La Recherche hors-série 14 : La Lumière
La maîtrise de la lumière promet des innovations extraordinaires. La science-fiction n'est que la vitrine du futur. Par exemple, la cape d'invisibilité ou le détournement des ondes sismiques pour limiter séismes et tsunamis.
En 2012 David Wineland et Serge Haroche partagent le prix Nobel de physique pour des travaux considérés comme une avancée dans l'observation des propriétés de la lumière et de la matière. Ceux-ci portent sur l'optique quantique qui étudie les propriétés fondamentales des atomes et de la lumière en interaction. Il s'agit d'enfermer des grains de lumière dans une cavité recouverte de miroirs entre lesquels les photons rebondissent et de se servir d'atomes pour observer le passage de l'échelle quantique à l'échelle macroscopique. La manipulation, sans les détruire, de particules uniques, ions ou photons, a été récompensée par le Nobel.
Ces recherches démarrent dans les années 1990, par l'observation de la décohérence : la disparition des effets quantiques, provoquée par les interactions des systèmes quantiques microscopiques avec le monde macroscopique, elles furent suivies, dix ans plus tard, par l'observation, pour la première fois, de photons. Prouesse notable, un détecteur voyant un photon en l'absorbant, donc en le détruisant. Il fallait prolonger la survie du photon au-delà de la centaine de microsecondes. L'expérience peut sembler sans autre utilité qu'elle-même, mais au fil des progrès apparurent des applications que personne n'attendait. David Wineland put ainsi construire une horloge cent fois plus précise que les horloges à césium, elle ne dérive que d'une demi-douzaine de secondes en 14 milliards d'années, l'âge de l'univers ! L'optique quantique engendra une discipline nouvelle : l'information quantique, avec des applications en cryptographie et la perspective de construire un ordinateur quantique. Pouvoir conserver assez longtemps un système quantique formé de milliers d'atomes placé dans leur propre superposition d'état permettrait de disposer d'une puissance de calcul extraordinaire, utile par exemple pour la factorisation de grands nombres.
Serge Haroche fut l'élève de Claude Cohen-Tannoudji, Nobel 1997, lequel fut celui d'Alfred Kastler, Nobel 1966, une lignée due à la structure de l'École normale supérieure qui dispose d'un important vivier d'étudiants en permettant aux chercheurs confirmés de travailler ensemble en combinant leurs compétences. Système établi également au National Institute of Standards and Technology de Boulder où travaille David Wineland et son équipe.
À la fin de son interview, avec Denis Delbecq, Serge Haroche n'oublie pas de rappeler que si le Nobel récompense un chef d'équipe, il ne faut pas oublier celle-ci.