La Recherche N 498 – Avril 2015
L'âge de la Terre à la Renaissance
Ivano Dal Prete évoque un souvenir. Alors qu'il fouillait les étagères d'une vieille bibliothèque de Forti (Italie du Nord), il tombe sur un opuscule scientifique rédigé par un dénommé Fausto Da Longiano, imprimé à Venise en 1542, et traitant de la météorologie. À l'époque cette science incluait la géologie et l'océanographie.
Jusque là rien d'étonnant, à l'époque l'imprimerie vénitienne employait des centaines de travailleurs et pour se rendre accessible publiait des éditions en italiens plutôt qu'en latin. Ainsi pouvait-elle toucher un public plus large curieux de science mais ne maîtrisant pas le latin.
Un chapitre retint l'attention d'IDP, celui sur la nature et l'origine des montagnes. L'auteur y décrit les fornes naturelles oeuvrant sur de longues périodes, l'érosion lente due aux eaux courantes et l'accumulation de débris au fond de l'océan qui se déplaceraient trop lentement pour être perçu pendant une vie d'homme. Da Longiano y explique aussi que la surface de la Terre était remise à neuf tous les 36 000 ans. Pas un mot sur la Genèse et la Création, ni sur l'arche de Noé, sur aucun des enseigments bibliques alors qu'à cette époque le monde était censé être né autour de 4000 ans avant J-C. Or Longiano semble persuadé que ses lecteurs ne seront pas choqués par ce qu'il avance.
Ivano Dal Prete, intrigué, se lança donc en chasse de textes scientifiques de la Renaissance en langue vernaculaire. Il en découvrit qui reprenaient l'idée d'une Terre ayant un âge indéfini. Insistant que celle-ci devait être étudiée selon les observations et lar aison, la théologie ne pouvant être prise en compte.
Ainsi Girolamo Fracastoro, au XVIe exclait le Déluge de l'origine des fossiles marins. Gabriele Falloppio affirmait quand à lui que
seule une poignée d'ignorants pouvait croire que les fossiles marins avaient apportés dans les montagnes par les eaux du Déluge. Le cardinal Gasparo Contarini, géologue éminent à cette époque, n'évoque pas le Déluge dans son traité, publié en 1548.
Ainsi bien avant la révolution scientifique du XVIIe l'idée d'une Terre extrêmement vieille circulait et s'exprimait dans des livres à destination du grand public. Cette idée d'une Terre éternelle était déjà présente dans l'enseignement d'Aristote qui commençait à se répandre dans les universités européennes. Thèse condamnée par l'archevèque de Paris en 1277.
La thèse principale de l'Église étant que la Terre avait été créée par dieu, la façon dont cela s'était passé étant secondaire.
À partir de 1520 la Réforme et la réaction catholique établirent un littéralisme biblique qui envahit la science. Séparer science et religion devint périlleux.
La volonté de concilier l'histoire de la Terre et la chronologie biblique fut populaire en Grande-Bretagne. L'évêque anglican Ussher calcula que le monde avaité té créé le 23 octobre 4004 avant J.C. Le mathématicien Thomas Harriot lui donna 16 000 ans quand Robert Hooke envisagea une Terre bien plus vieille que celle de la bible.
N'en déplaise aux créationnistes et aux archaïstes l'opinion d'une Terre façonnée par le Déluge ne fut imposée qu'au XVIIIe. Siècle au début duquel le naturaliste Antonio Vallisneri se plaint que le diluvianisme populaire parmi les ''hérétiques'' (protestants) du nord de l'Europe descende dans le sud. Lui maintint la tradition remontant à Aristote, Fracastoro et ceux qui pensent que les fossiles marins trouvent leur origine dans les inondations naturelles de la mer en des temps immémoriaux et obscurs : et seul dieu sait quand.