rien ne la déstabilisera. Vous aimez les ruines professeur, les formes que vous y trouvez. Arpenteur de restes, explorateur de vestiges, d’âmes à demi mortes, momifiées par la peur. Combien en avez-vous touché qui tombèrent en poussière ? Vous direz n’y être pour rien, je vous crois, malgré tout vous les examiniez pour les analyser, pas les aider. Conscient, vous, que rien qu’ils avaient atteint le point de non-retour. Vous imaginez une chapelle magnifique, toute de dorures mais la vérité est autre.

- Existe-t-elle seulement ? Joli mot n’est-il pas ; à l’instar de l’horizon elle recule au fur et à mesure que l’on s'avance.

- Le fou seul peut l’atteindre, oublieux de règles pas si impératives que cela. Tout dépend de son monde. Le vôtre n’est pas le mien professeur, nous semblons proches mais sommes si loin que nous ne pouvons que nous voir.

- Et nous entendre.

- Donnons-nous aux mots la même signification ? La différence est subtile, perceptible pourtant, ténue comme un passage.


- Inaccessible pour moi ?

- A vous de voir.

- Vous inversez les rôles.

- Pourquoi vous donnerais-je sans contrepartie ? Par bonté ? Parce que cela m’est utile ? Que vous voulez mon bien ? Expression amusante : Vouloir mon bien ! Vous saisissez l’ironie professeur ? Les mots nous trahissent, nous les utilisons mais que savons-nous d’un sens caché qu’inconsciemment nous préférons. Nos paroles expriment nos vraies, mais coupables, pensées.

- Mais pas vous.

- Il faut admettre que non.

- Vanité.

- Ce qu’il faut pour me rassurer, j’ai besoin de ma dose, je suis déjà à l'asile, si je déprimais où serais-je ?

                                         * *

Que serais-je ? Protégé d’un rempart de folie je laisse aller mon esprit, qu’il trouve, ou se perde ma situation changerait-elle ?

Ils savent que je suis là, j’ai le souvenir de commentaires d’infirmiers, un dialogue d’où il ressort que les patients le sont de plus en plus. Je peux penser que c’est à cause de moi, ce à quoi on me répondrait que j’utilise les faits d’une façon m’arrangeant.

Je le reconnais volontiers !

 

- Vous avez raison, ce serait dramatique. Nous parlons moins.

- Silence indicatif, nous ne gagnerions rien à rabâcher. Si vous pensez que durant mes silences des pensées vous échappent, non. Je m’absente sans disparaître. Je serais en peine de vous dire où je vais, je suppose que des processus mentaux intérieurs s'activent, la partie immergée de l’iceberg. Dommage que dans ces moments aucun espion électronique ne lise mon cerveau, vous feriez des découvertes intéressantes. A moins qu’il y ait des zones inaccessibles, fautes de moyens adéquats pour les explorer. L’explorateur c’est vous.

- Du cerveau, de l’esprit, l’un ne peut aller sans l’autre, comme peuvent s’unir une onde et un corpuscule.

- Fine remarque.

- Dois-je vous dire la vérité ?

- Vous l’avez prise dans un de mes textes.

- Oui, vous vous en souvenez ?

- Je l’ai compris en l’avertissement que vous m’avez adressé. Un roman, une nouvelle ?

- Un commentaire, un livre qui dut vous plaire.

- Je suis ravi que vous citiez les bons auteurs, ils sont rares.

- Ainsi n’avez-vous aucune raison d’être déprimé.

- Je ne le suis plus, heureux ?

- Pourquoi serais-je triste ? La perspective de mourir ici ? La mort en salut, salle d’attente sans personne pour venir m’y chercher.

- Elle vous passionne.

- Je la connais bien, comme la folie, l’une et l’autre en moi se tiennent la main, elles sont les fées qui se penchèrent sur mon berceau. Étranges marraines n’est-ce pas, mais au moins ne m’apportèrent-elles pas des cadeaux inutiles.

- Vous les avez déballés ?

- Elles m’ont dit d’attendre d’être assez grand pour en avoir l’usage, je crois l'avoir fait il y a quelques temps, c’était le bon moment pour en profiter. C’était ce qu’elles voulaient.

- Elles vous portèrent sur les fonds baptismaux ?

- Curieux sacrement ! Celui-ci je ne peux le renier.

- Vous rejetez l’autre ?

- Je ne m’y reconnais pas. J’étais trop petit pour avoir un avis, maintenant... Se conformer aux règles n'est pas les accepter.

- Il y du religieux en vous, ce besoin de transcendance.

- C’est la religion qui utilise ce désir inhérent à l’être vivant. Celui qui entend un appel lève la tête, regarde autour de lui, il veut savoir. Faute de trouver il imagine des solutions apaisantes. Le mot religieux est positif dans son sens de relier des pensées, des aspirations, pas n’importe lesquelles ! Celles, bêlantes, des fantômes ne m’intéressent pas. Sentir des fils nous manipuler incite à imaginer un manipulateur à la dimension de nos rêves.

- Belle image.

- Inadmissible par beaucoup Qu’importe, ce n’est pas à eux que je parle, ils jappent pour courir les voix divergentes finissant par croire en leur baratin. Ils se rassurent, c’est bien ainsi.

- Même leurs exactions ?

- Elles n’ont rien changé. La vie ne modifiera pas ses désirs pour eux, au contraire. Ils sont comme la folie, des tests ! Ils seront surpassés. Leurs églises, où assimilés, leurs asiles de non pensant ne les protégeront pas, ils verront les voûtes se fendre, ils entendront le tonnerre, sentirons le souffle du Jugement Dernier. A l’ultime seconde leurs chants cesseront pour laisser place à la terreur devant l’évidence d’un destin différent de celui qu’ils attendaient.

- Et ces paroles ne sont pas prophétiques ?

- Ce ne sont que des mots, des paroles que le vent emporte.

- Elles pourraient avoir un écho ?

- Savoir que leur auteur fut soumis à la psychiatrie serait un plus.

- Vraiment ?

- Mais oui ! En ce sens que ceux qui les refuseraient mettraient ces paroles sur le compte du délire, ils n’auraient pas forcément tort.

- Mais si c’était le cas ?

- Tant pis. Je ne m’adresse pas à eux pour les agresser ou leur plaire, je ne vise personne, me comprenne qui peut. Les autres peuvent m’ignorer, ils n’ont pas d’importance. Je suis bien ici.

- Avec ces idées vous fonderiez une religion personnelle.

- Le principe me déplait, la crédulité humaine est sans borne.

- La crédulité ?

- La connerie !

- Vous-même avez écrit qu’elle était la seule matière première de plus en plus abondante au fur et à mesure qu’on l’utilisait.

- Je ne m’étonne pas, pour un peu je me féliciterais.

- Vous ne voudriez pas le pouvoir sur des esprits faibles ?

- Pas même sur les forts. Le pouvoir ne m’attire pas, l’argent pas davantage. Non, penser seul, éventuellement donner une chance à mes textes de me dépasser, pourquoi pas, en tirer un profit matériel et personnel, non, pas pour moi.

- C’est bien.

- C’est tranquille ! Je n’ai pas envie de me fatiguer pour les autres, je veux bien écrire, penser, dire, pour le risque que chacun en fasse ce qu’il veut, en plein accord avec lui-même.

- Vos paroles sont empreintes de gravité.

- Vous faites bien de me le faire remarquer, je ne vais pas tarder à devenir chiant. Au long de nos discussions je note l’absence d’humour. Jadis j’étais drôle, j’aimais faire rire, usant parfois de la vulgarité la plus grasse, mais le but a atteindre le justifiait. Le rire, des autres est une protection efficace. C’est de ma faute, c’est moi qui parle, vous me répondez, m’orientez comme vous pouvez. J’ai moins besoin de me cacher qu’autrefois.

- Le raccourci est saisissant entre la religion et l’humour.

- L’inspiration m’emporte. Pourquoi tel mot, telle idée ? Je ne sais pas. Les mots viennent comme ils veulent, je ne cherche pas ailleurs.

- L’humour et la religion marquèrent votre vie.

- Le premier pour survivre à la seconde. Religion… J’aime l’idée d’être le maillon d’une chaîne venant de loin, l’impression d'un savoir accessible dégagé du voile primitif du rite et…

- Oui ?

- Un moment j’eus l’impression d’une présence dans mon dos, je sais que vos infirmiers m’observent pour assurer votre sécurité, personne ne peut nous voir, cet endroit est sans fenêtre. L’ombre d’un souvenir, une émotion en bourrasque giflant mon visage pour me réveiller. Présence ou absence, un vertige l’intérieur, l’impression de chavirer… Je suis près du vide, j’ai envie de m’y précipiter, et puis non, une sensation brise le charme, je sors du rêve et du piège dans lequel il voulait m’entraîner. Ces paroles ne vous étonnent pas, je le lis dans vos yeux, ils confirment ce que vous savez de mon existence ou de mon œuvre, voir des deux. Les images se superposent, je me revois, enfant, face à cette muraille se penchant sur moi, je marche dans le sable, je monte sur le rebord d’un bassin, vide en cette saison.

- Saison ?

- L’hiver ! Peur que l’eau ne gèle ! Je me promène, sans raison mais pas sans but, je suis sorti poussé par l’incapacité à rester dans un appartement où je ne suis pas chez moi, où rodent des présences que je n’aime pas. Je viens souvent dans ce jardin, m’y promène, seul, depuis longtemps. Tout gosse j’aimais y vagabonder sans craindre de mauvaises rencontres… Je n’attends et n’espère personne, pas même cette petite fille à laquelle je pense souvent. Une enfant ? L’image est riche d’une émotion porteuse de sens. Je vous sens attentif à ce que je vais dire. Suis-je sur la bonne piste ? Enfant, enfance ? Explication évidente ! Elle appartient à une époque oubliée dans un désert hanté de mirages. Oui, elle revint souvent dans mes histoires. Ma quête, le besoin de retourner le passé jusqu’à découvrir… Mais découvrir quoi ? J’ai creusé souvent au même endroit, j'y sentais une explication à découvrir. L’enfance comme une source, pas seulement l’origine, la planche d’appel, un point intermédiaire, celui où je peux retourner pour, y étant juché, replonger plus loin. Mes commentaires ne vous satisfont pas professeur ? Avez-vous réglé vos comptes avec votre enfance, avec l’image de ce que vous croyez être en regard de ce temps, de ce grand-père qui vous fit vieillir avant l’âge ? Il est normal de faire des bêtises, normal de se révolter, depuis toujours vous n’avez eu qu’une ambition, et encore, elle n’était pas la vôtre.

- Pourquoi détournez votre attention. Nos enfances furent différentes.

- En êtes-vous si sûr ?

- Oui.

- Surtout moi ? C’est ce que vous alliez dire.

- Vous éludez le sujet ?

- Je me souviens d'une femme avec laquelle j’ai passé mille heures à parler, quand cela devenait risqué je changeais de sujet.

- Parlez moi d’elle.

- Vous avez enquêté sur ma vie, vous la connaissez.

- Ce sont vos souvenirs qui importent.

- Elle est là, si proche des instants où mon masque changeait.

- Changeait ?

- Oui, celui qui parlait, se laissait aller, était-il le vrai ? Nous parlions des heures, personne ne me connut mieux qu’elle, personne… Changer de sujet est une nécessité, un dauphin remonte à la surface avant de retrouver les profondeurs. Je suis un cétacé mental.

- Belle comparaison, une manifestation de votre talent.

- Si vous le dites ! J’apprécie l’analogie. Nager à la surface, en pleines apparences, plonger, chercher les grands fonds, ceux où nulle pensée ne sut aller. Déstabilisant d’y parvenir, avoir une idée, en sourire, tant elle semble impossible, et constater qu’elle est plausible.

- Que trouvez-vous ?

- Un passage, entre les courants en évitant l’ivresse des profondeurs qui incite à s'accrocher à n’importe quoi.

- Tentation qui fut la vôtre ?

- Peu de temps. Je l’ai vu comme ce qu’elle était, un mirage. Je plonge, j’erre, cherchant je ne sais quels vestiges, que trouver en un tel lieu professeur ?

- Vous l’avez dit, je suis un explorateur de ruines mentales.

- Combien plongèrent trop longtemps, leurs cerveaux ne pouvant supporter l’absence de conscience se détériorèrent.

- Vous avez imaginé l’avoir vécu.

- Je cherchais une raison à ces vides, comme un assaut psychique ayant laissé des traces qui ne s’effaceront jamais, des blancs que jamais je ne remplirais. Ils font partie de moi désormais, quelque effort que je fasse je ne trouverais rien, pas de réalité, seulement l’impression de recréer pour combler, inefficace.

- Vous avez dévié.

- Pas sûr, partant de l’enfance, comme nous tous, elle est ce passage obligé dont nul ne fait l’économie. C’est en elle que se produisirent certains événement, que je m'alimentai aux mamelles de la démence, plongeant l’esprit dans le puits de la mort. Difficile d'être plus précis, même pour moi. C'est la folie dont j’ai senti la présence, pas celle que vous définissez dans tant de volumes pleins de mots compliqués, une autre, la vraie peut-être. Celle que vous cherchez. Elle n’est pas un chien professeur et si elle répondait à votre appel vous finiriez dans une de vos chambres, l’ironie vous amuserait-elle ?

- Vous feriez le professeur ? Vous disposez d’une grande expérience.

- Et vous de la compétence, c’est parfois différent. Insuffisant pour aller où vous voudriez. Vous mettez le nez sous la surface, tentez de voir dans cette nuit aqueuse et vous étonnez de n’y point parvenir. Vos éclairages théoriques et culturels sont vains, ils ne peuvent aller loin et moins encore pénétrer les failles les plus profondes de l’être. Imaginez la pression, les pensées vous cernant gênent votre lucidité. Dans un milieu pareil pourriez-vous conservez votre libre arbitre, vos capacités intellectuelles ? Au moment de respirer vous vous précipiteriez vers la surface en oubliant les paliers de décompression.

- Je suis mieux à ma place à la surface.

- Canne à pêche en main. Suis-je une bonne prise ?

- Fort bonne je le reconnais. Heureusement que tout mes patients ne sont pas comme vous, les journées seraient trop courtes.

- Ne m’en veuillez pas, moi je sais respecter ces fameux paliers, chacun est une marche, une étape, vers l’avenir.

                                         * *

L’avenir me fait de moins en moins peur, il excite en moi d’étranges appétits, de savoirs, de pensées, d’user de moi-même.

Encore faudrait-il que je puisse sortir d’ici, sortir…

Dans l'Ombre des Murs - 12

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11 février 2009 3 11 /02 /février /2009 07:03
Dans l'Ombre des Murs - 9 
 

                                                  10


- Surprise, Une séquelle de mon éducation. Un des symboles dont je fus nourri. J’en dispose, il est communicable, autant l’utiliser. L’idée d’un être en forme d’édifice est plaisante, des salles immenses, vides, des murs richement parés, des couloirs oubliés, des caves profondes, tout cela définit la psyché humaine. L’être intime. Je suis une construction organique, vivante, mais l’amusant est que mes composants les plus infimes eux ne le sont pas. Génie, folie, qui domine, quelle face de ce Janus se tient-elle à ma place ? Je l’écoute en me demandant ce que je suis et ce que je fais là. Souvent je me suis défini, en tant qu’écrivain, comme une porte, un minimum présent, je le pense toujours, ce que je dis corrobore cette opinion. Le JE croyant être moi est la somme des liens entre folie et génie leur permettant de communiquer à distance. Proches ils s’annihileraient comme matière et antimatière ; pensée et anti-pensée.

- Belle idée.

- Vous conservez ce que je dis, vous l'imprimerez. Si je parviens à sortir j’aimerais me lire pour me découvrir, pour puiser plus loin. Ces pensées sont des graines, germes d’envies plus profondes, difficiles à exprimer pour l’instant. Trop d’herbes folles poussent partout, trop de pensées délirantes à arracher, à jeter en tas pour y mettre le feu. Je retombe sur mes pieds, sur le besoin de repousser ce qui me gêne intérieurement. Dans le fatras de mes déclarations se trouvent des paroles méritant d’être retenues. Folie, génie, équilibre… Je me crus sur un pont mais ne suis-je pas, moi, ce pont ?

- Vos paroles sont sensées c'est pourquoi vous les redoutez. Parler en ombrant vos paroles de doute vous évite les responsabilités inhérentes à vos déclarations.

- Tout à fait. Vous êtes plus finaud que je le croyais.

- Si c’était vrai... Vous m’avez amené à le dire, vous aviez besoin de l’entendre, vous hésitez entre deux positions, le délire et l’acceptation de vos réflexions. Vous déciderez du meilleur côté.

- J’ai toujours préféré l’ombre et sa fraîcheur.

- Et la possibilité de vous y dissimuler. Ce fut longtemps utile, dans l’avenir ça ne le sera plus. De temps en temps y revenir comme un fauve retrouve sa tanière et s’y repose, cela serait positif.

- Un tigre dans son gîte y déguste ses proies.

- Il y a de cela en vous. Pas question de proies physiques, vous en avez eu votre content par l’écrit, mais des proies psychiques que vous dégusteriez avec délectation.

- Vous me connaissez de mieux en mieux.

- Vous êtes là pour ça. Je fais miroir. Vous aviez besoin d’un regard sans connotation affective pour vous rencontrer, vous reconnaître.

- C’est un pacte, de nous deux lequel est le Diable ? Je vous laisse prendre ce que vous pouvez et l'expliquer. Je ne sais quel titre aura le texte que vous me consacrerez mais vous le ferez. Chacun s’appuie sur l’autre pour avancer vers une destination propre, les deux étant difficilement comparables.

- Je ne suis pas un génie ni un fou. Et dire que nous sommes parti de votre description d’une église à laquelle vous vous compariez.

- Une église désacralisée, redevenue lieu de vie plutôt que de culte tant ces notions me paraissent opposées. Sans cette petite lumière indiquant la présence d’un pseudo esprit saint, idole que le croyant adopte en modèle, ainsi laisse-t-il son propre esprit sur le parvis où il peut se distraire avec les jongleurs, écouter les mystères, tenter, vainement, d’en saisir le sens. Je préfère m’y retrouver seul et qu’importe l’état des murs, ils dureront aussi longtemps que je le voudrais. Je me souviens d’une église de ce genre, des fouilles mirent au jour une nécropole antérieure. La croyance s’imposant remplace la précédente, les moutons ne sont pas perdus, l’étable est au même endroit ! L’église sur l’emplacement d’un culte pré-chrétien sait-elle qu’à son tour elle sera remplacée ? Vous fréquentez la chapelle de cet hôpital, professeur, vous y passez de temps en temps. Sans vous définir comme croyant quelque chose vous héle mais vous cherchez à l’extérieur ce qui ne s’y trouve pas. Vous aussi désirez vos murs et je parie que votre grand-père avait la même attitude. Ne vous étonnez pas de ne pouvoir avancer, vous êtes chargé de croyances si lourdes que vous ne pouvez plus marcher, à peine piétiner, la peur augmentera le poids que vous désirez porter ?

- Finement observé, cruellement exprimé.

- Simple reflet ! Nous sommes les jouets de forces nous dépassant. L’extérieur est apparence professeur, conventions facilitant la vie, mais derrière ? Votre chapelle n'offre que de fausses réponses.

- Et vos ruines que le vent froid du désespoir.

- Ne rien espérer c’est ne pas redouter l’avenir. Non que je pense que demain sera néant, je verrai ! Ce n’est pas votre philosophie. Nous sommes le produit de nos passés respectif, le mien vous le connaissez, quand au vôtre, vous le connaissez aussi. Moi j’attends.

- Optimiste finalement.

- Pour le moment. Rassurez-vous le soleil va tourner, je vais retrouver l’ombre et le doute me reprendra dans ses bras.

- Jusqu’au jour où vous n’en aurez plus envie.

- Viendra-t-il seulement.

- Il viendra, vous attendra, ce que vous en ferez…

- Personne ne m’attend dehors, je m’en souviendrais. Si quelqu’un m’avait aimé, ou si moi j’avais aimé. A moins que je ne l’ai repoussé instinctivement, certain de mon besoin de solitude pour continuer. Ai-je réussi, ai-je appris ? La leçon est devant moi, je l’ai retenue mais l’ai-je comprise ? De quoi me justifier ? Je n’ai pas le goût du pardon, pour le donner ou le demander.

- Vous êtes seul dans vos décombres.

- Mais j’y suis. Nous bavassons, des hommes intelligents comme nous ne peuvent-ils être plus clairs, plus rapides ?

- L’intelligence calibre un potentiel en réponse à un environnement, la faculté de le dominer, de s’y adapter.

- Je dois avoir un Q.I. inférieur à l’huître.

- Pas sûr, vous avez utilisé votre environnement pour rester sur votre chemin et y avancer. L’usage c’est autre chose ! Vous être intelligent.

- J’ai entendu cela si souvent quand j’étais enfant. Intelligent mais socialement inadaptable. J’ai su m’intégrer sans me perdre, à la lisière du monde. Le quittant j’aurais été récupéré, reformaté. Comment calculer le Q.I. du hamster ? Quand il fait tourner sa roue et mange ce qu’on lui donne il utilise son environnement. La société est une roue immense, nous tournons en courant aussi vite que nous pouvons, agitons nos petites pattes… Pour aller où ? J’en suis tombé, je vois mes ex-semblables continuer de s’agiter, m’étonne d’avoir survécu à la chute et au contexte. J’apprécie ce décor professeur, si cet arbre était un pommier je me serais interrogé.

- C’est un chêne.

- C’est une réponse ! Aucun péché n’est possible sans Ève.

- Vous le regrettez ?

- Non, cela ne changerait rien. Si vous étiez une femme la communication eut été plus difficile par émergence de l’émotionnel.

- Vous manipulez les émotions de vos semblables comme les vôtres.

- Elle aurait été la mère alimentant mon envie de naître.

- Supposition.

- Besoin d’un temps de répit, que se stabilisent mes pensées, de faire le point, au sens photographique du terme.

- C’est moins facile que vous le pensiez, n’est-ce pas ?

- Dire est gratuit, admettre le sens des mots demande davantage de soi. Vous aviez raison, je vous tire mon chapeau.

- Remarque ironique.

- Si peu, je sens une angoisse intérieure, fondée sur rien de visible. Un pressentiment, un souvenir attendant de me sauter au visage. Chercher ne m’aiderait pas, je douterais de ma trouvaille.

- Situation pénible n’est-ce pas ?

- Mais enrichissante, regrets peut-être de n’être pas perdu, d’avoir plongé mon regard dans l’abîme sans croire ses promesses. Je n’ai pas de mérite, elles sont fausses. J’imagine que je suis resté inanimé un moment. L'ouïe fonctionnant permet à la mémoire de conserver des bribes de ce qu’elle perçut. Ai-je entendu quelque chose me concernant, des remarques désobligeantes, des commentaires sur mon état ? Moqueries d’infirmiers me manipulant et me pensant légume définitivement. Enterré vivant en soi professeur, une situation que je ne vous souhaite pas. Je ne parle pas de ce syndrome qui permet de bouger encore une paupière. Être inerte, enterré sous-soi-même, prisonnier d’un esprit paralysé à la suite d’un choc violent. C’est ce qui me fit dire qu’au cœur de la folie la plus coercitive l'âme sait survivre. Je fus là haut, vis une lumière, je traduis un ressenti inexprimable autrement, puisant en moi des ressources inconnues j’ai réussi à me réveiller. Étais-je branché à un moniteur de contrôle, sonna-t-il pour manifester un changement dans la courbe de mon EEG ? Des curieux en blouse blanche autour de moi, heureux de l’autopsie qui s’annonce, à cerveau ouvert, à âme béante. Et vous en scalpel. C’est une promotion.

- Pour revenir d’un pareil voyage il faut une forte motivation.

- Transmettre un message, celui que je tentais d’exprimer dans mon œuvre en m’efforçant d’être le plus clair possible. La transcendance de ma vie, pas seulement un chemin personnel inutilisable par autrui.

- Mais tellement complexe.

- Il faut la mériter. Le souvenir de votre grand-père, de sa quête, vous hante. En rêve il vous encouragea, soutenant que vous étiez dans la bonne direction ? Simple auto-encouragement, pas la manifestation d’un spectre lointain.

- Je sais.

- C’était agréable pourtant. A la lumière de nos rencontres mes textes paraîtront plus clairs, s’il s’avère que je ne sors pas d’ici je serais heureux que vous les utilisiez de la meilleure façon. Je ne demande rien de plus, peut-être un jour, quelque part, se trouvera-t-il quelqu’un capable de les comprendre.

- Je ferais au mieux.

- Je ne vous mets pas en garde contre le danger de comprendre, vous êtes au courant, regardez-moi ! Évitez les idées préconçues et tout deviendra possible. Tout… ou presque.

 

Vivre ? Est-ce se sentir vivant que de se poser la question ? Devant le miroir l’âme ignore ce qu’elle voit, craint ce qu’elle perçoit. Dans l’image ce sont les arcanes d’un passé immémorial qui l’entraînent, chemin de pierres dispersées sur un torrent acide.

Je voulus y plonger, m’y perdre, la douleur m’arracha à la tentation, douleur externe, écho d’une autre, incompréhensible.

Douleur en promesses de plaisirs nouveaux, violents, de délices sans fin, d’un paradis masque du néant.

Toutes ces petites cages autour de moi, niches rappelant les tombeaux précolombien où chaque creux recèle une momie.

Je sais, ce sont des ombres singeant la vie comme si elle valait la souffrance qu’elles endurent. Hamster courant à perdre haleine, entouré d’autres croyant l’avoir choisi. C’est une forme perverse de vampirisme, de domination.

Combien de petites histoires, de rêves fous, d’espoirs, d’envies de faire comme moi ? Sensation de vertige et le cri au dernier moment quand l’esprit constate son erreur, qu’il voulut sans pouvoir, visant une destination inaccessible.

Je devine, cachée, une créature absorbant nos émotions. Sujet d’une nouvelle, et le grand-père ayant appris au cours d’un voyage en une terre secrète, une île probablement, des secrets de maîtrise de la vie éternelle. Ce serait amusant de rédiger cela, plus si c’était vrai.

Une collection de rêves, chacun apportant un plaisir particulier. Un jour la science permettra de plonger dans un cerveau pour lire ses pensées et ses émotions. Cela sera proposé à de riches oisifs en manque de sensations, pensant que la folie est le voyage à la mode.

Tant de formes humaines abritant autant de chaos psychiques, tant de sources encore pures mais, je suis rassuré, plus pour longtemps.

Écrire exprime ce désir, amener l’autre en soi, lui faire partager nos pensées, nos ambitions, nos cauchemars parfois. Là ce serait plus simple, une plongée en direct au cœur de l’inconscient, et puis quoi ? Je me vois attirant les curieux, par les mots ils viendraient dans mon esprit, ouvriraient le leur pour ne pas perdre le mien et seraient heureux de se noyer à ma place, croyant imaginer une mort qui serait réellement leur.

C’est elle qui s’amuserait.

Leurs cris résonnent en moi et pourtant par leurs bouches c’est moi qui hurle, ou l’aurais dû sans le pouvoir ? Leurs échecs me firent avancer. Les pierres sur ce fleuve chlorhydrique sont les âmes perdues d’avoir trop avancé.

Passer par autrui, dévorer leurs errances pour en goûter la substantifique moelle, au cœur d’os si durs que leurs volontés ne purent les briser.

Douter mais avancer, m’arrêter serait disparaître. Éviter les chemins trop fréquentés. Délires en chemin de pierre, murs que moi seul perçoit au travers de mots suintant d’un sang ayant perdu son pouvoir de coagulation.

Transpirer du sang, m’agiter et le répandre, regarder les gouttes éclater sur le sol, les parois, se muer en petits êtres animés d’une volonté propre, s’organisant, dessinant…

Suffit-il de croire pour que son rêve devienne réalité ou est-ce le meilleur moyen de continuer à rêver ?

Je peux tendre les bras, toucher le vide, si mon cerveau m’indiquait autre chose je le croirais. Douter de lui serait tout perdre. L’espoir murmure aux déments qu’ils peuvent arriver quelque part. N’ayant que cela ils le croient.

Le reste est derrière les murs.

Être debout, tournant en rond, assis sur un tabouret vissé au sol, attaché sur un lit ou prostré contre un mur capitonné, bouche obstrué par un bandeau, corps tenu dans une camisole, comment savoir et trouver la différence ? S’il en existe une, et une seule !

Suis-je à ma place ici ? Est-ce moi qui me trompe, cherchant une introuvable solution, un mot de plus sur une page de silence, entendant mes murmures comme venant de voix si différentes de la mienne qu’ils devenaient étrangers. Et ces voix étant l’incarnation de ce que je suis…

Je pourrais courir, m’amuser, retomber en enfance, ce lieu ressemble à un préau, un carrefour d’âme, un delta, et l’océan du rien nous attend !

C’était si facile de laisser glisser les pensées, plus d’effort, l’envie de continuer, se nourrissant d’elle-même, d’une vie dont je n’avais pas l’usage.

Combien de rires éclatèrent-ils dans ces chambres, coururent le long des couloirs, traversant les murs, cherchant à être entendu pour ce qu’ils étaient, des hurlement de douleur, d’une terreur qu’aucun terme ne saurait décrire.

Ils m’entourent, grouillent, je m’en nourris, chacun contenait la goutte d’espoir dont j’avais besoin pour m’abreuver et continuer mon chemin ?

Oui, j’entends ces âmes éperdues. Ici… L’antichambre de l’Enfer, celui qui n’existe qu’en soi, qu’en moi… Quand ? Moi ?

J’aime l’idée d’un esprit tétant la folie, envahi, déformé invisiblement. Donnant à son âme une chance d’accéder à un avenir que la normalité assassine.

J’entends ces murmures, m’ouvre pour les unir, les accepter et qu’à travers moi ces souffrances ne soient plus inutiles.

Vanité professeur ? Délire mégalomaniaque ? J’assume !

Sans y croire mon cerveau tape à la machine sans machine, sans ruban, sans feuille, il continue, recommence, oublie qu’il est une ombre lui-même.

J’ai goûté le lait de la folie, ma conscience mit du temps pour s’y faire. Maintenant elle sait avoir survécu, elle s’explore et sait que l’habitude n’utilise qu’une infime partie de l’être. Infime…

Combien de temps encore ? Quelques gouttes, quelques larmes coulant sur mon visage, quelques souvenirs à demi effacés, des restes rongés par mon appétit. Trop longtemps enfermé dans un placard il était normal que j’en vienne à m’acharner sur la même coquille, sur le même résidu, mais je lui ai toujours trouvé du goût, toujours.

Combien ? Et avant quoi ? Quelle naissance à venir ?

Comprenant ce que je dis j’aurais peur et demanderais à être enfermé, je m’allongerais sagement pour être attaché, j’ouvrirais grand la bouche en quête de médicaments salvateurs. Je le ferais si j’étais sûr d’avoir raison, que derrière cette construction baroque la plus infime réalité s’abritait, attendant d’être assez forte pour jaillir, pour pouvoir, enfin, assouvir sa faim inextinguible.

Comment un esprit soumis à une telle confusion peut-il résister, et pourquoi ?

Suis-je en train de m’enliser dans l’illusoire ? Que suis-je ? Une conscience devant son reflet appréciant sa réalité, son désir d’être, sa peur.

J’ai peur ?

Oui ! Je peux regarder devant moi, chercher à comprendre, imaginer autant qu’entendre les autres…

Combien de cages, d’essais utiles puisque je suis là ?

Est-ce l’image que je me fais de moi-même, est-ce l’impression en creux d’une réalité de laquelle je doute encore ?

Croire en mon délire jusqu’à y entrer.

La folie derrière tant de masques a un seul aspect, elle est la peur de son propre désir, et c’est bien ce que je ressens.

La peur de mon désir…

Plaisant, non ?

Dans l'Ombre des Murs - 11

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7 février 2009 6 07 /02 /février /2009 07:01
Dans l'Ombre des murs - 8 
 

                                                  09


Vivant ? Mot curieux, nouveau jouet difficile à manipuler.

Les mots coulent, je me sens cascade, ruisselant. Émerger de la folie est plus ardu que sortir de son bain. L’esprit se vide des images qu’il crut siennes, des pensées qui, un temps, l'animèrent.

Poignard ? On dirait une clé, je la vois plongeant dans ma jambe, cherchant une serrure qui ne serait pas définitive. L’acier tranche mes chairs, lacère mes muscles, par réflexe je le jette, saisis les lèvres de ma plaie, bouche de l’Enfer, baiser diabolique, les écarte pour plonger une main à l’intérieur. Détaché des sensations je regarde quand une vague de souffrance remonte, mascaret de douleur alors que le sang forme une tache s'élargissant sur le sol.

Saisir l’os, l’arracher, ne plus bouger, enfin affronter l’ennemi.

Est-ce la raison de ma présence ici ? Auquel cas je ne m’étonnerais pas. Perte de sang, lésions cérébrales irréversibles, s’infliger un tel traumatisme traduit un grave trouble de la personnalité. Je n’ai pas souvenir de quiconque tentant de mettre fin à ses jours de cette façon, ce n'était pas mon but, seulement à m’arrêter d’écrire pour comprendre en observant de près ce qui me pourchassait.

Des mots, l’enfant joue avec ses cubes, l'image lui déplait, facile de la renverser pour en trouver une nouvelle, distrayante un moment, nous ne lui en demanderons pas davantage.

Regarder ma cuisse, trouver la cicatrice ou ne rien découvrir ? Cela ne reviendrait pas à avoir une explication plausible.

Quel endroit me conviendrait mieux. Penser, utiliser mon énergie, pas de contraintes, puiser dans mes souvenirs, lancer les mots, espérant qu’ils remonteront une prise intéressante et nourrissante.

Creuser, creuser encore, chercher à m’épuiser, à ce que tombent les barrières intérieures. Comment croire en ce qui est ou semble vrai ? Facile avec des mots, ils ne signifient rien, mais qu’ils aient un sens et la peur reviendrait. Et j’aurais peur qu’elle ne le fasse pas ! Peur de pouvoir faire face, de me percevoir vivant. Alors vous comprendrez que ce mot me terrifie !

Creuser, puiser dans ce flot d’émotions, porter les mains à mes lèvres. Découvrir que je ne ressens rien, que je ne tiens rien, que…

Dites-moi professeur, pensez-le fort j’entendrais ! La nuit ne tombe pas, ma perception du temps est-elle différente où s’étire-t-il comme en un rêve ? Il me reste un piège à comprendre, une mort à accepter. Je ne reviens pas de la mort j’en viens, tout simplement.

Fermer les yeux, voler, plonger dans l’espace, que rien n’arrête mes pensées. Ces murs me bornent et s’estomperont quand ma densité sera assez grande pour vivre sans limite extérieures.

Pour un peu je me serais attendu à apercevoir un enfant collé contre le mur, faisant tout pour passer inaperçu, celui que je fus, autrefois, quand je mimais les autres…

Je le revois, un parc sis sur les contreforts d’un massif montagneux, seul face à une paroi en surplomb, mur lisse, moqueur. Je pourrais le retrouver, imaginer ce qu’il ressentait, le rendez-vous qu’il prenait avec maintenant. Déjà j’avais besoin d’une limite devant mes yeux pour l’imposer à mon esprit, comme quand plus tard je trouvai refuge dans un placard, les murs à portée de mains, rassuré sur l’extérieur, pouvant plonger vers l’intérieur.

Seul il attendait, le sachant il aurait tout fait pour refuser cet écho d’un futur en formation qu’il était trop jeune pour assumer.

Mots comme des plaies suintantes, je regarde mes mains, mes pieds, Les clous du destin ont disparu, les aurais-je arraché ? La patience est ma plus sûre qualité.

J’ai eu si peur de moi. Fantasmes peluches, délires en compagnons de jeux. Rangés dans leur boite, oubliés dans le passé, qu'en faire.

J’ai voulu, j’ai cru, j’ai attendu, en vain, aucune aide ne vint, encore que le moindre contact m’eut brisé comme un choc peut détruire le diamant le plus pur, je ne parle pas de ma valeur, seulement de ma dureté, de mon désir de luminosité transparente.

Yeux fermés j’entends le flot des pensées courant dans cet endroit. Délires, souffrances, qu’y pouvez-vous sinon tuer l’être pour anéantir ses tortures, en faire des zombis, et encore, il est des zones où la chimie ne peut rien, où seul l'esprit trouve sa voie.

J’imagine les couloirs, chaque patient dispose de son territoire, celui-ci se tient près de la porte, celui-là près du radiateur, la douceur le rassure, la chaleur, enfant peut-être était-il battu et restait-il des heures dans un coin, tant de choses s’expliquent ainsi.

Celle-ci comptant ses pas, sa survie en dépend. Mais elle hésite, se trompe, le croit, recule et recommence encore et encore, autant de territoires synonymes de survies individuelles, de comportements ayant le même but. Le mien est d’écrire, et j'eus l’avantage que nul n’en prit ombrage, sans quoi je serais arrivé plus tôt.

J’aurais trouvé mon rôle de sauvegarde, une machine sans ruban ni feuillet. Le geste, taper sur les touches, le bruit m’aurait rasséréné, j’imagine quelqu’un me confiant du papier, qu'aurais-je écrit alors.

J’avance professeur, les graviers me blessent mais j'aime ça. Je tourne en rond, hamster ayant accédé à la bipédie. Rongeur qui s’arrêterait soudain de courir dans sa roue, hésiterait en lançant des regards inquiets autour de lui, comment, conscient, continuer ?

Souris blanche observant l’expérimentateur, cessant de courir, s’approchant du bord, levant la tête et plongeant son regard dans celui du laborantin pour le défier, lui dire qu’elle sait, sans mot, seulement par l’avertissement de l’instinct, par l’envie d’essayer quelque chose, par lassitude d’un comportement non naturel.

Le scientifique s’amuserait d’abord, ensuite … Que se passerait-il si les animaux de laboratoire cessaient de coopérer ? S’ils décidaient de renverser les rôles, n’est-ce pas déjà le cas ?

Combien de vos pensionnaires sont-ils fous professeur ? D’une folie comprenant le réel, s’y adaptant pour le manipuler en retour ? Je refusais de parler, de dicter, pas assez rapide, l’acte plus personnel m’eut rendu les choses plus difficiles en leur donnant une clarté plus grande. Maintenant c’est différent, j’imagine écrire, mes doigts courent sur le clavier, habitude !

Tant de murs sont en nous, dédale inutile, nous nous voulons cobayes pour détaler sans lever les yeux et découvrir que personne ne nous observe. J’eus besoin d’un regard attentif, utilisable. Le vôtre !

Vous ne m’en voulez pas professeur ? N’est-ce pas ?

Ai-je encore du temps ? Oui, juste assez.

C’est suffisant. Bienheureux les malcomprenants ! Pour les autres il existe des endroits comme celui-ci, gîtes amicaux, un peu limité côté confort mais sympa malgré tout.

Bienheureuses les ombres au pays des ténèbres !

J’ai senti sur les lèvres le contact de sa bouche. Sa pestilence était si forte que j’en fus arraché au sommeil. Si j’ai raison…

Raison ? Quel mot dans ce contexte ! Contexte, et en verlan ?

La mort en examen de passage en classe supérieure, niveau plus complexe, plus évolué ou à la béance du néant ? Et si cela relevait du choix personnel, moi, que puis-je vouloir de quoi ai-je envie ?

La Camarde fut la compagne de mes jeux, répondant à mes ordres, je la donnais, l’imposais par les mots sur le monde entier. Combien de presque semblables dans cet hôpital, la craignent-ils de l’avoir vue de trop près, combien tombèrent-ils dans la folie faute d’une réalité suffisamment forte pour les réceptionner.

J’ai saisi le sein de la folie, accroché par la force brute de l’instinct, de la vie. Le sevrage est difficile.

Je suis entré dans le mirage, appréciant ses promesses, sa voix, ses formes, pour résister à mon désir de rejoindre le troupeau. Si je l’eus jamais ! Je me souviens, ne le supportant plus, descendant du car transformé en bétaillère, incapable d’aller au cinéma, courant le long du mur dans la direction inverse de mes dissemblables.

Ils voulurent me retenir, me proposant une place intéressante, avec plein de faux avantages, de possibles en bulles de savon attendant d’éclater pour me rire au nez.

Enfermé, isolé, je pus commencer de vivre.

Chaque grain de sable de ce désert est un mot, chaque dune l’illusion de l’aboutissement alors que c’est l'immensité qui est la réponse. Je le sais maintenant après avoir failli ne pas comprendre.

Un sursaut au dernier moment. Je reconstitue une pensée à partir de son ombre qui laissa en moi une cicatrice profonde. Lame d’acier fouillant mes chairs… ou autre chose ? Ce qu’il fallait pour me retenir.

Regarder mes jambes, savoir, ce serait facile, y ai-je droit ?

Le métal froid, un hurlement qui me réveille, je ne désirais que la paix de l’oubli, mais non, j’ai crié pour vivre encore. Encore…

Approcher le gouffre, entendre son appel, me savoir capable d’y disparaître, il le fallait pour le geste de recul salvateur.

Dans mon enfance j’ai puisé les solutions pour passer au travers. Pour survivre ai-je fait autrement ?

Des bruits, je fus entendu, on vient me secourir, avantage d’habiter près de la caserne des pompiers.

Masque à oxygène, transfusion, c’est la vie des autres dont j’avais besoin, de cette façon je prends sans voler ce qu’on me donne.

Moins différent que je le pensais, défricheur d’un possible terrifiant.

J’aime cette expression "possible terrifiant !" Elle est claire n’est-ce pas professeur. Vous la comprenez.

Ai-je agit ainsi, ai je sauté dans une rivière glacé ? Dans un cas comme dans l’autre la représentation se suffit à elle-même.

Elle m’aime ?

Et si c’était vrai !

Elle… mais qui ?

Cela devrait me dire quelque chose, elle. Oui, je me souviens, c’est loin mais si marqué que je ne pouvais l’oublier.

Une image pour seule compagnie. Aurais-je tenu sans éprouver de sentiment ma résistance était inutile. Alors elle donna à ma vie le ciel dont elle manquait. La lumière existant en moi devait être sollicité, dans l’obscurité totale les mots m’eussent anéanti.

Le lui ai-je dit ?

Je me souviens d’une rencontre, moment d’une intensité hors du commun. En cet instant, quand elle devint réalité, je réalisai le péril de ma situation. Restant fictive elle m’aurait accompagnée sur le manège d'un délire définitif.

Je l’ai touchée, embrassée avant de partir sans me retourner, errant dans la ville les yeux pleins de larmes.

Elle fut l’incarnation du réel dont j’avais besoin pour que les ténèbres ne deviennent pas intégraux. Ce point de lumière aux confins de la lucidité. Je peux penser que je ne la reverrais jamais.

Belle histoire n’est-ce pas ?

Vous ne dîtes rien, jaloux !

Savez-vous ce que vous êtes professeur : Le chien de berger de la banalité, rêvant de quitter le troupeau.

Je suis bien sur mon chemin, seul, suivant la crête, regardant les espaces m’entourant, vous devinant tout en bas, si loin que je doute que vous existiez encore.

J’aime la sensation du vertige, la violence de l’appel, le mal que je me fis plus que celui que je commis. J’aime le présent et l’avenir même s'il prouve que je délire. L’important est de passer un moment sympa.

Le couteau, la rivière glacée ?

Était-elle là alors où y eut-il une autre rencontre ? Vous le savez mais il vous manque une pièce du puzzle, la seule que je détienne encore, la plus importante, celle qui explique tout.

Ai-je été à l’hôpital, le normal je veux dire ? Retour au point de départ, chance de renaissance, j’imagine la curiosité autour de moi, une blessure pareille ne se voit pas tous les jours, et puis les voix, les commentaires. Je suis si loin et pourtant je vois, j’entends. Comme tant d’autres, par en dessus, après coup peut-être, qu’importe, je ne cherche pas la vérité, seulement la vraisemblance, la cohérence !

Et maintenant ? Quelle porte à ouvrir, sur quelle suite du chemin. Combien de fois me suis-je déjà posé la question,?

Y a-t-il seulement une sortie ?

Penser, chercher lucidement ce que je dois trouver. Quelque question que je pose, je peux me répondre ce que je veux, et son contraire.

Croire en mes délires m’aiderait. Qu’est un fou doutant de ses récits ? Un simulateur ou un individu dangereusement éveillé ? Suis-je ici pour y croire ? Pour que la démence s’empare de moi ?

Des semaines de coma, mon cerveau lésé au moment de retrouve la surface, l’éveil se poursuit, pénible. Il ne s’agit pas d’ouvrir les yeux, de sourire en criant à la cantonade. Je poisse d’interrogations qui se détacheront une fois les réponses trouvées.

Me rendormir, laisser les murs se refermer et m’engloutir. Laisser ce que je peux de ma vie, et si je ne donne pas la bonne direction au moins en interdire une pour l’avoir explorée sans y trouver mieux que mon destin. Je suis au carrefour, tant de voies s’offrent que je crains qu’elles ne conduisent à une seule destination.

Il doit y en avoir une bonne, je me fais confiance pour oser la choisir.

* *

- Bel endroit pour un Centre de Reconstitution et Rééducation Mentale ! Appellation moins désobligeante qu’asile de fous. Une réserve d’inadapté d’un côté, de pauvres types friqués de l’autre, des cobayes et des payants, c'est intelligent.

- Je suis heureux que vous le reconnaissiez.

- Sans me forcer, il y a tant à faire. Je me souviens avoir été captivé par la neurologie. La difficulté des autodidactes n’est pas d’apprendre ou comprendre, c’est de tout mettre dans l’ordre. Vous le pourriez ?

- Vous voudriez vous y mettre sérieusement ?

Trop tard, mais pour vous tout se tient, une pensée ne peut être séparée de son milieu physique, comme un comportement s’explique par le contexte familial ou social. Il y a une forme de reproduction.

- L’idée est bonne mais vous connaissez la vanité des spécialistes, chacun croit détenir le vrai savoir et méprise les autres disciplines.

- Un esprit assez ouvert pourrait faire l’union des recherches dans des domaines pas aussi éloignés qu’ils en ont l’air.

- Je crains qu’il n’existe pas.

- Pas même vous ?

- Vous voulez me flatter mais je connais mes capacités.

- Ce n’est pas grave pour moi. Je songeais à ces âmes errant en vain.

- Servir autrui leur apporterait un soulagement ?

- Oui, quelque état de démence qui ait été atteint il reste une part de soi au cœur de circonvolutions mystérieuses, inexplorées, comme la surface de notre planète. N’y a-t-il pas encore des endroits où notre curiosité ne nous fit pas aller. Que savons-nous des secrets de notre encéphale… Je me sens partir dans le discours pseudo-scientifique logique pour un psychotique cherchant à étayer ses théories en prenant pied sur des réalités qu’il croit dominer. Peu importe c’est un jeu et s’il ne sert à personne je me serais fait plaisir et vous aurais apporté l’illustration que vous cherchiez pour je ne sais quel article comme : " Le génie et la folie finirent par se mélanger !"

- Se mélanger ou s’unir pour avancer de concert vers les terres inconnues de la psyché humaine.

- Ce serait bien ! J’évoquais un substrat résistant du soi profond, accessible par certaines émotions, réceptif à une satisfaction, celle de ne pas souffrir pour rien. Oui, la Passion est une clé incomprise par ceux qui l’utilisèrent. Se sacrifier, dans le sens premier. l'opportunité manque mais peut-on la provoquer ? Utiliser la souffrance serait un médicament plus efficace que les vôtres, esclaves chimiques de vos perversions médicales, avec pour risque de soulager vraiment la cause de ses tourments. Le nourrisson ressent ce qu’on lui dit sans connaître les mots. Un malade mental n’est pas loin de cet état.

- Jolie comparaison. Vous auriez aimé qu’on vous parlât, bébé ?

- Cela m’aurait troublé, déséquilibré. Malgré les apparences je prêche pour ma paroisse, elle est si peu fréquentée, même par moi. Les murs se lézardent, les vitraux sont tombés, je marche dans la nef et les craquelures de la voûte appellent le désespoir.

- Je ne pensais pas que vous prendriez cette comparaison.

Dans l'Ombre des Murs - 10

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4 février 2009 3 04 /02 /février /2009 07:06
Dans l'Ombre des Murs - 7 
 

                                                  08


Est-ce le message de ces murs ? Je les ai touchés, leur ai parlé. Ils représentent ma peur d'un monde hostile. Je suis dans une cage et heureux d’y être malgré ce que je dis, craignant d’en sortir, de me découvrir inutile dans un monde qui ne m’attend plus.

Dormir sur le sol, à l’abri de ces amis près desquels je vis depuis si longtemps. Eux sont réels, eux... Je suis un animal accédant à la lucidité. J’imagine que parmi nos ancêtres il s’en trouva un pour deviner l’atrocité du chemin se présentant, criant pour le refuser, incarnant cette peur dans un désir apocalyptique inconscient qu'ainsi même il obéissait à l'ordre de la vie.

Redevenir minéral, dormir enfin d’un sommeil sans rêve.

L’âme est un piège, une porte sur l’Enfer. Est maudit qui y a accès. Géhenne véritable, pas cette vision ridicule de démons en sabots, à la queue fourchue, précipitant dans des cuves d’huile bouillante les damnés prisonniers de leurs mauvaises actions, celui guettant qui goûta au fruit de la connaissance, à sa pulpe de lucidité. Le Paradis est le drogue de l’oubli, la plante faisant dormir les yeux ouverts.

Je comprends pourquoi quand je fus traité de Diable je le pris pour un compliment. L’est qui touche à la conscience et risque de ne pas supporter ce contact.

Diable tentateur, prometteur, frappant à la porte de sa cellule, maudissant qui ne croit plus assez en lui pour ouvrir.

J’ai frappé à cet huis mais je suis heureux qu'il soit resté clos. Je me serais précipité. Heureux de courir mon esprit n’aurait plus accepté de s’arrêter, n’aurait pas compris de le devoir. L’inflation l’aurait dilaté hors des limites du raisonnable. Heureux fut-il d’être obéi, heureux ces mots qui se tarirent. Par leur absence, la porte resta fermée et mes hurlements heurtant les cloisons me revinrent, compréhensibles.

Le pire est de réussir. Que faire une fois atteint le bout du chemin, se sachant capable de marcher sans destination accessible. Les pièces du puzzle se mettent en place, l’image finale sera ce dont je suis porteur, ces promesses qui me dépassent. Je suis un bourgeon sur l’arbre de l’éternité, un possible dont rien ne dit qu’il s'incarnera.

Être clair m'est difficile, je cherche mes mots, feins de les choisir, me répétant, guettant au travers de ce fouillis une sortie accessible.

Je suis sur le vide, seule position pour attirer le troupeau, je sais ce qui se trouve en dessous et que j’aurais pu, dû, y tomber. J’ai fermé les yeux en l'espérant mais spontanément je fis appel à des capacités que j’ignorais posséder. La sur-conscience qui me dirige sut les employer. Je vois le gouffre, entend ses serments, il sait que, le voulant, je ne pourrais plus y disparaître.

Y précipiter mes pseudo-semblables, les laisser couler autour de moi, flot d’inutiles se perdant à jamais, ensuite relever les yeux, regarder, tendre les bras à qui resterait.

Ils m’imploreraient, me supplieraient, me prieraient… Une prière c’est l’âme s’interdisant de chercher en elle du secours.

Ils me haïssent de ne pas tomber avec eux. Encore que…

Au contraire, heureux de ce qu’ils verraient comme le Paradis, celui où le soi s’efface. Rester debout, yeux ouverts, lucide face au monde. Voilà l’insoutenable. Le plus intéressant est de se laisser dissoudre pour croire en d'infantiles royaumes où un père omnipotent prendrait les décisions. Être l’ombre d’un possible dans une nécropole d’âmes perdues dans un océan sans limite.

Et moi ?

Un rôle si important peut-il m’échoir quand cette pensée ressemble au délire d’un faux prophète ? Le mot est joli, lourd d’une réalité que ne comprennent pas ceux qui s’en vêtent. Je le crains, sur mes frêles épaules il m’engloutirait.

Je souris, imaginant mes ouailles se croyant en route pour la Terre Promise, en fait ce serait du gouffre annoncé dont ils hériteraient. Ils me remercieraient de les avoir conduit. A quoi bon s’installer dans un désert si c’est pour ne trouver d’unité que dans les difficultés ? je propose une solution définitive à toutes les interrogations.

L’absence !

Je sens la rage qui m’habitait, l’animal en moi luttant contre les contraintes, une chance qu’il ait conservé ses crocs, ses griffes. J’ai voulu me vider dans mes textes. J’ignorai qu’ainsi je me trouverai.

Je me voyais écrire pour un jour taper le mot FIN, l'ayant tapé j'ai dû commencer une nouvelle histoire.

Le sang fait une belle encre quand il est frais, en moi il a perdu la vie qui lui donnait son éclat, qu’il m’en reste assez pour dessiner mon nom sur une tombe, sur la couverture d’un livre, j’aurais voulu… Le réel s’est enfui, j’ai fait au mieux pour ne pas m'égarer.

Je tourne autour du pot pour ne pas voir. Proche je change de sujet. La danse des murs, Le jeu consiste à les traverser, symboliquement. Ils disent ma peur de vivre, de me trouver. Je quitterai cet endroit ayant accepté intérieurement d’être ce que je suis et seulement cela. Ce serait pas si mal si j’en juge par mes efforts pour m’aveugler.

La solution est en moi, bien qu’à la différence du professeur je n’eus jamais envie de la chercher. Elle me serait utile pourtant.

Pour moi ? Je pensais aux autres, à la différence entre un individu et un objet. Question de psychopathe !

J’aimais ce mot par ce qu’il sous entendait d’individu noyé dans ses peurs et sa démence, se voyant tout puissant, sans doute. J’en fus proche dans mes meilleures années, mes idées filaient, les pages s’accumulaient, j’avais perdu tout recul sur moi-même. Être plus qu’un prophète, quasiment un dieu n’ayant qu’à vouloir pour obtenir.

Je ne suis jamais parvenu à ce niveau d’aliénation. C’eut été claquer la porte derrière moi sans possibilité de la voir se rouvrir. Non que je sois libre mais j’ai pu m’aventurer hors des contraintes-berceaux entre lesquelles je tins assez longtemps pour grandir, regarder, puis accepter ma situation. Je fais mes premiers pas d’âme. Je tâtonne, cherche, hésite, je ne sais que faire mais je trouverai. Je tombe, recommence, dans quelques temps la clarté se fera, mon cerveau aura réussi les connexions adéquates. Alors je saurais marcher, alors je songerai qu’il est possible de courir !

Schizophrène est aussi un joli mot. Un esprit se scindant, s’ouvrant, une forme de naissance. Folie sage-femme, j’aime !

Mon cœur s’accélère, lui se souvient, ces moments d’émotion intense, la peur se mélangeant au désir, l’envie irrépressible me submergeant tant que je ne me rends plus compte que je cède. Je saisis l'utilité du pont, je voulais sauter, physiquement, psychiquement j’avais disparu depuis longtemps dans un tourbillon dépassant les profondeurs imaginables, fracassant les limites concevables.

J’étais, non ! Je n’étais pas, je n'étais plus, absence secouée de courants intérieurs incontrôlables.

J’aimerais que la pluie tombe, que le vent se fasse tempête, mais le soleil reste bien qu’il y ait plus d’ombre que de lumière. Dans cette pénombre l’esprit, à l’aise pour fonctionner, puise en lui-même des savoirs qu’il ignorait receler. Je peux douter de mes sens, les murs semblent tangibles pourtant, mais un esprit sait se mentir, agir sur ses zones de perceptions. Le corps est une extension du cerveau pour garder un contact avec l’univers physique, pas le plus important, le plus simple, comme un berceau.

Un berceau ?

Oui, corps-couffin, corps-couveuse. Il m’aida à vivre, à grandir, un jour je le quitterai, sans le détruire. Ma mort sera différente. Ce paradis imaginé, cette faculté intégrée à notre personnalité la plus intime que nous percevons sans la définir. L’enfer c’est l’impossibilité de dépasser la barrière du concret. Avons-nous une chance ainsi que l’affirment certaines théories ? Pourquoi pas, mais elles sont d’accord pour une libération finale, pour estimer que la suite de réincarnations doit déboucher sur… Qui y fut et en revint pour en parler ? Le couloir, la lumière, le possible en devenir, l’espoir de la vie, son futur que nul ne put entrevoir. Nul…

J’aime cette image, la mort murmurant à mon oreille les secrets qu’elle tait d’habitude. Une réalité que j’exprime à ma façon, avec des mots, des analogies. Ces mots s’adressent à ceux tentés par ce chemin, peut-être la vérité que cherche le prof, après son grand-père, comme tant d’autres, depuis des siècles.

Idée folle professeur ? Vous entendez mes paroles ? Est-ce le but de votre quête ? Lucidement, comment vous libérerez de la réalité, de la matérialité au point de l’oublier, au point de passer le pont, d’aller ailleurs, pensez-vous, vraiment, en être capable ?

Et moi ? Je l’espère ou le redoute ?

La folie en couveuse, en intermédiaire. C’est elle Charon, pourquoi ne pourrait-il être féminin, guidant l’âme par-dessus le fleuve des peurs, des délires et des terreurs.

Un pont ! J’use d’images symbolisant des concepts imprécis. J’ai pris celui-ci puisant dans mon enfance l’élément convenable.

Un pont ? Un passage sur le flot de la démence, et moi en sortant ! J’y suis tombé tôt, manquant m’y dissoudre, en réchappant par hasard puisque miracle est un mot inquiétant. Qui cède au courant ne trouve rien sinon un châtiment au prorata de son défi à la Création.

Un pont sur lequel j’ai pris pieds, joues humides de larmes de terreur, tremblant d’une folie me tenant la main. Je me souviens, la noirceur du fond, l’envie de remonter à la surface. Je le sais maintenant, la solution est mauvaise, au contraire, il importe de creuser, d’utiliser ses ultimes forces pour cela. Sortie il y a, mais de l’autre côté. Ainsi peut-on échapper à l’attraction du trou noir en l’utilisant pour foncer au travers. J’ai creusé, me suis cassé les ongles, arraché la peau, mes os servirent de pioches, rien ne pouvait m’arrêter, j'agissais sans comprendre, spontanément. Entrevoyant la réalité de ma situation j'aurais reculé devant le chemin à parcourir. J’ai laissé filer le temps, pris dans ma tâche, rien ne devait m’importuner ni s’interposer.

Cela vous rassure professeur de penser que je continue mon délire, croyant en sortir j’y replonge. La folie rend le monde de l’autre impossible, alors qu’il est, pour le spectateur, seulement inaccessible.

Vous sentiez ce monde, le désirez, avez pu le toucher au travers d’esprits qui luttèrent, s’enhardissant au plus près du pire mais la démence fut la plus forte, ils chutèrent de la barque ou se jetèrent du pont. La noyade semble l'unique échappatoire. Immersion totale, un baptême dans la démence.

Un baptême, une immersion ?

Je fus plongé tôt dans ce flot, il se révéla nourricier mais mon âme en souffrit, l’alimentation inhabituelle sollicita en elle des souvenirs que les millénaires n’avaient pas effacés. Ce "lait" me convint, venu plus tard je l’eus régurgité. Pour l’admettre il est nécessaire qu’il soit l’aliment premier.

Les choses deviennent… J’allais dire : plus claires, disons cohérentes. Je sais, un dément tient un discours inattaquable et lui démontrer qu’il se trompe est impossible. Vous échafauderez pourtant un discours théorique que vous réciterez pour vous convaincre que j’ai tort, que je fuis une réalité si banale que je lui ai substitué un possible aux dimensions de l’éternité où l'individualité aurait disparue, où je serais composant d’un tout avec lequel je ne ferais qu’un.

Mon cœur se souvient de cette époque d’avant ma conscience. Il se souvient de ce qu’il fit, de ce qu’il ressentit.

Folie en berceau, en nourrice, autant de représentations de la même idée, une part de moi se nourrissant d’ailleurs. Si mon corps avait besoin d’aliments basiques mon âme téta goulûment autre chose, aspirant le maximum pour croître, pour dilater cet esprit, socialement admissible, culturellement formaté. J’ai brisé après avoir feint de l’accepter une armure de médiocrité trop fragile pour me retenir. Reste ces murs et derrière eux un destin que j’entrevois désormais.

J’ai creusé, je me souviens, la souffrance, les larmes. Les émotions me chahutèrent, un cyclone qui aurait pu me disloquer. Je revois l’enfant que je fus, se croyant non-vivant par l’absence renvoyée par son entourage.

Éclaboussures de sang, le mien, et si je commis tant d’atrocités dans l’irréel ce fut pour calmer ma douleur la pensant l’écho de celle infligée à mes victimes.

J’ai tant tué, j’ai sacrifié !

Joli mot, excuse de tant de crimes perpétrés par qui dissout sa vie en prenant celles des autres. Les miens furent imaginaires, immolations à une idole insatiable, forçant le poignard dans ma poitrine en quête d’un cœur qu’il voulait arrêter, ambition dépassant ses moyens. J’ai senti l'acier me pénétrant, le sang coulant sur ma poitrine, un choc, résistance, une côte, je dois continuer mais les forces me manquent, je cille, m’effondre…Au réveil je regarde, tâtonne, rien, ni blessure ni couteau, j’ai cru si fort en cet acte qu’il impressionna la réalité, le commettant je n’eus pas souffert davantage.

Folie professeur ? Amie, celle qui me mit dans la main une arme virtuelle, qui me fit commettre des crimes de papier en y croyant si fort que j'en fus dispensé dans la réalité.

Je voulais frapper encore… En corps, oublier l’âme, être tangible.

Atrocité ?

Inciter une mère à tuer son époux pour sauver ses enfants, la regarder pleurer devant le cadavre, et tuer ses enfants malgré tout, partir en la laissant seule sachant l’appel de la mort irrépressible.

J’ai fait pire que tuer ses enfant, je les ai mis en pièces comme on découpe un poulet, en les maintenant en vie le plus longtemps possible, comme seul l’imaginaire le permet. Il ne s’agit pas, à l’instar de Sade, de perpétrer des crimes vrais mais d’éprouver le désir de tuer, de ressentir la jouissance de l'acte. Si j’y avais pris du plaisir me serais-je contenté de les écrire ? J’aurais voulu le vivre, ne serait-ce, aurais-je cru au début, que pour établir une comparaison.

Impossible ? Je vous entends professeur ! Vrai, céder à cette pulsion eut été vouloir remonter à la surface. Au contraire je creusais pour passer dans le monde de l’inversion des valeurs, des réalités, où l’esprit perçoit derrière les apparences les fils qui les maintiennent, où l’âme devine des secrets qu’elle se craint capable d'apprécier.

Par les mots je me suis enfoncé en moi, j’ai trouvé un cadavre puis un autre, ces illusions que vous voulez obligatoires, illusions sociales de devoirs reposant sur la certitude qu'ils sont inévitables. Une vache a-t-elle conscience de son étable, de sa vie ? Vous rêvez d’autres champs mais la barrière vous fait peur, simple barrière de bois où fils de fer barbelés , rien de risqué, vous pourriez passer au travers, il vous suffit d’accepter d’en être capable, ce n’est pas si difficile.

Pour qui la comparaison est-elle désobligeante ?

Je suis une vache moi-même ? C’est ce que vous murmurez et le train du délire passe devant moi, si long qu’il semble sans fin, je suis dans ce convoi professeur, c’est vous le spectateur.

Je passe du coq à la vache… Les mots fuient, hémorragie spirituelle.

Atrocités, crimes, creuser, m’enliser sans ouvrir les yeux, seul je pouvais y parvenir, dans mon placard, courbé sur ma machine regardant les mots surgir devant moi, les comprenant à peine.

Seul…

Tant d'horreurs professeur. Que devais-je fuir ? Finalement incapable de trier mes pages j’aurais voulu tout anéantir, conservant un savoir qui tiendrait en peu de pages. J’ai produit beaucoup mais l’important tiendrait en un mince volume. J’espère parvenir à l’écrire, à réduire mon œuvre en ses éléments fondateurs, effacer le décor inutile.

Dénuder l’âme, effacer les illusions, les peurs, admirer les murs nus, comme ceux qui m’entourent. Haut, droit glacés, les pièces sont si vastes que je pourrais croire qu’un seule contient l’univers. Une fois admis ce qu’elle est, compris son utilité, il est permis d’en sortir, une fois sa peur vaincue on peut trouver la porte, l’ouvrir, arpenter cette vaste maison, mais attention aux salles pièges, il y en a beaucoup, plaines de gens bêlant de vaines prières devant des parois couvertes de représentation de ce qu’ils ne seront jamais. Le croyant n’idolâtre que l’image de ce qu’il voudrait être. Comment être déçu sinon en entendant l’inutile murmure de ces implorations, en réalisant ce qu’il recèle de petites envies, ce qu’il traduit de grandes peurs.

Vous vouliez entendre cela professeur, ces murs sont différents des vôtres, je veux dire de ceux de vos si hospitalières chambres. La douceur est un décor singeant ce que vous croyez être bien, anéantissant la réalité.

Laissez le dément aller au bout de lui-même ? S’il se tue et bien il aura assumé son destin, prouvé qu’il ne pouvait pas aller plus loin. Vos produits atténuent son état, en apparence, en le réduisant à quelques instincts fondamentaux. Souffrant il aura une chance de transcender sa folie, même si, d’y avoir cédé, prouve qu’il ne peut traverser un pont sur lequel il ne sait pas être. Pas moyen de le découvrir professeur, le voir ne suffit pas, vous y êtes déjà, non ?

Je vous sens déçu, dommage, consolez-vous, c’est moi qui suis fou, vous vous souvenez ? Ma cohérence est l’habitude de raconter des histoires, pas de vrai début et une fin n’en étant pas une, ainsi voyez ce que vous voulez, vous avez les moyens de continuer à vous satisfaire d’une question que vous savez insoluble.

Prendrez-vous un couteau ? Dans votre main, et votre poitrine il serait vrai. Votre cœur serait mécontent d’être ainsi percé.

Comment ? Vous voulez affronter la mort, vérifier qu’à travers elle s'ouvre l’avenir ? C’est vous qui êtes fou ! Fou de croire mes paroles, quand bien même elles seraient vraies, puisqu'elles vous disent que vous ne pouvez avancer, et si j’ai tort il n’y à pas d'ailleurs à trouver.

La confiant à votre petit-fils tout recommencerait.

En vain professeur. Ne portez pas un fardeau qui ne vous appartient pas, posez-le, en vous retournant vous le verrez tomber en poussière. Ce ne serait pas trahir, seulement accepter d’être vous-même. Le plus difficile n’est-ce pas ? Sur ce plan nous nous ressemblons, chacun cherche ce qu’il est, le sent proche et craint de l’attraper par peur de se voir différent de ce qu’il crut.

L’air est pur ici, j’aimerai qu’il fasse plus froid, voir ma respiration se condenser, ainsi penserais-je être vivant.



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31 janvier 2009 6 31 /01 /janvier /2009 06:30
Dans l'ombre des Murs - 6 
 

                                                  07


- L’image est jolie.

- Vous connaissez les faits.

- Ils montrent sans expliquer, disent en cachant, révélant l’apparence. L’iceberg a un tiers hors de l’eau, l’acte c’est moins encore. Derrière se trouvent les motivations. Êtes-vous réel, pure imagination ? J’ai sauté, le temps s’écoule autrement, j'agonise entre deux mondes, une situation digne de moi. Je suis un enfant, les mots sont des cubes, j’échafaude une situation, elle ne me convient pas alors je détruis tout pour en édifier une nouvelle, qui me plaira un moment avant que… Et le cycle se reproduit. La mort serait cet état de doute continuel. l’Enfer m’étant destiné vous seriez le diable en personne.

- En ai-je l’air ?

- Baudelaire disait que la plus grande force du diable était de faire croire qu’il n’existait pas.

- Cela ne fait pas de moi Satan.

- Ce rôle me revient.

- Vous vous sentez mort ?

- Je ne me suis jamais posé la question aussi franchement. Enfant la mort était hors de ma conscience. Je fonctionnais mais vivais-je pour autant ? Seul, sans regard m’atteignant, comment exister ? L’enfance colle à mes semelles. Je suis enfermé, coupable d’un acte signant mon anormalité, une agression contre moi ou autrui.

- Coupable... L’est-on de sa vie, des circonstances nous poussant à l'inéluctable du fait de ce que nous vécûmes ?

- Dissoudre la culpabilité ! La psychiatrie excuse sans expliquer.

- Le temps pourrait lui donner raison.

- Ou tort ! Combien de vos patients finirent-ils en taule ?

- Ceux méritant d’y être. Vous avez raison pour certains, mais la folie peut pousser un être à des actes qu’il ne maîtrise pas.

- A quoi me poussa-t-elle ?

- J’aimerais que vous me le disiez.

- Ma mémoire défaille, coupable ou innocent, un mélange des deux peut-être, pour conserver une case de chaque couleur. Quelque part cela me plairait d’être un monstre, un de ces tueurs en série que le cinéma utilise, entouré d’autres criminels dont aucun ne serait pire que moi. C’est plaisant à imaginer. A vivre…

- Cet hôpital ne fut et ne sera jamais une prison. Trop facile pour les autorités qui évitent leurs responsabilités en classant déments qui ne le serait pas. Vous avez envie d’avoir commis des crimes atroces ?

- Ce serait une vie peuplée de visions terrifiantes qu’aucun traitement ne pourrait endiguer. Je joue avec mes mots cubes sans rien édifier. Je suis un instant qui s’enfuit déjà, le temps fuit entre mes pensées. A quoi m’accrocher ? Des questions acérées, des images douteuses, il me reste des impressions dont chacune s’effriterais si je l’observais de plus près. La vie organique n’est pas un avantage professeur.

- Vous regrettez le minéral ?

- Cet arbre au centre du parc, voilà l’exemple de mon idéal. Nous sommes incapable de comprendre un végétal et pourtant ce qu’il montre révèle la vie qui est en lui, cette force à laquelle nous ne pouvons accéder.

- Être une plante est mal vu.

- Mais nous pouvons fonctionner ainsi, limité à nos besoins vitaux. Est-ce une qualité de pouvoir agir comme nous le faisons ? C’est une force, d’accord mais si individuellement l’arbre est faible devant nous, le monde végétal pourrait être une forme de vie où l’individu n’aurait pas de sens, où la conscience toucherait à l’immortalité du fait de pouvoir se reproduire à l’identique. Une durée de vie supérieure à l’humain, cent fois pour certains. Arbre… Je suis là pour parler n’est-ce pas ? Dire ce qui me passe par la tête, désirer devenir plante, m’enterrer à demi, ne plus bouger. J’aurais été déclaré humain par erreur, la nature parfois se trompe de sexe, peut-elle se tromper de règne ? Ayant eu ce comportement ma présence ici s’expliquerait.

- Vous savez qu’un de vos condisciple est atteint de cette affection avec cette particularité de ne pas fixer la chlorophylle ! Il vit dans le noir, se nourrit d’eau et d’engrais.

- Amusant.

- C’est une façon de voir. Moi qui le rencontre régulièrement je vous assure qu’il est prisonnier d’une psychose gravissime. Imaginer est une chose, vivre, et endurer, est bien différent.

- Cela ne peut venir que d'un vice de construction, il a conservé des traces d’existences pré-humaines. La chaîne nous amenant au présent est longue, complexe, parfois un maillon coince, colle au précédent, et provoque un mélange imprévu se traduisant par le comportement que vous décrivez. Je ne me moque pas, c’était par jeu que je me voyais m’enterrer. Je ne le ferais jamais, trop fatigant ! Quelle erreur se produisit-elle dans mon évolution, quelles esquilles du passé sont-elles remontées vers moi, empreintes qui, perdurant, finirent par affleurer à ma conscience. La folie vient de quelque part professeur, je ne vous l’apprends pas mais vous le répète avec plaisir. Se limiter aux parents c’est faire fausse route, c’est oublier cette suite de formes que prit la vie et dont nous ne sommes que le maintenant. Vous ne ferez rien de cette piste ? Ce n’est pas grave pour moi mais je sais qu’elle est bonne, qu’elle est une solution.

* *

Ou une dissolution par volonté d’associer des éléments incompatibles.

Nous restâmes silencieux longtemps, chacun perdu dans ses pensées, moi cherchant à percer le brouillard m’entourant, lui à comprendre ce que je venais de dire pour tenter de le réfuter en cherchant dans son éducation s’il en trouvait l’écho. Il m’observait et cela m’arrangeait. A trop de solitude correspond la difficulté à se sentir vivant. A l’époque où je vivais en famille elle était déjà là, comme si l’on me regardait sans me voir, en me voulant différent de celui que j’étais. Pas de question mais la perception de cette incohérence me formatait d’une façon particulière. J’ai cherché, espéré, un regard porté sur moi sans jamais le rencontrer dans les yeux des femmes que j’ai croisées. Finalement toutes voulurent me façonner selon leur désir.

L’imagination fut ma porte de sortie sur un monde où j’existais, la réalité ne m’admettait pas, la réprobation m’entourait, le refus, voilà le terme exact, j’était présent en apparence mais devant accepter le moule. Je n’en veux pas à ceux qui m’imposèrent cela, ils n’étaient pas conscient de leurs pensées, de leurs motivations, ils obéissaient à des contraintes difficilement compréhensibles de l’intérieur. C’est maintenant qu’il m’est permis de réaliser ce qu’ils firent.

L’imaginaire scinda ma personnalité, une partie consacrée à la communication, l’autre abritant mon vrai moi. Dans ces conditions j’avais devant les yeux l’entrée de l’asile psychiatrique et ne la voyait pas. Pourtant on m’en parlait, du fait de la proximité géographique d’un établissement spécialisé. L’ironie du sort serait que j’y sois sans le savoir. Je rêvais, maintenant deux personnalités jusqu’à ce que je doive en privilégier une. L’étrangère, la vraie ? Contraint de rester au contact de la vie sociale je me serais perdu, séparé définitivement.


- Vous êtes bien pensif ?

- Je tourne en rond. Le réel, l’imaginé, comment différencier l’un de l’autre sinon en fraisant appel à des références imposées ? Les échos de nos paroles roulent en moi, se superposent, je voudrais retenir nos propos, en saisir le sens profond mais c’est difficile. Comme quand j’écrivais je me laisse emporter, le présent compte et encore suis-je spectateur de ce que je dis. Je m’écoute difficilement, les phrases se forment en moi, ma bouche les prononce mais sont-elles miennes ? Elles passent, courant dans lequel je tente de pêcher une idée nourrissante, mais je reste insatisfait, espérant en un avenir inaccessible. Je devrais m’allonger sur un divan et vous prononcer quelques mots qui me feraient réagir, par analogie. Méthode inutile, je me souviens que je fus toujours dans cette position, j’aimais faire face à… Ennemi est un mot trop fort, ami ne saurait convenir, disons : à mon partenaire psychiatrique. En face de moi, comme le papier sur lequel l’encre inscrivait les mots que je savais miens, et le regrettant.

- J’ai l’air d’une feuille ?

- Pour ce qui est de la couleur un peu. Vous restez trop enfermé, ce n’est pas sain, le corps a besoin de lumière, de soleil, d’exister, il n’est pas l’emballage de l’individu. Il en fait partie. Et pourtant… Je ne vivais qu’en écrivant, enfermé, nourrissant le chariot de ma machine, bouche avide jamais repue. Une feuille de plus, malgré ma fatigue j’en rajoutais une puis une autre, puis… Puits sur lequel j’étais penché, aspiré, vision faussement blanche mais marquée d’obscurité, l’encre projetée par mes peurs, mon refus d’ouvrir les yeux. Je sais pourquoi je ne parvenais pas à suivre, je courrais, je fuyais, je souhaitais m’arrêter et quand cela arrivait je me sentais mal à l’aise, en moi bouillonnaient des forces qui se formaient comme autant de monstres qui, restant à l’intérieur m’eussent dévoré.

- L’image est parlante.

- Criante, hurlante, vous n’entendez pas professeur, vous n’entendez rien ? Est-ce trop loin pour vous, devrais-je hurler réellement ? L’ai-je fait, frappant à la porte, griffant les murs, tombant à genoux, front contre la douceur d’une paroi matelassée, cherchant à contrôler la violence circulant dans mon âme, finissant par pleurer, par implorer une paix que je ne voulais pas. Le piège ! Attendre, lutter encore mais je subissais, j’endurais, prisonnier d’une croix imposée par qui ou quoi ? Tant de mots, d’instants figés par la parole qui déjà font partie du passé puisqu’un autre se présente. Parler moins, réfléchir, entendre mes paroles, les canaliser pour en augmenter la force. A se disperser on se gaspille sans rien faire de bien. Y’a-t-il une logique dans mes divagations ? Le souhait d’atteindre un but ? Je m’attends au bout du chemin mais plus j’avance plus ma destination recule. Je tends les bras, les pensées, espère m’atteindre et serre dans mes mains l’ombre que le brouillard avait créé pour me tromper. Le chaos paraît échapper à toutes règles. Faux ! Il porte un espoir perceptible. Je crus me disperser, ce fut le moyen de redistribuer des cartes battues depuis longtemps. Une nouvelle donne fut faite, à moi de l'utiliser. Ne pas lutter contre ces pressions internes. Si une forme d’organisation manipule le chaos tenter de la décrypter eut été un obstacle incontournable. L’abîme de la démence m’eut absorbé, comme tant de vos patients je geindrais dans un coin, allant de droite à gauche pour me donner l’illusion du passage du temps.

- Vous disséquez votre cas avec beaucoup de lucidité. Tant prennent ce qu’ils croient pour ce qu’ils sont.

- Je suis votre patient, je ne suis pas censé comprendre ce que je dis, ni même tenir un discours cohérent. A quoi bon sinon par souci de la normalité. Je ne l’ai pas, ce qui me tient c’est savoi pourquoi je n’ai pas cédé. Je me souviens d’une nuit profonde venant vers moi, m’entourant, pénétrant mon esprit avec l’ambition de ne laisser qu'une apparence, vide, coquille à peine capable de souscrire aux exigences de la nature. Elle voulut me laminer, me détruire, me… Tous les synonymes que vous trouverez s’appliqueraient. Elle est passé mais le jour n’est pas là. Entre chien et loup ? Non, c’est le soir, entre loup et chien ! Je fus rongé par un feu intérieur intense qui m’a débarrassé d’un lourd héritage, reste à ouvrir les yeux.

- Le plus difficile.

- Est-ce même possible ?

- Vous portez la réponse en vous. Je vous donne quelques indications, je suis votre miroir, être le regard qui vous manqua. Voilà mon rôle.

- A combien avez-vous été totalement inutile ?

- Plus que je voudrais. Je m’occupe de cas complexes, me contentant de dépressifs mon taux de réussite serait centuplé, quel intérêt ? Je ne fais pas ce métier pour m’ennuyer.

- Il est des cas inespérés. Comment remodeler un esprit ? La thérapie génique modifie le corps sans inverser le temps. Un jour vous pourrez reculer l’être, en modifier la structure génétique, le contexte évolutif, éducatif, alors vous guérirez tout le monde, mais vous ferez des individus si proches de la perfection qu’ils ne mériteront plus le nom d’êtres. Ils seront les images d'un impossible idéal.

- Il n’y a pas de solution ?

- Chacun porte la sienne par l’utilité pour lui-même qu’il génère. Quand l’effondrement est total il ne reste aucun moyen d’accès.

- Mais vous ?

- Ai-je exhibé tous les symptômes d’une psychose définitive ? Quelles ressources ai-je utilisé ? Avais-je prévu ce qui arriverait, trouvé le moyen de me protéger, non en résistant mais en accompagnant. Je comprends que mon cas sollicite votre intérêt mais pour qu’il soit utile à d’autres il faudrait que vous formiez le malade ?

- Vous savez que c’est impossible.

- Qu'apprendre d'expériences connues ? Combien d’esprits avez-vous disséqués en cherchant une solution, et combien le furent par vos prédécesseurs ? Vos expériences sont fragiles, vous intervenez trop tard, vous ne pouvez reculer dans le temps, l’anamnèse apporte des réponses parcellaires. Quelle partie de ma vie avez-vous reconstitué ? Suffisamment pour me comprendre ? J’en doute, moi-même j'ai oublié ce que je fis et connus. Pourquoi me charger de souvenirs inutiles puisque d’eux je n’ai rien à apprendre. Vous ne pouvez remonter en-deça de de ma vie. Mon expérience ne suffit pas, pour le reste vous ne trouverez que des réponses partielles. Suffisante pour certains, mais pas aussi instructives que vous le voudriez, que le voulut votre grand-père. Vous avez un parc profitons-en. Jeune j’aimais marcher des heures, réfléchissant ainsi. Attitude qu’eurent bien des penseurs. Ce qui n’indique pas que j’en sois un mais l’analogie me plait. Vous mettez les pieds dans les empreintes fantomatiques mais présentes spirituellement de votre aïeul.

- Bonne idée mais ce n’est rien d’extraordinaire.

- Pour vous. Je ne sais depuis combien de temps je suis enfermé, l’air du dehors est un trésor que vous n’apprécierai jamais. Je me voulais dense, contracté jusqu’à ne rien laisser sourdre de moi, aucune lueur, pas la plus petite pensée. Je pensais qu’un tel voyage était à sens unique, mais on dirait que non, que je suis proche d’une réalité que je comprendrais peut-être comme un film avec une fin surprenante, une histoire conçue pour égarer le spectateur me plairait. Combien d’heures ai-je passé à vagabonder mentalement, sans penser à rien de précis. Une image remonte des abysses. Un soir d’automne, j’erre en cherchant je ne sais quoi, ou qui. Les rues sont vides, je ne peux aller plus loin ni adresser la parole à quiconque. Je rentre, dans l’appartement d’abord, dans mon placard ensuite où je m’interroge sur la cruauté du destin. Des mots tissent un décor racontant une vie qui paraît avoir été la mienne, paraît seulement puisque je ne suis sûr de rien. Ballet des caractères sur le papier, les pages s’accumulent, le temps transmuté en histoires disant le désespoir que je percevais, ce qui paraissait être moi. Moi ? Marchons professeur, tournons en rond sans nous interroger plus avant, sans regarder le bout du chemin.

- Nous savons ce qu’il est, d’ici-là que de découvertes, de rencontres.

- Un tunnel, une lumière…

* *

Je me tus, mains dans le dos, regard en quête de pensées intérieures fugaces. Le temps c'est ce chemin. Avancer et recommencer.

Chaos, confusion, tout devient possible, la vérité est multiforme. Cortège de fantômes, ballet spectral m’accompagnant pour nulle part.

Derrière ces murs trouverais-je mon placard-bureau ? Montant sur le faite du mur je me pencherais sur mon épaule, verrais les mots expliquant que je monte sur mon épaule, regarde un texte disant que je… La boucle se refermerait, j’aurais devant moi, une éternité de démence à vouloir briser un cercle que rien ne saurait plus rompe.

Démence pour ambition, avenir assuré, nourri, logé, blanchi, ce que je fus si longtemps !

Image du tour, de la case départ, une chance de la retrouver, de la comprendre, d’avoir cette fois les yeux ouverts sur le cri libérateur de tant d’angoisses accumulées. J’ai voulu hurler, cela m’arrivait parfois, pour me vider d’une pression intérieure devenue intolérable.

Ouvrir les yeux, apprendre le décor, naître enfin de moi-même. Folie-accoucheuse libérant l’esprit de ce qu’il fut formaté pour croire être. Formulation compliquée ? Précise malgré tout. La folie en sage-vie, allant prendre l’âme au cœur des habitudes comportementales et sociales, au cœur de l’appris, du contraint. Combien en prit-elle dans ses mains attentionnées, combien la virent et n’y survécurent pas ?

La démence s’interrogeant par elle-même, une conscience sur ses limites, de qui suis-je le héraut ? Les réponses alternent au gré des mots. Saisir au passage plus qu’une masse de brouillard sur laquelle ma main se referme en restant vide.

Ouvrir les yeux sur une vérité dont je soutiendrais le regard, ambition d’une vie, la mienne, s’utiliser pour comprendre. C’est ce que le prof ou son grand-père ne comprirent jamais, ce n’est pas par l’étude des autres que l’on apprend, c’est en s’autopsyant directement.

Méthode risquée mais ce qui est sans danger laisse dans la bouche une impression d'absence.

Lire dans les murs la vérité qu’ils murmurent, leur utilité. Oui, pas d’animosité, une complicité dissimulée sous un aspect antipathique, un jeu mental. Ne pas céder à la représentation que l’on a d’une chose, savoir dépasser ses à-priori et ne pas reculer. La lucidité appelle la compréhension.

Sans chercher au travers de quels yeux je peux regarder l’inverse me tente. Quel regard attend de plonger en moi. Paupières ! Belle incarnation, celles de l’espoir sur les yeux de l’avenir, me relevant j’admirerais un destin prodigieux, un futur...

Je glisse sur la pente fatale de la mégalomanie, me prendre pour un messager, un porteur de lumière ! Je le serais si ce rôle n’était déjà pris. Apporter la vraie clarté, pas celle rassurant en éliminant les zones d’ombres, au contraire, celle qui inquiète en les avivant. La lumière aveuglant qui la verrait sans la mériter.

Je me vois prophète prêchant dans une étendue emplie d’âmes égarées. Ils viendraient à moi ces moutons apeurés par un loup virtuel, ils viendraient à moi et seraient heureux de me suivre, ils viendraient à moi pour abandonner les interrogations angoissantes auxquelles ils ne sauraient plus échapper, sans deviner que l’avenir vers lequel je les guide est leur abîme intérieur.

Sur lui ils avanceraient avant d’ouvrir les yeux, de réaliser qu’ils ne croient pas en leur destin et la peur du vide les ferait tomber dans celui-ci.

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28 janvier 2009 3 28 /01 /janvier /2009 07:17
Dans l'Ombre des Murs - 5 
 

                                                  06


- Finalement les rôles s’inversent. Les paroles de votre grand-père vous hantent, vous voudriez réussir où il échoua pour justifier son espérance. Pensez-vous que ce chemin vous mènera quelque part ?

- C’est celui de la vie. Comme lui je me consacre à mon travail au détriment d’une vie personnelle qui pourrait être plus riche. Je ne le regrette pas, pas encore si vous voulez. Je tâtonne et si je ne trouve rien j’aurais au moins la satisfaction d’avoir essayé. Auriez-vous la même impression si la mort vous posait la question ?

- Je ne sais pas. Personne ne m'indiqua ni chemin ni quête à suivre. J’ai avancé, poussé ou tiré par des forces que je ne contrôle pas, vous avez poursuivi consciemment votre voie. Emprunter un sentier inhabituel est risqué. Si je suis allé trop loin j'espère avoir laissé des traces qu’un successeur découvrira au détour de ses interrogations. Rassuré de n’être pas le premier, économisant ses forces pour me dépasser.

- Facile d’imaginer une postérité achevant l’œuvre que vous n’auriez pu conduire à son terme.

- Votre aïeul manipula son héritier, l’orienta pour vivre à travers lui. J’ai perçu sa présence, plus en vous que dans ces murs, derrière vos yeux que dans les objets lui ayant appartenu. L’horloge l’observait plus que l'inverse. Je les entends, lui posait des questions, attendant d'improbables réponses., elle, immuable dans sa sérénité, continuant à indiquer l’écoulement d’une force que la pensée ne peut contrôler. Mon absence de JE fut la qualité me permettant d'avancer, ballotté par des interrogations contradictoires. Le temps mettra en évidence mon échec ou ma réussite. Si je laisse l’exemple d’une vie ratée, d’une œuvre inutile ? Et alors ? Elles n’affecteraient personne, mais s’il y a une chance que le contraire s’avère alors j’aurais eu raison, quoi qu’il en soit je ne peux rien laisser de négatif.

- Nos point de vue s'affrontent mais pourraient se comprendre.

- Découvrir l'autre permet de s'entrevoir, vous disposez d’un je ayant du mal à exister, prisonnier d’une ombre tutélaire et directive.

- Un je…

- Oui, des envies personnelles. Assumer un héritage est louable mais vous disposez du droit de refuser celui qui n’est que dettes. Votre grand-père vous fit un cadeau empoisonné. Belle idée que continuer sa quête, mais le Graal qu’il cherchait, s'il existe, est-il trouvable en dehors de soi ? Je ne vais pas vous faire un cours mais souvent l’individu extériorise des interrogations qu’il craint de diriger dans la bonne direction pressentant de déplaisantes découvertes. Vous redoutez la vacuité de votre existence, craignez de comprendre qu’à tourner en rond l’on fait semblant d’avancer. Cet endroit est défavorable à l’existence personnelle, trop de troubles, la folie est ce mur que vous entendez traverser, vous l'observez, avancez, tendant l'esprit pour l’atteindre, sans y parvenir. Je vous devine allant dans une chambre, la mienne, restant assis, humant l’air, les yeux clos, palpant les parois, cherchant dans leur douceur des murmures oubliés. Vous n’entendez rien ? C’est qu’il n’y a rien à surprendre. Vous avez pensé demander à ce que l'on referme derrière vous, sans passer aux actes. Ne le faites pas ! Vous y gagneriez déceptions et frustrations d’une vie qui n’est pas la vôtre. Il ne s’agit pas de trahir mais d’exister en dehors de fils attachés à un manipulateur spectral n’existant que dans votre esprit. Coupez ces liens et vos pas vous dirigeront vers votre véritable existence.

- Démonstration parfaite, vous n’avez rien perdu de votre aptitude à jouer avec les mots. Ils sont les filets que vous tendez vers autrui afin de l’amenez à faire ce que vous voulez.

- Les déments sont de grands manipulateurs pour survivre, ils s'abritent à leur façon. Ce que votre grand-père fit. C'est évident, il vous a parlé d’enfermement, de son désir d’expérimentation comme s'il pouvait défier la démence sur son terrain avec une chance de la vaincre. J’admets, l’effort fut louable, mais vain. Nous parlons franchement ? Manipulation dites-vous ? Il vous tenait sur ses genoux comme un ventriloque avec son pantin, une main passée derrière le dos, en l’occurrence son esprit pénétrant, déformant le vôtre. Ces mots vous touchent, vous y aviez pensé, sentant le carcan comme le piège qu’il est et dans lequel vous êtes tombé trop jeune pour en être conscient. Maintenant vous pouvez briser ce joug.

- Est-ce possible ? Vous-même avez vous jamais eu envie de réussir cet exploit ? L’arracher, le jeter à terre et partir en l’oubliant. Le prendre en mains, le définir… Vous saviez que réussir briserait l’unité de votre être, vous tomberiez en poudre mentale comme une momie qu’un souffle d’air frais vient caresser. La belle au bois dormant poussant son dernier soupir dans la bouche du prince charmant penché sur elle. Il est des choses, et vous l’avez mentionné, que l’on peut penser, définir objectivement, mais sur lesquelles rien n’est possible puisqu’elles font appel aux puissances qui nous construisent, comme s’il fallait se détruire soi-même. Vous et moi sommes prisonniers de vies contraignantes, de moules interdisant certaines expansions sociales ou mentales mais nous ouvrant parallèlement des gouffres en lesquels nos regards plongent. Le vôtre plus que le mien, en des profondeurs que je me sais incapable d’atteindre. Vous direz que c’est mieux. Nous ne pouvons aller contre nous-même. Appelons cela destin, définissons une chaîne dont nous sentons le poids sans pouvoir l’enlever. Que resterait-il de nous ? Un je trop faible pour exister, engoncé au cœur d’une personnalité cocon/nid protectrice.

- Vous avez raison, cousinage intéressant, chacun apprend de l’autre, exprimant ce qu'il pense sans oser se l'avouer, progressant sur la voie d’une rencontre avec soi Miroir nécessaire, difficile d’approcher ce reflet, de l’accepter. Avez-vous encore la possibilité de réussir où je ne peux qu’échouer ? Je n'eus personne pour me façonner. L’enfant que vous étiez sur les genoux d’un vieillard n’eut pas le droit de grandir. Il le peut désormais.

- Pour quoi ? Un bonheur banal, une vie normale. Ai-je envie d’une existence de ce genre ? Si ma situation est pénible, au moins me laisse-t-elle percevoir la vie avant de la croiser dans le regard de la mort. Une existence de beau au bois dormant rêvant d'une impossible perfection, s’éveillant au contact de la mort. Est-ce la sensation qu’au dernier moment s’arrache le voile masquant notre lucidité qui fait que mourir est terrifiant ?

- Pourquoi pas, mais pouvons-nous définir la vie ?

- Chacun comprend la sienne sans se croire dans une geôle sociale. Mon grand-père me voulut à son image mais je lui ressemble. Cela réussit par la communauté de notre patrimoine génétique. La cire de l’hérédité fut sensible à ses pensées quand une autre n’aurait enregistré racontars de vieillard rattrapé par la sénilité. Je n’ai qu’une vie, pas moyen d’en essayer une autre pour choisir. J'en serais incapable, je me demanderais si une troisième et puis une quatrième, et ainsi de suite sans être jamais satisfait ni être certain que c’était la bonne. Il est impossible de changer ce qui est, nous le savons.

- Au moins sommes-nous éveillés, allongés sur le lit de l’illusion mais les yeux tournés vers le réel, tentant de comprendre et nous préparant à survivre à ce que nous verrons.

- Vous exprimez ce que je ressens.

- Discussions à bâtons rompus, loin des sujets prévus. Tant de zones d’ombres subsistent impossible à résorber comme à éviter. Que serait une vie uniquement faite de cases blanches, sinon l’illusion de l’idéal atteint ? Le drame du fou c’est de n’avoir droit qu’à une seule couleur.

- Formule heureuse.

- Magique ?

- Riche de sens, simple mais profonde aussi.

- Ignorez-vous que tout flatteur…

- Pas plus que vous.

- Je crains qu’un autre ne mange notre fromage. Qu’importe ce vil plaisir attaché à la satisfaction de basses pulsions organiques. Êtes-vous obligé de rendre compte de vos travaux avec moi ?

- Si rien ne sort de nos entretiens ce sera plus vite fait, si j’en tire un ouvrage je devrais faire état de nos échanges et les assumer.

- Sans avoir à le faire pour mes déclarations ?

- Dans certains cas contourner l’ennemi est le meilleur moyen de le prendre de face.

- Cette formule vous honore.

- Elle est digne de vous.

- Digne… C’est d’avenir que nous parlons. Je m’interroge, lequel de nous est la belle dormant, lequel le prince ?

- À moins que l’éveil de l’un n'appelle celui de l’autre, qu’une gémellité spontanée nous fasse ouvrir les yeux simultanément. Seul, l’un n’aurait pu, avec l’autre c’est possible. Nous rêvons ensemble, ou parlons dans un demi-sommeil, espérant être entendus. Le destin a prévu le coup depuis le début. Chacun est la face cachée de son simili jumeau, sa complétude. N’ayons pas peur des mots. Nous avons une chance de supporter la réalité.

- Une chance pour deux, à partager pour un seul .

- Le temps apportera la réponse quand il sera trop tard. C’est mieux ainsi, nous nous affronterions poussé par l’instinct, chacun voulant l’emporter, nous précipiterions notre double perte.

- Ce serait dommage professeur. Ne nous regardons pas en chien de faïence, la vie nous départagera, ni vous ni moi ne sommes sûrs de réussir, l’espérer est le signe de notre humanité. Rêvons, maintenant-nous en vie de cette façon. En chacun se trouvent des coins d’ombre, comme si un feu était passé en nous, plus violemment en moi. Il couva longtemps, les braises eurent du mal à prospérer en belles flammes rougeoyantes, quand elles le firent ce fut avec un appétit multiplié par la frustration. Un incendie de forêt semble ne rien laisser derrière lui, de près on s'aperçoit que certaines zones résistèrent. Elles prospéreront par la destruction d’éléments gênants.

- La destruction ?

- Je radote ! Souvent j'ai évoqué ma propension à la violence dans mes textes. Sous couvert de fantastique ils mettaient en scène des êtres ou des forces manœuvrés par une rage intérieure incapable de s’extérioriser autrement. J’apprécie l’image du feu en soi, vision d’une terre condamnée à la stérilité. J’aime l'idée de l’inutile dévoré afin que reste l’important. Dans ce décor il devrait me sauter aux yeux.

- Sont-ils ouverts ? Dans ces bois vous vous dissimuliez autant à vos camarades qu’à vous-même, et l’incendie détruisit les souvenirs d’un passé auquel vous vous accrochiez.

- Creuser, chercher l’endroit sensible où survit celui que je fus.

- Vous autorisez-vous à voir ?

- Non, les murs sont là, murs de peurs, de lâcheté, du refus d’aller voir plus loin si j’y suis, murs de terreurs inventées pour les regarder danser. Tant de mots jetés pour croire en eux, temps de vie que j’offris pour ne pas comprendre que je fuyais un passé qui, la vie tournant en rond, désormais me fait face. Est-ce moi qui parle ainsi ou la folie qui me permet de tenir un discours faussement cohérent alors que dans vos oreilles il est le délire d'un psychotique ? Vous n’êtes pas là pour me répondre, le feriez-vous que je ne vous croirais pas, pensant que vous me dirigez, que vous… ou son contraire ! En moi est la solution, la foi en un avenir au-delà de l’apparence que je voulus si fortement que je la pris pour réalité. L’incendie n’est pas entré partout, il a couru sur moi, je l’ai senti venir, j’ai vu ses effets, sa chaleur fut une agréable sensation, la peur qu’il ne me dissolve en totalité fut moins plaisante mais il n’a pas ce pouvoir. Je suis capable de lui résister, il prend ce que je lui abandonne.

- L’inutile ?

- Le superflu dont je me servis jadis, jouets d’un enfant refusant de grandir. Ainsi furent les crimes odieux qui me distrayaient lorsque j’étais adolescent. Faut-il pour grandir que je les abandonne ?

- L’ombre est protectrice.

- L’enfermement protège.

- Du dehors ?

- Aussi ! Mais les éléments les plus nocifs sont derrière des remparts intérieurs. Je suis entre deux parois se rapprochant. Se rejoignant elles me détruiront. Flammes ai-je dit ? Celles dans lesquelles je voyais disparaître mon œuvre. Feu nourri de pulsions, d’envies, d’instinct, forces qui me tenaient debout. Nourri de ce que j’ignorai être. Le feu crépita longtemps. Qu’à-t-il laissé derrière lui sur ce champs de restes noircis ? J’espère que vous enregistrez, dans ce fatras pourrait se trouver une remarque intéressante. Belle collection d’âmes que la vôtre professeur, vous choisissez les éléments les plus rares. Dans ce lieu il y a une aura une vitrine. Je vous vois guidant les visiteurs, vous arrêtant devant une porte, ouvrant l’œilleton large qui ne laisse rien dans l’ombre. Expliquant le cas particulier apparu qui s’approche de vos visiteurs qui s’effraient, reculent, redoutant une exaction pourtant impossible. La camisole chimique est efficace. Ils regardent, écoutent vos commentaires, vous expliquez le cas, ses particularités, ce qu'il vous enseigna avant de continuer. Votre grand-père était un chasseur croyant sa liste complète mais découvrant que manque l’élément le plus important, le plus rare. Il se mit à le traquer refusant d'admettre qu’il était l’ultime élément. Il y a quelque chose de fou dans la hantise de ce qui manque sans se satisfaire de ce qui est présent. Il aimait comprendre comme les Jivaros aiment réduire les têtes. Le cas enregistré ne représentait plus rien. Il comprit en venant s’asseoir, il cherchait l’incompréhensible, une quête hors de sa portée. Alors il cessa de lutter, laissant un bilan positif mais regardant son destin comme un pantin regarderait ses fils. Il fut un prédateur ayant compris que l’humain est l’adversaire le plus redoutable, le psychisme le terrain le plus difficile. Derrière son bureau il pensait à sa proie sans besoin de sa présence, préparant le piège.

- Vous aimez l'idée d'inverser les rôles. Le gibier devenant traqueur.

- Ce mot me définit correctement. Vous avez aimé la chasse.

- Jadis, un matin, guettant des proies que je ne mangerais pas je pris conscience du ridicule de ma situation. Affligé de mon comportement j’ai brisé mon fusil et n’ai plus recommencé.

- Dès cet instant votre métier fut plus passionnant.

- Vous avez raison, il y a une forme de chasse dans ma profession, et le péril est plus psychique que physique mais pas moins inquiétant. Je préfère ma position actuelle, la folie est une ennemie fascinante.

- C’est en soi qu’elle devient un adversaire digne d’être affronté, au plus près. Vaincre est impossible, tel Antée elle retrouve ses forces en touchant le sol. Il convient de lutter intelligemment avec elle, sans confrontation violente. La sauvagerie lui appartient. Le mieux est de l’aimer plus que de la haïr, ainsi avons-nous une chance de faire durer le combat, sans réelle possibilité qu’il s’achève en notre faveur. Vous avez dit que vous ne mangiez pas vos victimes, mais ne peut-on, ici, parler de cannibalisme mental ?

- Le concept mérite qu’on s’y attarde, il pourrait être adapté à bien des comportement. Nous sommes des animaux régis par des lois que nous refusons mais qui n’en sont pas moins puissante, au contraire. Prédateurs, gibiers, la société s’explique ainsi.

- Finalement je préfère un rôle non basé sur de simples réactions au contexte, à la seule observance de lois archaïques et organiques.

- Vous êtes terriblement lucide sur les comportement humains, bien que vous vous soyez efforcé de vivre hors de la société.

- C’est l’inverse ! D’avoir compris mes contemporains j’ai préféré m’éloigner, chercher d’autres aspirations, ces tourbillons psychiques que je voulus connaître de plus près. Tourbillon, joli mot, vortex, tunnel s’ouvrant devant moi, m’attirant, j’ai envie de plonger, de disparaître d’un monde qui ne fut jamais mien. Physiquement je ne l’ai pas fait, semble-t-il, reste que ce tourbillon est un vieil ami, je comprends son langage, j’entends ses promesses.

- Ce n’est pas tout n'est-ce pas, une image revient et vous intrigue.

- Un pont, une rivière, des tourbillons, le mot est bien fort, quelques remous violents quand le débit est important. Je l’ai observé souvent, longtemps… Quelque chose se produisit en ce lieu, brutal comme un voile se déchirant ou se resserrant autour de moi. La nuit s’impose comme elle le fit alors que l’eau m'offrait une paix méritée.

- D’où veniez-vous ?

- De chez moi. Je me vois cessant d’écrire, sortant, ensuite nulle image ne me revient, nulle vision dont je sois sûr qu’elle vienne de ce temps. L’imagination s'appuie sur ce qui dû, logiquement, se produire. La brume épaisse envahit mon esprit. Je tente de trouver mon chemin, j’observe l’eau, l’écoute, la désire… Ai-je plongé ? Je l’aurais pu, qui aurait pu me secourir, m’empêchant d’aller vers mon avenir ?

- Le destin.

- Sommes-nous ses pions ? Sauter ! L’imagination est une complice, est-elle une amie ? Une gardienne m’aidant à délirer pour survivre.

- Vous redoutez ce pont ?

- Oui ! Le brouillard monte de la rivière, il pénètre mes os. J’ai du mal à maîtriser mon tremblement, je suis là pour plonger, le froid est un ami. Dans l’eau glacée mon agonie sera brève. Je suis partagé entre ce désir et son contraire : Mourir lentement, comprendre ce qui se passe, et, puisque mourir c’est se refroidir, dans ces eaux glacées je trouverais une mort à laquelle m’acclimater. Je lui lance le défi, la regarder sans baisser les yeux. Vous ne me direz pas ce qui advint, si j’ai sauté et croisé la mort. J’imagine mon corps se figeant, mon sauveur m’extrayant de mon tombeau liquide. Elle était douce et des mains hostiles m’empêchent de la rejoindre. Mon cerveau subit de graves lésions, je me souviens d’individus ramenés à la vie alors que leur température corporelle était tombée bien bas. Ce pourrait être mon cas. Au prix de ces cases noires dans mon esprit. Je vois l’avenir, mon corps se flétrir, mon esprit perdre ses capacités. Le moment venu laissez-moi mourir sans me placer dans une machine. Je veux bien être un cobaye de mon vivant mais à l’instant de mon agonie laissez-moi partir en paix. Être le repas des vers, vous savez que c’est le destin que j’attends. Nul ne me pleurera. Je suis une ombre du passé qui laissera derrière elle une trace vite effacée. Restera de moi le cas que vous présenterez, l’utilisation que vous en ferez, ne me trompez pas, ne me grandissez pas non plus. Vos confrères sont-ils là, en direct ? Y’a-t-il des caméras partout ? Est-ce l’arène nouvelle et moi le martyr livré au lion de la science que vous êtes ? Ce serait agréable, résister puis reconnaître ma défaite. Parler est un jeu, je laisse couler comme un orpailleur fouillant la rivière, cherchant une pépite, n’en trouvant pas. Ai-je le temps, le mur de l’oubli peut-il se fissurer ? Le brouillard est sournois, inconsistant, il fait perdre le sens de l’orientation. Je suis perdu, autour de moi une espèce de ouate se referme comme une eau s’infiltrant, noyant mon âme.

Dans l'Ombre des Murs - 7

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Bienvenue sur ce blog ! Vous y découvrirez mes goûts, et dégoûts parfois, dans un désordre qui me ressemble ; y partagerez mon état d'esprit au fil de son évolution, parfois noir, parfois seulement gris (c'est le moins pire que je puisse faire !) et si vous revenez c'est que vous avez trouvé ici quelque chose qui vous convenait et désirez en explorant mon domaine faire mieux connaissance avec les facettes les moins souriantes de votre personnalité.

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