Skuggasund (2013) - Arnaldur Indridason – Éditions Métaillié (2018) – Traduction par Éric Boury
Après les deux premiers volets de la Trilogie des Ombres, voici un bref aperçu du dernier.

C'est une bonne chose d'avoir des voisines attentives, ainsi celle de Stephan Thordarson qui s'inquiète de ne pas l'avoir vu depuis plusieurs jours. Ayant fait appel à la police celle-ci envoie des hommes qui doivent faire appel à un serrurier, tout ça pour découvrir le vieil homme dans son lit, mort, apparemment dans son sommeil. L'autopsie prouvera le contraire, sinon comment des fibres d'un coussin auraient elles abouties dans la gorge du vieillard ?
L'ancien inspecteur Konrad s'ennuie depuis qu'il est à la retraite, il accepte donc avec plaisir la proposition du commissaire d'aller faire un tour sur les lieux. Faisant le tour des lieux, la routine, il découvre dans un tiroir des coupures de presses relatives à la découverte d'une couturière en 1944 sous un tas de cartons dans un quartier mal famé de l'époque, le Passage des Ombres, une ruelle à proximité du Théâtre National. Le pays à l'époque des occupé par des troupes étrangères, étasuniennes, anglaises, canadiennes dont les soldats fréquentaient les bars du coin en quête d'alcool et de rencontres tarifées dans ces lieux où aboutissaient ceux qui ne savaient plus où aller.
Konrad connait bien le quartier des Ombres pour y avoir grandi sous la férule d'un père brutal et gagnant sa vie en se faisant passer pour un spirite pouvant mettre en relation des vivants éplorés et leurs défunts.
L'enquête avait été conduite par un duo, les inspecteurs Flovent et Thorson, le premier était islandais, l'autre, un canadien fils d'émigrés, un ''islandais de l'Ouest'' comme on disait en ce temps là. Ces deux hommes sont plus différents qu'il y paraît, celui qui vient d'ailleurs peut montrer à l'autre les changements à venir comme son partenaire peut lui expliquer d'où il vient. Le passé n'est pas à rejeter mais tenter de s'y enfermer revient à nier le temps, autant dire que c'est impossible, le présent va s'imposer, transformer et détruire.

Konrad enquête et se souvient, il incarne tout à fait ce conflit temporel, en 1944 ses confrères n'avaient pu trouver l'assassin de la jeune femme, ils manquaient trop de moyens pour cela. Le quartier des Ombres portait bien son nom mais celles-ci semblaient n'attendre que d'être révélées pour disparaître, ombres dont personne n'est exempt.
Indridason tricote les époques pour dessiner des motifs qui bien que venant de temps différents se superposent trop bien. Les apparences changent, pas le fond des choses ni des âmes. L'auteur regarde son pays, dessine avec quelques détails l'environnement, les circonstances, les caractères, alternant sans le préciser le passé et le présent, prouvant, une fois de plus, sa maîtrise dans l'art de construire une histoire, de nous y attirer en nous ôtant sans que nous nous en rendions compte l'envie d'en sortir avant d'avoir lu la dernière page, le dernier mot.
Une trilogie qui se conclut en beauté, façon de parler bien sûr !