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26 avril 2019 5 26 /04 /avril /2019 15:00

Sous la direction de Josiane Olff-Nathan – Éditions du Seuil – 1993

Introduction de Josiane Olff-Nathan

C'est la science qui est ici mise en cause [comme si elle avait une réalité individuelle, un peu comme la société qui serait responsable des maux de l'humanité!]. Ce livre montre la compromission nazis/scientifiques. L'enjeu n'en est autre que les rapports de la science et de la démocratie [déités laïques s'il en est].

Il pose un regard sur l'influence qu'eut le national socialisme sur la science, et inversement ; sur la légitimation des mathématiques dans l'Allemagne fasciste, l'existence d'une deutsche Physik initié par Philipp Lenard et Johannes Stark frustrés par la République de Weimar qui ne leur donna pas l'importance qu'ils pensaient avoir et tentèrent de l'obtenir dans l'arène politique sous le Reich. Dès 1924 l'un et l'autre soutinrent Hitler emprisonné après sa participation au putsch manqué de

Munich. Ils ne purent remplir le rôle qu'ils avaient ambitionnés sinon par leur influence sur la nouvelle génération bien qu'ils s'évertuèrent à rejeter la théorie de la relativité.

En 1937 Stark avait attaquer Werner Heisenberg dans la revue des SS Das Schwarze Korps, soulignant que celui-ci avait refusé de signer en 1934 un appel public de soutien à Hitler et l'accusant d'avoir soutenu des thèses prônés par des savants juifs. Heisenberg pensa émigrer, il est fort dommage qu'il ne l'ait pas fait. Une lettre de Himmler le convainquit mais le prix Nobel dut accepter de séparer une découverte de celui qui l'avait faite sans obtenir le poste qu'il voulait à Munich.

Bien que les SS le considéraient comme un ''intellectuel apolitique''. Par la suite Heisenberg dirigea à Berlin les recherches sur la bombe atomique sans les voir aboutir. À partir de 1945 la République fédérale d'Allemagne entreprit une dénazification de la science, de nombreux scientifiques furent jugés pour leur soutien au national-socialisme.

Recherche et enseignement scientifiques s'épanouissent mal dans une dictature tant celle-ci surveille chercheurs et publications. La communauté établie et apolitique de la physique mena une rude bataille contre la science politisée incarnée par la deutsche Physik.

Impossible ici, ce n'est pas mon propos, de faire le résumé de ce volume, vous y suivrez l'évolution de la science en Allemagne et comment elle pâtit du régime, ce qui n'est pas une surprise. La plupart des scientifiques adhérèrent par obligation au parti, peu manifestèrent une vraie approbations, sinon collaboration, au système.

Mein Kampf présente une vision pessimiste de l'évolution de l'humanité, pessimisme biologique fondé sur l'affirmation d'une loi que les hommes n'auraient cessé de violer : une espèce ne s'accouple qu'avec elle-même les peuples n'en tinrent pas compte, pas même l'Aryen supérieur avec pour conséquence sa fin en tant que porteur de culture. Autre aspect de ce pessimisme : se trouver dans un monde fini et la nécessité d'avoir un espace vital nécessaire à sa survie et son expansion. La décadence menace, mais s'il subsiste une minorité intacte qu'un génie la guide !

Il suffisait d'y penser.

Impossible de privilégier une contribution, chacun apporte un éclairage différent à une époque, en soulignant les traits marquants et spécificités qui permettent de mieux connaître ces heures sombres de l'Histoire en général et de la science qui ne pouvait rester à l'écart.

Certes sa lecture demande temps, calme et attention tant derrière son sujet, la science, transparaît la réalité mortifère du nazisme et comment elle fut mise en œuvre. L'histoire semblait devoir amener ce désir de retrouver une pureté originelle, si celle-ci existât jamais. De nombreux peuples furent présentés comme d'improbables hybridations, des hérétiques qu'il fallait éliminer comme le soulignait Bernard Gui : l'hérésie ne peut être détruite sans que les hérétiques le soient, et qu'importe si pour cela il faut éradiquer une ethnie entière. La science n'avait pas, l'aura-t-elle jamais, le dessus sur le fanatisme, elle ne fit que servir une nouvelle légalité ''scientifique'' (in)justifiant le génocide.

Toute une littérature hygiéniste du dix-neuvième siècle souligne la menace de certaines catégories de populations, l'idée naquit du criminel-né, la maladie mentale était incomprise, syphilis, tuberculose et alcoolisme faisait des ravages, la dégénérescence était inévitable sans une action efficace. En Allemagne elle alla jusqu'au pire. Il fallait éliminer le corps physique pour que meure le mal qu'il portait. La guérison imposait l'amputation des membres gangrenés et corrupteurs.

Quand à la science qui est au cœur de l'idéologie national-socialisme il s'agit sans doute de la ''biologie raciale''. De nombreux raciologues et eugénistes célébrèrent l'avènement du nouveau régime.

Jusqu'aux années 80 l'historiographie présentait pour la période 1933-1945 une communauté scientifique apolitique et passive face au pouvoir. La science était la victime d'une idéologie qui l'avait falsifiée. Après 1945 la tentation de disculper la biologie fut grande. En réalité comme l'affirment Horst Seidler et Andreas Rett dans La Biologie raciale sous la national-socialisme : à notre connaissance il n'y eut pas un seul anthropologue pour se dresser, en paroles ou en écrit contre l'idéologie raciale du national-socialisme. Les anthropologues les plus éminents de leur discipline fournirent une justification scientifique à la folie raciste du nazisme. Sur la petite centaine d'anthropologues allemands dans les années 30, une demi-douzaine seulement émigrèrent, résistèrent ou furent persécutés par le régime. Le national-socialisme désirait initier une ''révolution eugénico-raciale'' et initia pour cela une ''biocratie'' gouvernée par les médecins psychiatres, généticiens eugénistes et bio-anthropologues.

Il existait une véritable symbiose entre la communauté bio-anthropologique allemande et le nazisme. L'anthropologie biologique allemande a largement collaboré à la politique raciale nazie. Elle en fut, avec la médecine, la psychiatrie et la génétique humaine, la plus fidèle servante. On peut détecter cinq secteurs d'affinité : eugénisme, métissage racial, nordicisme, antisémitisme et primat de la race. Sous Weimar déjà la législation eugénique existait, le programme d'euthanasie en revanche fut l’œuvre des médecins psychiatres. Le premier rendit un immense service aux nazis en fournissant les ''critères d'évaluation, les catégories de classement et les règles d'efficacité'' qui permirent de définir et justifier l'ordre social traçant la ligne de démarcation entre les membres de la ''communauté du peuple allemand'' et les étrangers. L'hygiène raciale légitima la dichotomie entre le ''membre de la communauté'', utile, et ''l'étranger''. Il importe de préciser que l'enseignement de l'eugénisme est antérieur à la prise de pouvoir par les nazis. 

Fritz Lenz, influent et tapageur hygiéniste de l'époque, s'exprimait ainsi : il faut exiger absolument l'enseignement de l'hygiène, y compris raciale... C'est seulement quand les principes de bases de la vitalité raciale seront familiers à la majorité des gens cultivés que nous pourrons espérer mettre un terme à notre déclin et le transformer en ascension. 9 ans plus tard Depdolla affirmait : C'est en lui (l'enseignement de l'eugénisme) que se combinent l'instruction , la transmission de connaissances, et l'éducation, la formation intérieure de l'être humain. Hambourg fut, en 1928, la première ville à mettre en place un enseignement de l'eugénisme à côté de celui de la génétique.

Kaiser-wilhelm institut Berlin

J'espère avoir titillé votre curiosité encore qu'il faille rappeler que la science n'est qu'un instrument utilisé par le scientifique, c'est lui et lui seul qui est responsable de l'usage qu'il en fait, qu'il tente de se justifier par le contexte est rarement une excuse recevable.

Une lecture édifiante bien que ce livre soit déjà ancien qui dessine un tel portrait de l'homo sapiens que j'en viens à me demander si Adolf n'avait pas raison d'être pessimiste.

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