Depuis le début de janvier 1937 Howard se sent mal, au point qu’il l’avoue bien qu’évoquant, comme souvent pour minimiser son affection, une grippe et des problèmes intestinaux. Le 16 février il finit par consulter le docteur Cecil Calvert Dustin qui lui prescrit 3 médicaments, probablement des antidouleurs. À son ami Talman il reconnaît ressentir une douleur constante et l’incapacité à s’allonger à cause d’un fort gonflement intestinal, il ne peut que rester assis et ne peux lire ou écrire que quelques minutes d’affilée. Sur une carte postale envoyée à Willis Connover le 9 mars il confesse être très malade et devant le rester longtemps.
En fait Lovecraft est malade depuis longtemps et s’en est parfois plaint à ses correspondants, mais il n’aime pas les médecins, il ne leur fait pas confiance après la mort de sa mère survenue à la suite d’une opération de la vésicule biliaire bien qu’il semble que cette intervention n’ait pas causé ni précipité son décès.
En réalité il souffre d’un carcinome de l’intestin grêle favorisé par une glomérulonéphrite chronique. La principale cause de ce cancer est un régime alimentaire trop riche en matière grasse et trop carencée en fibres, la pauvreté, quasi la misère de HPL explique cette habitude alimentaire basée sur des boîtes de conserve de piètre qualité. Il ne dépense que 2,10 dollars par semaine pour se nourrir ; en plus des conserves il mange du fromage, des crèmes glacées et des gâteaux.
En outre il est possible que Lovecraft fait souffert de poïkilothermie, il lui arriva souvent de se plaindre du froid et cette affection provoque une incapacité pour le corps de maintenir sa température. Une hypothèse qui, malheureusement, se sera jamais ni confirmée ni infirmée.
Par ‘’chance’’ depuis le début de l’année Howard tient un ‘’journal de mort’’ qui, grâce aux traces qui en reste, il est perdu, éclaire une fin de vie pénible.
Le 10 mars Lovecraft entre au Jane Brown Memorial Hospital où il occupera la chambre 232. Le lendemain il cesse de prendre des notes sur son état. Il est déclaré mort le 15 mars, tous les témoignages indiquent qu’il affronta la fin aussi sereinement que possible sans espérer quoi que ce soit d’un ‘’autre-monde’’ auquel il ne croyait pas.
Probablement pensait-il qu’il ne resterait pas grand-chose de lui, il avait abandonné la fiction depuis deux ans et se disait que la poésie aurait pu être un meilleur chemin.
Difficile de se mettre à sa place, non dans ses ultimes instants mais dans ses dernières années alors qu’il vivait dans un logement misérable et pouvait supposer que sa postérité se perdrait dans le néant. Ainsi il n’aurait jamais imaginé être admis, depuis septembre 2024, dans la plus prestigieuse collection française : la Bibliothèque de la Pléiade sous le numéro six cent soixante-treize sous la direction de Philippe Jaworski.
Je n’ai pas encore lu ce volume de 1408 pages et sûrement admirable autant que critiquable, l’important dans ce billet était de montrer la trajectoire unique d’une œuvre et, conséquemment, de son auteur dont la vie fut une lente descente vers la misère alors que ses textes, après un long et tortueux chemin, se dirige vers l’immortalité, après tout n’a-t-il pas écrit que la mort elle-même pouvait mourir ?
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Impossible de ne pas remercier la remarquable biographie de HPL par S.T. Joshi auquel je dois les renseignements utilisés ci-dessus. Indispensable pour tout admirateur du Maître de Providence, si vous n’en êtes pas vous ne seriez pas arrivé à cette ligne.