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15 décembre 2008 1 15 /12 /décembre /2008 08:14

 

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- Je tiens la pelote dans la main et hésite à tirer sur une perception tenant en des mots glissant entre mes pensées. Cette image de la camarde, de l’incarner, de l’avoir approchée, abritée… Je revois ce ciel gris, comme dans un jeu vidéo, incapable d'accéder au niveau supérieur je stagne. Quelque chose m'interdit d'avancer. La ligne plonge à travers le temps en des profondeurs qui me sont connues, face à l’avenir je dois décrocher le poids me retenant. Ombre dans l’ombre, les ténèbres sont une porte que je maintiens close. Ce qui me manque est d’une proximité affolante, les barreaux de la prison ont disparus, je ne crois plus en eux, les murs se sont effacés, j’hésite pourtant. La mémoire est étrange. La mienne a conservé peu de souvenirs par incapacité, elle était pleine ou s’était bloquée autour de ce que je dois affronter. Le schéma est tracé, reste à l’interpréter. Pour calmer mon angoisse je peux penser avoir traverser le pire, il n’en reste pas moins que mon corps résonne de terreurs anciennes qui ont du mal à disparaître. Ma mémoire repliée sur une douleur comme un hérisson, faisant bloc pour l’étouffer… Scotomisation ! Joli mot exprimant qu’un souvenir choquant devient inaccessible. Ma mémoire refuse de répéter ce qui la fit souffrir. Je me pose des questions depuis si longtemps, allant à chaque fois plus près du but. Au fil des pages j’ai jeté des pierres au milieu du courant pour atteindre l’autre côté. Images anciennes au cœur du torrent de ma genèse dont la clarté assure que je peux continuer. Parfois je pense que, passant par ma mémoire, je peux remonter jusqu’à la naissance de l’univers, me baigner en lui, quand les éléments de la vie se formèrent. La vie porte en elle ce qui fut, escalier conservant les marches déjà franchies. La porte est restée ouverte, une faille ou une blessure, physiquement la première, psychiquement la seconde ! Un phénomène interdit au battant de claquer comme prévu. Le doigt de l’évolution, influence de la vie désireuse de modification. Je vais regarder par l’ouverture. Je comprends ma peur, onde d’une sensation que le temps dilua sans l’effacer. A moi d’y mettre ma curiosité, comme une paume sur une cloche en arrête le tintement. Accepter les vibrations, plus moyen de fuir, sens aux aguets, mon attention est tournée vers ce qui m’attend.

Par un simple bourgeon, remonter l’arbre du temps dont la vie est la sève et l’écorce la mort. Me jouer des obstacles, remonter le fil de la Création… J’explique mon vertige, ce que je cherche à définir dépasse mes capacités. Je veux englober ce qui est plus que moi.

Avant de savoir que regarder était possible, avant que je sois plus qu’un probable, mon système nerveux ressenti et ma mémoire se referma comme une plaie sur une balle. Mon décès changerait-il quelque chose ou serait-ce l’occasion de me retrouver face à un instant dont la mort est responsable ? Pourquoi revient-elle me tendre les bras sinon pour indiquer la bonne direction ? Une caresse dont le froid me corrompit sans m’annihiler. Cette trace ne s’effacera jamais et mon cerveau lutta pour contenir une gangrène psychique et physique d’une façon que je ne peux expliquer mais dont je sens la vérité. Une pensée est une réalité cérébrale. La faucheuse ne fit que m’érafler et la cicatrice est le chemin que j'emprunte. L’intelligence taille des marches pour descendre à coups de définitions, d’équations, de découvertes, il existe un sentier direct, dangereux. D’aucuns l'empruntèrent mais les beautés mouvantes de la démence les retinrent, le suc acide de la folie les détruisit peu à peu. Et moi ? Suis-je en train de me diluer dans des termes que je crois sensés, qui ne le sont que pour moi ? Suis-je en train de pourrir ? C’est le prix de cette opportunité. Je fus capable de me figer longtemps, d’effacer le temps… L’appel était trop impératif, la médiocrité, la banalité… Rien ne put me retenir, l’amour se dessécha, ses liens tombèrent en poussière pour me libérer. Que j’affronte mon destin.

- Maintenant vous en êtes capable. Vous avancez page à page. Vous avez appris, découvert sur des chemins de traverses, explorés les pièces inconnues de l’esprit. Vous ne pouviez agir autrement. Le chemin est là, les années affirment votre capacité à l’emprunter.

- Quand l’ai-je pris ?

- Vous l’ignorez ?

- Non ! Il n’y a qu’un endroit où cela put arriver : in utero. La mort m’y a frôlée. Je l’avais prise pour une envie maternelle que je disparaisse, ce ne fut pas le cas. La réalité sourit, j’ai envie de l’étreindre, de la mordre et la dévorer. Je voyais une pensée hostile, même inconsciente m’atteignant… Étais-je heureux en colonie, loin de ma cage d’habitudes, baissais-je la garde, le décès de ma grand-mère fut-il le rappel que la mort existait, faisant pencher la balance du bon (?) côté. Je dérivais, les barrières intérieures cédèrent, le manteau de la camarde s’ouvrit comme la gueule du pire, son haleine fétide m’atteignit, je relevais les yeux, vis le ciel, sa noirceur, la violence qu’il contenait. Je ne pouvais admettre d’où elle venait et le pris pour responsable de ce qui surgissait de l’intérieur. Le silence de la nature aux aguets, le rire de la mort en moi ! Une émotion fit lien, la chaîne mentale se reforma en un éclair, une pensée s’en satisfit et je fus tétanisé d’effroi de retrouver une perception fœtale. Le système nerveux se constitue, je crois, vers vingt semaines, la date exacte importe peu, c’est pour dire matériellement les choses, il pouvait conserver l’empreinte d’un événement comme une pensée résultant d’un choc traumatique. Tant pis si des spécialistes disent que c’est impossible, eux qui ne se souviennent même pas du présent, les vivants qui viendront me donneront raison. S’il le faut je le ferais tout seul ! Le lien ne fut jamais rompu, fragile mais plus résistant qu’un câble retenant un paquebot. Émotion à la limite du perceptible dans un cerveau adulte, mais explosif dans un cortex à peine formé, disproportion entre deux protagonistes qui, pourtant, ne s’annihilèrent pas mutuellement, au contraire. Maintenant je peux marcher sans m’enliser dans des perceptions effacées d’être déjà reconnues, passées sur la meule de la lucidité. Autrefois, retrouvant cette route je fus pris dans le désespoir, les larmes, dans une folie amicale. Un suaire tremblant me recouvrit sous lequel je voulus disparaître.

La vie me donna les moyens de m’accrocher au réel, la force de déchirer la cangue m’enserrant comme le papillon lacère sa chrysalide. Comme lui j’ai envie d’étaler mes ailes, de les laisser sécher au soleil de la compréhension avant de prendre mon envol. J’ai échappé au caveau d’une geôle capitonnée. Tant de hurlements jetés sur le papier faute de savoir en pousser un dans le réel, il aurait été destructeur par la rupture de l’équilibre fragile que je maintenais. Ne rien montrer, ne rien dire, résister seul car une intervention extérieure eut tout bouleversé, se voulant positive elle m’aurait détruit. La camisole est à mes pieds, complice de mes jeux du passé, la mort est dans l’avenir comme dans mon souvenir. La conscience peut plier le temps à ses besoins. La lâcheté est omnipotente. Je comprends ceux qui créèrent dieu pour le refuser.

- La proximité du but vous effraie, normal. Vous n’êtes plus seul, je suis là pour vous aider, vous accompagner, certitude de votre réussite. Vous savez qui je suis n’est-ce pas, vous l’avez toujours su, regardant ailleurs pour éviter la vérité. Pensiez-vous me faire du mal, que j’y sois sensible comme une enfance agonisante redoute la mort qui s’avance ? Vous me vouliez ainsi, puits dans lequel vous vous seriez jeté. Je ne peux vous dire "Buvez car ceci est mon sang ! Mangez car ceci est ma chair !" J’en suis dénué. Acceptez mes larmes, elles sont vôtres, elles sont vous. Vous ne me prendrez rien. Récupérerez ce que vous êtes ! Vous détestez ces victimes feignant de s’offrir mais dominant ceux à qui elles se donnent. L’innocent se croit coupable et le coupable se vêt d’innocence. Entre le jour total, éblouissant, et la nuit complète, aveuglante, se trouve votre chemin.

- Suis-je le monstre que je pensais ? Un rêve irréalisable, une réalité refusée. Galoper loin du troupeau, paître à l’aise les pensées fraîches que l’espoir aime tant et puis me retournant, voir au loin le moutonnement de la banalité, me redresser et rire. Je les vois s’interroger, prenant mon hilarité pour un appel et venir vers moi insouciant du gouffre qu’ils ne sauront franchir. Je me plus parfois à m’imaginer responsable d’un linceul de sang recouvrant la terre. Je me demande s’il sera un jour, et sous quelle forme, réalité.

- Vous repoussez votre quête, l’avenir attendra.

- C’est vrai, histoire de respirer mais je tiens le fil à moins que ce ne soit le contraire. Ainsi s’expliquerait que je ne pus le trancher. Mon décès seul y serait parvenu. L’envie de mourir ne suffisait pas. J’avance, les énigmes se résolvent, les pièces du puzzle s’organisent.

- Il en reste une à placer.

- Placer l’ultime sera m’avouer que je suis aussi étranger que je le pensais. Tant que je pouvais croire que c’était un jeu le supporter était facile, maintenant…

- Ce sera facile. Votre différence est perceptible. Exprimez ce que vous ressentez en allant droit au but. Vous paraissiez abscons par peur de vous connaître. Être un monstre c’est rester vivant, se tenir debout. Ainsi le premier de nos ancêtres qui le put terrifia-t-il ses semblables devenus des étrangers. Il leur fit peur mais éveilla en certains l’envie d’en faire autant. Nous en sommes là. Vous désignez un chemin différent sur lequel vous serez suivi. Le pire fardeau est celui que l’on s’impose pour forcer son regard vers le sol, ignorer que lever la tête et voir au loin est possible, attendu !

- Enfant je murmurais mes secrets à mon nounours, nul n’aurait compris ; ensuite ce fut au papier. Des créatures hideuses dansaient autour de mon lit, une aura protectrice autour de moi je dormais rasséréné. Avec le temps, me penchant sur mon passé, je réalisais avoir été dirigé et préservé. Je fis ce que je pouvais, la nature me voulut pensant… comme ils ne diraient pas ! Je marche sur des milliers d’âmes mortes faute d’avoir osé avancer. Je me rassure, reste d’humanisme, en me disant que je prolonge leurs existences, alors que je me nourris d’elles, leur seule utilité ! Quand je tomberai un autre viendra, quand il chutera à son tour… ainsi la vie avance.

- Vous faites du sur place en ce moment.

- Je voudrais faire comme si rien ne s’était passé. La norme est une vampire satisfaite du sang tiède de la médiocrité. Je ne fis jamais restaurer ma peluche, l’enfance ne revient pas. Le clavier la remplaça, me faisant du bien, du mal, me permettant d'arpenter mes mondes sans m'y perdre. Sans lui le délire m'eut submergé, je devais me libérer d'un inconscient trop abondant.

- L’isolement fut une protection dont vous n’avez plus besoin.

- Et vous ?

- Je fus et serai toujours là, à ma façon. Avez-vous besoin d’une seconde ombre près de vous ? Seul comme l’est le phare perçant l’obscurité de l’ignorance, tentation pour esprits aventureux dont beaucoup se découvriront incapables de marcher. Vous avez pu, su, et la nuit fut protectrice. Vos ailes sèchent. La lucidité vous amène à anticiper et craindre ce qui est là. Le papillon ignore ce qu’il est, ce qu’il fait, vous comblez cette ignorance. Le cocon fut difficile à déchirer, tant de strates de peurs, de protections, quand le pire danger venait de l’intérieur, un péril nourrissant quand vous l’affronterez en supportant sa nocivité. Vous vous imaginez nocturne aux ailes bleu sombre, se noyant dans l’obscurité. Laissez-vous être, secouez vos élytres et vous verrez leur véritable couleur. Par besoin d’énergie vous dévorerez la nymphe dont vous sortirez, elle est là pour cela. Celui que vous étiez nourrit celui que vous devenez. Le passé est accessible, vous le redoutez sous la surface de la conscience. Vous savez que j’ai raison, fille de la nuit le jour m’est interdit. Non ! Ne vous forcez pas à redouter de me perdre, je suis une peluche, en plus complexe, comme votre aujourd’hui par rapport à votre avant-hier. Les prédateurs sont prêts à tout pour survivre et le gibier existe pour les alimenter. L’équilibre est ainsi maintenu. Vous êtes différent, meilleur ou pire, l’avenir le dira. Vous suscitez vos proies, passant à travers pour vous repaître d’un ailleurs que vous percevez mais que vous ne savez atteindre autrement. Nous sommes ensemble et le resterons jusqu’à ce que la vie nous sépare ! C’est une si grande force d’en sortir pour la regarder comme si le fœtus pouvait redouter ce qui va lui arriver, comme s’il ouvrait les yeux, intérieurement, sur ce qui l’attend.

- La naissance arrive toujours trop tôt ou trop tard. La mienne se passa mal, je dus subir une légère réanimation. Légère… J’étais à la surface de la vie, prêt à me laisser prendre, seul j’aurais échoué. Je n’eus pas mon mot à dire, à peine présent, retenu par un souvenir, par une impression, au sens propre, une gravure en moi. Les techniques modernes d’exploration cérébrale ne trouveraient rien tant elle est subtile, peu importe, je sens la véracité de ce que je dis. Oui, avant de naître la mort s’était penchée sur moi posant ses lèvres sur mon front, je n’en perçus que le souffle. Elle n’était pas derrière moi en cette après-midi de septembre, elle était en moi ! Présente depuis l’aube elle le restera jusqu’au crépuscule.

- Eut-elle une raison pour vous laisser aller ?

- Elle ne trouva pas de prise, je glissais entre ses doigts. La vie fut plus forte et j’appréhende le comment autant que le pourquoi. Je me suis interrogé. Ai-je été ranimé, mon corps n’est-il pas resté prisonnier, grandissant sans deviner son état ? Tout ce qui fut ma vie pourrait être imaginaire.

- La foi vous soutient, la certitude de pouvoir aller plus loin.

- J’ai rêvé d’une enfant mourant dans mes bras, l’écrivant en immergeant ma plume dans l’indicible qui m’enveloppa durant les mois que dura la rédaction de ce texte. Quelle inspiration me souffla-t-elle cette histoire, pourquoi fut-elle aussi bouleversante au point que je m’endormais comme si je mourais avec elle.

- Vous reconnaissiez le chemin. Je ne vais pas mourir ainsi, vous ne pleurerez pas en me tenant la main, vous n’emporterez pas de moi une image livide, visage transparent, de grands yeux clairs et cernés. Le temps est venu d’arracher son masque au symbole.

- Mon enfance morte ?

- Est-ce seulement cela ?

- Vous en savez plus que moi.

- Non, je perçois votre hésitation, j’entends que vous n’y croyez pas et que vous devez vous reposer la question jusqu’à découvrir la réponse adéquate. Non, ne cherchez pas en vous, la fontaine de démence est tarie ! L’émotion ne viendra pas vous arrêter, elle le fit quand vous ne pouviez aller plus loin, vous êtes apte désormais à en savoir davantage. Il ne s’agit plus de personnage vous échappant, exprimant des parties de vous délaissées. Ce qui vous attend a le goût de la vérité. Voulez-vous aimer une tombe vide ? Voilà qu’elle s’anime, se transforme et vous interpelle. Pygmalion avait demandé à ce que Galathée s’animât, pas vous, le résultat n’en est que plus frappant. Vouliez-vous m’utiliser pour oublier la vie ? Elle, ne le fit pas, et les battements de votre cœur prouve qu’elle persiste en vous malgré vos dénégations. Un fantasme peut mourir cent mille fois, et revenir. Les années ont creusé par vos larmes la tombe dans laquelle j’aspire à trouver le repos. Vous aviez enterré ma mort, et sur le sol, à la place d’une dalle de marbre sur laquelle vous espériez graver votre nom apparaît un arbre qui va fleurir, qui fleurit déjà. Vous me cherchiez, je suis venu, vous avez l’imagination assez puissante pour croire en une illusion. Que feriez-vous d’une charogne au lieu d’une belle enfant aux yeux de ciel ? Regardez-moi bien, si, vous le pouvez, vous n’êtes pas allé au cimetière pour rien. Vous savez ce que je suis, par delà l’aspect d’une peau douce et rose tendre. Je suis une face que le temps a rongée. Admirez mes yeux, leur obscurité est celle du néant qu’ils contemplent et auquel vous m’arrachez pour me voir pourrir. Vous ne trouverez pas le repos dans mes bras rongés par la vermine. Ma chair est flétrie, vous percez ma peau en y posant le doigt, observez comment les vers qui me constituent courent sur votre main pour revenir se gorger de mes restes. Est-ce cela que vous adorez, que vous croyez être le reflet de la vie que vous espérez pour vous-même ? Mais vous n’êtes pas ainsi quand bien même la mort aurait-elle effleuré votre front. Jadis je fus belle et ma mort vous fut profitable, les années n’ont pas épargné celle que je fus. Une image vieillit même dans un souvenir. Le temps ne laisse rien de côté et c’est mieux ainsi. Qu’auriez-vous fait de moi ? Serais-je devenu la compagne de votre démence ? Je suis revenue par la nuit comme le spectre dont vous aviez besoin. Avez-vous été dupe un seul instant ? Ne vous mentez pas, c’est un crime auquel vous n’avez plus droit. Cela n’aurait pas été un miracle mais une malédiction, vous ne croyez pas au premier, vous ne méritez pas la seconde bien que vous l’ayez pensé. La vie choisit au hasard, pour elle l’individu n’existe pas, il est une créature parmi d’autres, ce JE que vous sentez superficiel est ce qu’elle cherche. Les fils nous dirigent sans savoir ce qu’ils font. La vie est sans âme, elle ! N’est-ce pas ironique ? Elle est satisfaite, sa raison d’être. Vous vous parlez par ma bouche même si parfois je vous surprends. J’aurais apprécié d’être vivante, je faillis le croire, c’était interdit et vous ne m’imposerez plus cette torture ! Le mot n’est pas trop fort, puisque je suis l’émanation de ce vous qui est souffrance. Je suis une illusion mais cela ne change rien à ce que je ressens, au contraire, je vibre de votre émotion. Ma vitalité est la vôtre, ma conscience… Je ne suis pas là pour comprendre, seulement pour dire, je sais que vous ne me décevrez pas. Vous m’avez aimé, désespérément, faute d’avoir celle à qui destiner ce sentiment, les années passant, la réalité ne voulut pas vous lâcher. Écartelée entre lucidité et démence je dus m’éloigner et le temps me rattrapa. Ne cherchez plus l’amour dans le délire. Je ne sais s'il serait positif en chair ou en os ou comme ces images qui jalonnèrent votre vie et dont vous avez fini par ne plus pouvoir vous satisfaire. Vous vous souvenez, quand la réalité rencontra le rêve, vous étiez entre les mâchoires de l’étau. Fontaine de démence avez-vous dit ? Belle image, vous la connaissez. Elle est asséchée, vous pouvez creuser, chercher l’origine de cette source, vous trouverez une terre sèche qui ne vous procurera que tristesse et déception, ce qu’elle est. Vous voulez lécher ces pierres, les souvenirs d’une époque passée ? Vous n’obtiendrez qu’un goût de cendres, des relents de regrets avant de devoir admettre les faits. On ne réussit que ce que l’on peut. Acceptez-vous ! Sentez ma main glacée ! Plongez dans mon regard et admettez mes orbites creuses au fond desquelles vous attend une vérité que vous ne pouvez ignorer davantage, que vous devez prendre en vous, plus que dans vos bras, dans votre âme, au plus secret de vous. Je suis le prix qu’il vous faut acquitter, ces milliers de nuits au cours desquelles le poison coulait en vous. L’émotion était la seule défense efficace. Ce décor est plein d’enfance, de ces souvenirs d’un petit garçon qui lutta pour ne pas chavirer. Il ne comprenait pas la bataille dont il était le champ ni l’enjeu de cet affrontement intérieur, maintenant vous voyez ce qu’il peut vous apporter et cela vous effraie. De l’autre côté de la rue se tenait votre école, espériez-vous y retourner, reprendre le chemin, le modifier ? Il n’y en aura pas d’autre, jamais ! L’image est nette, tentante, quel plaisir ce serait de replonger dans l’autrefois et d’effacer le présent, de retrouver les copains, l’instituteur, les bureaux, le couloir, les porte-manteaux, curieux comme brusquement tout devient simple, presque concret. Mais il s’agit d’un de ces navires fantômes remontant de profondeurs fallacieuses. Y grimper serait reculer et vous ne pouvez plus que voir cette image s’estomper. Je comprends votre peine, la certitude de lendemains terrifiants de tentations, d’étranges pensées que vous supporterez. Une autre scène revenait ? Le Destin attablé, rédigeant votre vie. Vous vouliez surgir dans son dos, vous hausser sur la pointe des pieds et lire ce qu’il écrivait, ce qu’il vous réservait. C’est ce que vous faites. L’encre est parfois bleue, parfois rouge, parfois hésitant entre les deux, les mélangeant. Peu importe, le présent est sa plume et la vie son encre.

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