Dans les rues de Portland un vieux marin somnole,
Se souvenant du temps de sa jeunesse folle ;
Mousse sur un grand trois-mats soumis à la rudesse
De la mer et des hommes il connut mille ivresses
Pour supporter son sort, accepter son destin,
Soumis par le hasard au caprice des marins.
Dans son coin, sur les murs, tenant par des punaises,
Il voyait les photos d'Atlantis et d’Éphèse,
Alors que dans sa main, pour seule nourriture
Quelques cacahuètes lui servait de pâture.
Libertine était le nom de cette embarcation
Qui, couvert par le luxe, cachait plus d'un poison.
Nombre d'hommes y montait en quête de rencontres
Pour satisfaire ces vices qu'ailleurs nul ne montre.
La luxure et la drogue distillaient leurs promesses,
Mais la mort et la mer étaient les seules prêtresses
Posant des colliers d'infamie sur des cous tremblotants,
Marquant d'un sceau fatal ces vieillards dégoûtants.
Il apprit à lire dans le cœur des humains,
À faire la différence quand venait le matin
Entre les corps que l'eau absorberait
Et ceux que le cuistot saurait faire mijoter.
Dans sa couche, voluptueusement,
Il rêvait à celle dont il serait l'amant.
Il fit couler plus de sang que de larmes
Par son parabellum dont il savait le charme
Pour ouvrir l'accès à la paix éternelle
Dont il n'était, lui, que l'humble sentinelle.
Bien plus tard il trouva, au British Muséum
Les restes fatigués de celle pour qui, homme,
Il eut offert ses jours, ses rêves et sa vie,
Pharaon magichienne, la belle Néfertiti.
De ses regrets il aurait remplis dix Jéroboam,
S'il avait possédé un cœur autant qu'une âme.
Dans les cieux l'observaient vautours et busards
Se disent qu'il faut de tout pour être charognard.