Arnaldur Indridason – Métailié NOIR – Traduit de l'anglais par David Fauquemberg – 1999
1945 – Islande
Il avance dans le blizzard, difficilement. Il a survécu au crash, comme d'autres, mais lui préfère affronter le froid plutôt qu'attendre d'hypothétique secours. Attendre c'était mourir de froid, autant tenter quelque chose. Il progresse, trimbalant la lourde valise attachée à son poignet par une paire de menottes. Deux frères, Karl et Jon, habitants d'une ferme, ont vu tomber l'avion mais ils durent attendre que la tempête se calme, 4 jours, pour aller jusqu'à Reykjavík avertir les contrôleurs aériens de la base américaine. Eux affirment n'avoir eu connaissance d'aucun vol dans cette région, l'US Army se charge de l'enquête. Les recherches vont être difficiles, le Vatnajökull est le plus grand glacier d'Europe et la neige qui est tombée sans discontinuer pendant plusieurs jours n'arrange rien, sans oublier la brièveté des journées et l'ignorance des militaires des bases du déplacement dans des conditions aussi extrême.
Seule la jante du train avant sera découverte, par les deux frères. Le colonel Miller, chef des équipes de recherches, ne voulait pas renoncer, il dut s'y résoudre pourtant, laissant les frères avec leurs interrogations : pourquoi pleurait-il devant son échec, que voulait dire ce mot, écrit sur la roue qu'il avait retrouvée : KRUPPSTAHL ?
1999 – Centre de contrôle, Bâtiment 312, Washington.
Mercredi 27 janvier.
Ce bâtiment était occupé par un service spécialisé dans l'analyse de clichés de l'Union Soviétique, de la Chine, de Cuba et des nations ''ennemies''. Depuis la fin de la guerre froide il portait son attention vers les bases terroristes du Moyen-Orient, les Balkans... La production de 8 satellites arrivaient sur les écrans des spécialistes dirigés par le général Vytautas Carr. Ce jour là il fixait les images soumises à son opinion par un analyste. La dernière retenait son attention, celle d'un glacier islandais.
Quand il demande si le service dispose d'un correspondant à Keflavik on lui répond qu'il n'y a personne. Il a une idée, envoyer Ratoff, et deux escadrons des forces spéciales. Et tant pis si les autorités locales ne sont pas coopératives. Le glacier avait-il, enfin, rendu sa proie ?
Ministère des Affaires étrangères, Reykjavík.
Jeudi 28 janvier.
Kristin est menue, le teint mat, des cheveux noirs et courts, un visage fin aux traits prononcés et des yeux marron, brillant, où se lisait détermination et confiance en soi. Après une confrontation avec un individu de fort mauvaise humeur elle répond à un appel de son frère, Elias, celui-ci lui parle de son voyage vers le Vatnajökull avec son équipe des björgunarsveitin de Reykjavík, des sauveteurs bénévoles chargés des secours en montagne. Des frères et sœurs ne pouvaient être aussi différents qu'eux, ce qui ne gênait en rien leur entente.
Ce même jour l'avion-cargo C-17 de l'US Air Force se posait à Kevlavik. Quinze minutes après un premier camion, un Mercedes-Benz sans marques distinctives, plein du matériel déchargé partait vers le glacier. Il n'était que le premier de 4, tous différent pour se fondre dans la circulation civile. Au passage Ratoff rend visite aux frères. Jon est seul depuis le décès de Karl mais en voyant arriver le militaire il sait que les recherches reprennent, une fois de plus, peut-être la bonne. Même si le colonel Miller, à titre personnel, était revenu quelquefois pour continuer sa quête avec un petit détecteur de métaux. Ils s'étaient demandé pourquoi cet avion obsédait tant les américains. Ratoff l'ignore, c'est inutile pour le retrouver.
Vendredi 29 Janvier
Kristin aimait vivre seule, elle déteste les contraintes. S'adapter à l'autre fut toujours un problème. Elias est sa seule famille et cela lui suffit, en apparence, depuis la mort de leur mère et l'éloignement de leur père. Quand Elias la rappelle les échanges sont difficiles à cause de l'éloignement, mais elle l'entend parler de trucs bizarres, de gens qui creusent dans la glace, des motoneiges, des soldats, armés... Avion est le dernier mot qu'elle entend avant que la communication ne soit interrompue.
Le général Carr de son côté est convoqué chez le ministre, les deux hommes ne s'aiment pas, le politicien semblant ennemi des opérations secrètes. Or celle que mène en Islande Carr en est une, et chère, il veut donc des explications. Le militaire lui explique donc qu'un Junkers Ju 52 s'est écrasé sur le glacer à la fin de la Seconde Guerre mondiale et que l'idéale eut été qu'il ne fut jamais retrouvé. Bien sûr le politicien lui en demande la raison, Carr lui parle alors de l'or de Walchensee, les dernières réserve du Troisième Reich, entre six et huit tonnes, qui aurait été volées par une bande de renégats de l'armée américaine. De l'or qui proviendrait des camps de concentration.
Le ministre est d'accord, cet avion ne doit pas être retrouvé.
Carr est satisfait, son explication, fausse, était crédible.
Ratoff lui est embêté avec ces jeunes gens qu'il a capturés, et plus encore par le fait que l'un d'eux ait téléphoné et transmis des informations secrètes à sa sœur, Kristin. Il ne donne qu'un ordre : suicide ! Deux hommes se rendent chez la jeune femme, la maîtrise et pendant que l'un la menace d'une arme l'autre rédige, en islandais, sur l'ordi de la jeune femme, une lettre d'adieu. Aurait-elle pu survivre à son frère ? Pile l'instant où un homme frappe à la porte, violemment. Celui qu'elle avait croisé plusieurs fois au ministère, toujours de méchante humeur. Cette fois pourtant il lui permet de s'enfuir. Elle seule pouvait courir sur la glace.
Les jeunes sauveteurs devaient regretter de s'être écarté du groupe pour tomber sur ce qu'ils n'auraient jamais dus voir. Dommage qu'ils aient eu un accident à soixante kilomètres de l'avion, c'est ce que dira Ratoff à Carr, avant de rajouter qu'il y a aussi une sœur, mais que tout est sous contrôle. Finalement le général se demande s'il a fait le bon choix, Ratoff était efficace mais en faisait parfois un peu trop. Il va lui falloir se rendre sur place. En attendant il doit honorer une vieille promesse. Ce qu'il fait en appelant Miller.
Kristin ralentit, personne ne semble la suivre, elle trouve une maison, emprunte le téléphone, prévient son père qu'il doit se cacher en lui racontant succinctement ce qui vient de se passer avant de partir pour Keflavik. User de sa carte la rend repérable mais comment faire autrement ? Elle se rend à la base militaire US où elle connait un homme. Steve, un soldat à qui elle raconte ce qui lui arrive, et qui doute de sa santé mentale. Il finira par la croire.
Néanmoins il est temps de mettre les autorités légales au courant, de certaines choses. L'important est que le mensonge soit assez gros pour cacher la vérité.
Peu de gens connaissent la vérité, Carr et Miller ne peuvent en parler qu'ensemble, et le premier met le second au courant des derniers développements, et dommages collatéraux, de la situation. Eux savent que l'Histoire n'est qu'un tissu de mensonges bâti sur une trame de crimes et de malheurs. L'avion une fois dégagé partira en Argentine, ensuite, ce que pourrait raconter Kristin n'aurait aucune importance. À elle de courir assez longtemps.
Y parviendra-t-elle, quel secret se cache dans cet avion ? Vous savez ce qui vous reste à faire si vous voulez le savoir. Un des premiers romans de Indridason, déjà dans son Islande natale. Les longues nuits semblent propices aux crimes, sa situation géographique, extrême et à la croisée des mondes, par où tout peut passer, où tout peut arriver. Ne vous plaignez pas de votre hiver, vous n'avez pas expérimenté celui des terres d’Islande, utilisez-le pour lire l'Opération Napoléon. Vous serez réchauffé.
Ou pas.