La beauté peut-elle devenir une obsession au point que vouloir la détruire devient l'unique chemin possible ?
Mizoguchi est un jeune moine bouddhiste, laid et affligé d'un bégaiement qu'il ne peut dominer. Fils d'un prête il vit avec son oncle dans les environs de tokyo. Depuis sa prime enfance il entend son père lui vanter la beauté du Pavillon d'Or de Kyoto au point qu'il en devient obsédé sans jamais l'avoir vu, isolé par son physique, son handicap et sa pauvreté il n'a de vie que dans l'imaginaire et le Pavillon est un fantôme idéalisé d'être invisible.
En 1944 lorsque son père l'emmène le voir pour la première fois il est déçu, comme si la réalité pouvait ressembler à l'idée que l'on s'en fait ! Présenté par son père au supérieur du Pavillon il y deviendra novice à la disparition de son géniteur. Mais cela ne calmera pas son obsession, au contraire. Il veut en devenir le maître faute de quoi il ambitionne de le détruire.
L'amitié qu'il put développer avec un autre novice, qu'il jalouse, se terminera par ce qui semblera le suicide de celui-ci. Postéieurement il rencontre Kashiwagi, étudiant cynique et désabusé qui va modifier sa perception de ses propres ambitions.
Mizoguchi finira par admettre qu'il ne sera pas choisi par Tayama Dosen, le supérieur du temple, pour lui succéder, dès lors que lui reste-t-il que la destruction du Pavillon d'Or et sa propre mort, comme si cela pouvait en aller autrement. Installé au sommet du Pavillon, le Kukyôchô, il regarde le mont sacré Hiei, et si la mission qu'il croyait avoir était, par le feu, de ranimer la flamme d'un bouddhisme étouffé par le confort ?
Début juillet 1950 le Japon est consterné par l'incendie criminel qui vient de réduire en cendres le Pavillon d'Or du temple Rokuonji, vieux de cinq siècles il avait survécu à toutes les catastrophes pour finir sous l'allumette d'un simple moine. L'événement est d'importance et un auteur de 20 ans, Yukio Mishima en fera onze ans plus tard un roman à succès qui sera traduit en Français en 1960 par Marc Mécréant pour les éditions Gallimard.
Si dans le roman c'est son attirance pour son contraire : la beauté, qui pousse Mizoguchi au crime dans la réalité c'est son dépit, sa jalousie et une médiocrité crasse qui le pousseront à mettre fin à ses jours. Mishima aura sérieusement étudié l'affaire avant d'écrire son texte. Un simple fait divers ainsi se transforme en roman pour, littéralement en ce cas, renaître de ses cendres. Du reste le Pavillon d'Or fut reconstruit à l'identique, la patine des siècles manque mais nous savons que ce n'est qu'un détail.
Au passage Mishima trace finement le portrait du Japon de l'après-guerre et les changements qui, lentement, s'imposent ; la campagne où sèche le riz, le temple proche physiquement de la ville mais en semblant si loin.