Le médecin légiste est-il un vrai docteur ? Au moins a-t-il l'avantage que ses patients le restent et ne se manifestent jamais contre lui. Il ne peut pas les soigner mais pas non plus aggraver leur cas bien qu'il les observe au plus près.
À la mode depuis quelques années dans divers romans et séries policiers il fallait qu'un vrai fasse le point sur sa profession.
C'est chose faite ici.
Deux éléments sont fondamentaux dans une enquête criminelle : les constations et l'autopsie. Seul le policier ayant participé aux deux est fondé à émettre des hypothèses pour orienter les recherches dans la bonne direction.
La mort pour un policier est ''plus'' normale qu'il n'y paraît puisque le corps qu'il découvre est dans une situation banale, pas dans un lit d'hôpital ou un cercueil qui en repousse l'effet. C'est n'importe qui, n'importe où.
Ce sera peut-être vous, ou moi.
Le légiste intervient peu sur la scène de crime, c'est ensuite qu'il va lui falloir ''faire parler le mort'', l'examiner au plus près, l'extérieur d'abord, puis l'intérieur, pour en arracher les plus intimes secrets.
En 1988 Bernard marc est interne de médecine légale en formation, en 2008 il est praticien hospitalier en médecine légale et chef de service. Vingt ans d'expérience qui sont prétexte à ce livre. Il ne s'est pas occupé que de morts mais a aussi soigné des vivants, victimes de violences ou d'abus en tout genre, ça ne manque pas, mais aussi personnes en garde à vue, prélevant des échantillons pour les tests que nous voyons si vite réalisés à la télévision.
20 années d'expériences au plus près de la nature humaine, pour autant que ces deux mots puissent s'associer.
Le crime génère de la curiosité, pour diverses raisons, peut-être parce que personne ne peut s'en dire à l'abri, comme victime ou comme auteur.
Tout commença avec Hippocrate et Esculape, pères fondateurs de la médecine qui proposèrent des connaissances préfigurant ce qui deviendra la médecine légale, se poursuivit avec la civilisation égyptienne et sa connaissance des corps et phénomènes post-mortem pour la pratique de l'embaumement. Dans l’Iliade même il est patent que des connaissances sur le fonctionnement du corps existaient déjà.
La phrase d'Hippocrate : La vie est courte, l'art est long, l'occasion fugitive, l’expérience trompeuse, le jugement difficile ; il faut non seulement faire ce qui convient, mais faire encore que le malade, les assistances, et les choses y concourent, peut illustrer la médecine légale par la compétence nécessaire mais aussi la remise en cause de l'expérience qui peut s'avérer trompeuse.
L'évolution de la médecine légale va être lente mais régulière, jusqu'à ce qu'Ambroise Paré rédige le résumé des signes permettant d'affirmer le degré de gravité des blessures et des modèles de rapports judiciaires. S'il fallait nommer un ancêtre de la médecine légale française, ce serait lui. À la fin du XVIIIème le docteur Antoine Louis donnait des cours au collège de Saint-Côme. C'est lui qui imaginera, pour ne pas faire souffrir les condamnés, l'instrument que Guillotin réalisera en lui donnant son nom. Cette science continua son petit bonhomme de chemin, apprenant, découvrant, innovant, Mathieu Orfila par exemple utilisa la chimie pour poser les bases de la toxicologie analytique, il inventa le premier test d'identification du sang et se servit du microscope pour détecter les traces d'origine biologique.
D'autres découvertes intervinrent, karl Landsteiner mit en évidence en 1900 l'existence de groupes sanguins différents, travaux repris par Max Richter en médecine légale. Un progrès capital qui n'aura d'égal que celui apporté cent ans plus tard par Alex Jeffreys par la découverte des empreintes génétiques. Le bertillonnage fait surgir l'anthropologie et l'identification médico-légale avant que Francis Galton établisse l'unicité et la permanence des figures cutanées des empreintes digitales et les classifie.
L'étude des poils et cheveux intervint ensuite, la photographie puis la radiologie et l'imagerie médicale concoururent à l'évolution de la médecine légale.
Tout cela pour résumer brièvement la présentation que fait Bernard Marc de sa profession, ensuite il nous fait part de son expérience personnelle, des cas qu'il rencontra, au premier rang desquels le suicide, première cause de morts violentes. Important en nombre mais différent dans ses formes. Le légiste, confronté aux conséquences, peut essayer de remonter aux causes pour les comprendre et tenter d'apporter des éléments susceptibles de protéger d'autres candidats à cet acte.
La mort, on le sait, est d'abord une obligation, celle-là est inévitable quoi que vous entrepreniez. Chacun peut décider de choisir le moment de cette rencontre, sans pouvoir obliger quelqu'un à le suivre. Pour un voyage si court est-ce nécessaire ? L'auteur semble penser qu'il faut cocooner chaque personne fragilisée par les circonstances pour l'empêcher de choisir cette option. Une autopsie psychologique existe, elle permet de remonter le fil de la crise suicidaire, souvent l'acmé d'un long cheminement qui ouvre l'ultime porte accessible. Visiblement lui et moi ne sommes pas sur la même longueur d'onde sur ce sujet.
Bien d'autres visages de la mort violente sont présentées dans ces pages, noyades, pendaisons, accidents de la route, électrocution
Et les crimes me direz-vous ? Ils vous attendent. Après cette lecture vous regarderez autrement les scènes de crimes télévisuels.