La Recherche N 498 – Avril 2015
Le réveil de l'obscurantisme
Depuis 4 siècles la science s'est libérée des chaînes et entraves que veulent lui imposer les sectateurs d'un dieu, qui pour être soi-disant unique n'en porte pas moins des noms différents.
Galilée et Descartes au XVIIe siècle énoncèrent le postulat d'objectivité, proscrivant dans l'activité scientifique la considération des fins. La science s'oppose au raisonnement finaliste, solution de facilité consistant à renvoyer un problème non résolu, mal posé, inaccessible aux facultés cérébrales de certains, à dieu, créateur de l'ordre de la nature.
Rien ne se perd, la preuve. Les créationnistes cherchent à rabaisser la science au rang de discours hypothétique cherchant parallèlement à ériger une idéologie en science. Ceux-ci refusent que l'activité scientifique interfère avec la question de dieu en ranimant, tel un zombie, l'argument du dessein, résumé ainsi par Voltaire : l'horloge prouve l'horloger.
Rappelons que le créationnisme est une idéologie qui agglomère des tenants de religions diverses venus du monde entier, états-unis, Inde, Arabie saoudite, Belgique...
Profitons-en pour nous pencher sur l'époque qui vit la séparation des discours de la science et de la théologie, et la distinction entre croire et savoir. Aux XVIIe et XVIIIe la science s'est construite sur l'affirmation de son autonomie et son indépendance à l'égard de l'argument du dessin.
À l'âge classique la science se passe difficilement de dieu qui la fonde en renfermant les principes nécessaires à son activité, de son côté la science montre que la nature est bien ordonnée. La théologie se lit dans la nature.
C'est Pascal qui mettra en évidence que les faits scientifiques sont de nature historique, dépendants des expériences et, donc, du progrès technique. Ce que les savants anciens voyaient comme une loi définitive peut être remis en cause et sa fausseté démontrée. Lui succédera le postulat d'objectivité déjà vu, puis la critique du raisonnement finaliste par le chancelier Bacon suivi par Spinoza qui sera exclu de la communauté juive d'Amsterdam le 27 juillet 1756 pour avoir professé que la volonté de dieu est un asile de l’ignorance.
Au XVIIIe les encyclopédistes agiront pour débouter ceux qu'ils appellent les ''causes-finaliers''.
Ernst Mach dans La Mécanique (1904) insiste sur l'idée que le principe d'économie ne peut plus être référé à dieu mais référé à la science-elle-même, conçue comme recherche permanente d'un optimum, cherchant à présenter un maximum d'explications des phénomènes en un minimum de propositions.Leibniz, déjà, soulignait que les sciences progressent en s'abrégeant.
Le science est le produit des principes d'économie et de simplicité qui structurent, fondent et guident l'activité de l'esprit. Poincaré soulignera que s'il est possible de se passer de dieu il ne l'est pas de se passer de métaphysiques.
Pascal, croyant et savant, nous légua les moyens méthodologiques de penser la distinction entre croire et savoir : la croyance repose sur l'autorité et la foi, le savoir repose sur la raison et l'expérience. Aujourd'hui les tenants du dessein intelligent instrumentalisent une fausse science – la doctrine créationniste – pour servir leur propagande. Darwin étant leur cible principale. Ils cherchent à faire croire que la théorie darwinienne est une hypothèse concurrente de la leur. Ils veulent ainsi insinuer le doute chez ceux qui n'ont jamais réfléchi (par incapacité peut-être) philosophiquement aux enjeux et à l'illégitimité de l'argument du dessin et sont prêt à se laisser tenter par la thèse finaliste. Ils veulent supprimer le critère de distinction entre croire et savoir, entre l'idéologie et la science.
Ils visent à faire interdire l'enseignement de l'évolution pour lui substituer leurs dogmes.
La superstition et le fanatisme n'en demandaient pas tant pour prendre également ce visage, il suffit de suivre l'actualité pour lui en voir d'autre ; l'inquisition et ses méthodes remontant du gouffre obscur où elle pourrissait.
Derrière Darwin c'est la liberté d'expression qui est le but à atteindre, puis celle de penser afin de revenir à un monde d'où l'intelligence serait aussi absente que dans le cerveau des intégristes quelle que soit leur étiquette.