The Lucifer Principle (1995) – Howard Bloom – 2001 – Le Jardin des Livres – Traduit de l'américain par Aude Flouriot

Dans ce livre Bloom présente l'ensemble des règles naturelles tissant une toile aussi effrayante qu'épouvantable, l'ensemble des pulsions dont la Nature nous a doté. Ce que nous appelons le mal, pour pousser le monde humain vers des niveaux d'organisation supérieurs. La Nature est sans pitié pour ses pions, seuls ses projets importent, nos qualités produisent le pire. Notre dévotion pour le bien produit les plus infâmes atrocités, nos idéaux sont des excuses pour haïr. Le mal porte un masque d'altruisme.
Dans l'antiquité romaine Marcion affirma que le mal était la volonté divine mais qu'il était une conséquence, une composante de la création. La haine, la violence, l'agression et la guerre sont les éléments d'un plan évolutionniste.
Le mal est partie intégrante de notre structure biologique, c'est le péché originel proposé par saint Paul. La culture, la civilisation et les émotions animant la bête sociale génèrent une sociologie dépassant les limites des concepts déjà en place. La Nature ne veut pas nous sauvez de nous même et l'ennemi est en nous parce qu'elle l'y a placé pour une raison que nous devons comprendre pour la déjouer.

De fait Lucifer est l'alter ego de Mère Nature. L'évolution concerne les individus mais aussi les groupes, et plus encore, les superorganismes, entités rassemblant nombre d'individus autour d'un attracteur central. Bloom est un défenseur de la mémétique, comme Richard Dawkins. Le mème étant un élément socio-culturel mais à l'instar d'un être vivant cherchant à se multiplier, à envahir de nouveaux esprits, il se transmettrait par l'imitation. C'est un noyau d'idées autoréplicant devenant un ciment civilisationnel donnent à une culture sa forme distinctive, générant des êtres intolérants ou ouverts à la diversité.
Alors que le gène fut longtemps le réplicateur dominant, le mème est son successeur, plus efficace, plus rapide, n'étant pas limité par des contraintes biologiques mais transcendant les limites cultuelles. Les superorganismes sont capables des pires atrocités pour préserver leur place dans la hiérarchie, et surtout à massacrer les autres groupes pour éprouver leur domination. Le groupe se structure pour assurer sa survie, celle de ses représentants, tant que ceux-ci obéissent aux loi, qu'il y en ait dix ou davantage.

Pourtant l'individu lui-même n'est pas important, loin de là, il peut être remplacé par un autre, presque identique, il ne manque pas d'éléments utilisables. Les mâles étant bien moins nécessaires que les femelles, pour assurer la reproduction du groupe celles-ci sont plus importantes sans qu
L'histoire regorge d'exemples où la cruauté fut utilisée pour assurer la suprématie d'un superorganisme face aux éléments d'un autre, car eux aussi s'affrontent, sont en compétition, pour survivre, pour évoluer, pour obéir à la règle de la vie de toujours avancer. Quelques millions de morts n'ont pas d'importance. La guerre semble partie intégrante de la vie, depuis les fourmis jusqu'à l'homo sapiens. Que celui-ci soit plus complexe ne veut pas dire qu'il est plus intelligent, la preuve ! Tuer fait partie de nous, une pulsion présente dans les formes archaïques de notre cerveau.

Depuis le big bang puis l'apparition la plus primitive de la vie celle-ci n'a pas cessé de progresser, jusqu'à nous créer comme un emballage pour la transporter et la transmettre. Les gènes construisaient un organisme, les mèmes façonnent une culture, une forme de vie plus complexe.
Dans son livre Bloom essaie de voir les agissements de la Nature mais en gardant un regard ''humain'' séparant le bien du mal, comme si pour Elle cela signifiait quelque chose. Même Lucifer sous entend l'existence d'un dieu qui serait bon. Bloom lui-même semble le héraut d'un mème, mais qui ne l'est pas.
Il survole l'histoire humaine, dénonce les atrocités commises sur tous les continents par notre espèce comme si la destruction n'était qu'un moyen pour la vie de mélanger ses cartes pour les redistribuer. Inutile de nous demander pourquoi, dans quel but, les réponses que nous apporterions seraient fantasmées.
Dans des textes postérieurs Howard Bloom poursuit son questionnement, peut-être aurais-je l'occasion de les lire et de vous en parler.